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Actualités - ANALYSE

Les rapports de force ne sont plus les mêmes L'opposition se résigne à modifier son approche ...

Affaiblie par la «défection» relative d’un de ses fers de lance, l’opposition va maintenant changer de méthode, se faire moins incisive et plus insidieuse. C’est que la retentissante démarche auprès du chef de l’État du Front de lutte nationale conduit par M. Walid Joumblatt a altéré des rapports de force jusque-là plus ou moins égaux. On peut en effet estimer que si le régime, soutenu sans réserve par les décideurs, surclasse toute la classe politique, le gouvernement, où ne brillent que de rares étoiles politiques, a beaucoup moins de poids que les pôles qui en sont exclus. La visite à Baabdate du leader progressiste affecte d’autant plus les donnes qu’elle a été couronnée de résultats «éminemment positifs» selon l’un des lieutenants-députés de M. Joumblatt qui y ont assisté. Ce parlementaire indique que «le climat était nettement différent de celui qui avait pu régner au cours de concertations antérieures avec les émissaires du palais. Une ère nouvelle de coopération s’ouvre maintenant en grand. Les deux interlocuteurs ont ainsi convenu de se retrouver régulièrement pour traiter de divers problèmes». La rencontre a été préparée par les échanges qu’auparavant M. Joumblatt avait pu avoir avec un envoyé du régime, le général Jamil Sayyed, directeur général de la Sûreté. On sait qu’il y a quelques mois déjà, ils s’étaient vus à deux ou trois reprises, pour discuter principalement de la loi électorale et du découpage des circonscriptions, enjeu majeur pour M. Joumblatt. Ce dernier a rendu visite dernièrement au général Sayyed à son domicile, pour mettre au point le programme, ou l’ordre du jour si on préfère, des retrouvailles avec le président de la République. Parallèlement, en signe d’ouverture et de bonne volonté, M. Joumblatt mettait une sourdine à ses attaques contre le pouvoir, gouvernement compris. Finalement donc la glace semble rompue entre Baabda et Moukhtara. L’entrevue a été pleine d’aménité, selon les témoins présents. L’accent a été mis sur la nécessité d’ouvrir une nouvelle page et partant de traiter autrement, de part ou d’autre, les dossiers sous étude ou qui font l’objet de divergences de vues. Selon une source fiable, M. Joumblatt, évoquant les raisons de son initiative de rapprochement, avant la visite, confiait en substance à ses intimes que «nous avons jusque-là fait fausse route dans notre analyse et dans notre action politique. Nous n’avons pu obtenir aucun acquis. Les loyalistes, l’État et le gouvernement se sont également trompés. De ce fait personne n’a pu marquer de points, ni l’opposition ni le gouvernement. Le pays a subi une période d’échanges de la balle entre les deux camps, sans qu’aucun ne parvienne à tirer avantage des coups douloureux portés à l’adversaire. Nous ne pouvons laisser cette situation s’éterniser. Nous sommes concernés par l’intérêt public qui en pâtit. Aussi il nous faut ouvrir une nouvelle page de coopération avec le régime. D’autant que ses positions ne sont plus les mêmes qu’avant ou que nous imaginions. Il s’est ainsi abstenu d’intervenir dans les affaires intérieures de la communauté, a montré qu’il est neutre, qu’il se place en arbitre impartial au-dessus de la mêlée. Cette attitude nous convainc qu’il est nécessaire de coopérer avec lui». «D’autant, ajoute le leader druze, que nous voyons se former un arrangement régional, les Américains déployant un forcing sérieux dans ce sens. Il va y avoir des changements, des développements importants, sur le plan de la paix. Ces considérations nous imposent de ne pas nous mettre hors-jeu, d’être l’un des principaux protagonistes de la partie qui s’annonce. Il nous faut dès lors changer de tactique, réviser la méthode et le style que nous adoptions». Parallèlement ou d’une manière remarquablement complémentaire, on relève l’appel récemment lancé par le patriarche Sfeir pour un changement de l’approche politique et l’ouverture d’un dialogue sérieux, à la veille des échéances régionales. Le prélat insiste, selon ses visiteurs, pour un relèvement du niveau du discours politique au Liban, à la hauteur des difficultés que connaît le pays et des dangers qu’il affronte. Mgr Sfeir souligne que ce discours politique doit dépasser les zizanies à caractère confessionnel ou autre, pour ne se soucier que de l’intérêt national bien compris. Il précise, toujours selon ses visiteurs, que son appel ne signifie pas qu’il prône un État laïc «mais un État libanais qui n’appartienne ni à telle communauté ni à telle autre». Réticences de radicaux Pour leur part les autres pôles plus ou moins opposés au pouvoir, multiplient en privé les déclarations dans lesquelles ils laissent entendre qu’ils sont prêts à suivre l’exemple de M. Joumblatt. En précisant toutefois que leur sympathie irait plutôt au régime qu’au gouvernement, dont ils réclament toujours l’éviction. Cependant, alliés objectifs, certains loyalistes allergiques au leader du PSP et certains opposants ultras qui pleurent sa «désertion», affirment que son ralliement au régime ne fera pas long feu. Ils soulignent en chœur la versatilité connue du leader de la montagne, son aptitude à la volte-face soudaine et son goût de dérouter autrui en restant imprévisible. Ils affirment que pour un bon mot, il donnerait beaucoup et qu’il ne pourrait pas empêcher son esprit critique de s’exprimer à coups de boutades. Ces politiciens relèvent par ailleurs qu’au cours de sa carrière, M. Joumblatt a pu soutenir des gouvernements mais presque jamais des régimes. Il n’a été proche d’aucun président, ni Sarkis ni Gemayel ni Hraoui. Les mêmes personnalités, et elles ont sans doute raison sur ce point, pensent que si la loi électorale ne lui donne pas satisfaction, M. Joumblatt se remettrait bien vite à vilipender le pouvoir. Sans vouloir reconnaître ce point, des joumblattistes assurent pour leur part que désormais l’alliance avec le régime est tout aussi indéfectible qu’avec M. Rafic Hariri. En oubliant au passage que naguère entre deux Cabinets haririens, M. Joumblatt attaquait toujours l’ancien président du Conseil, pour être bien sûr qu’on ne l’oublierait pas dans le nouveau partage. Les proches du leader progressiste ajoutent que le rapprochement de leur chef avec Baabda devrait du reste donner envie à M. Hariri d’en faire autant. Mais ils précisent que leur patron n’a pas l’intention de jouer les conciliateurs, car ses bonnes relations avec le chef de l’État ne datent que d’hier. Reste le gouvernement, ou plutôt M. Sélim Hoss. Pris entre de multiples feux, il veut quand même faire flèche de tout bois. Il aurait ainsi chargé le ministre de l’Information M. Anouar el-Khalil, lors du dernier Conseil des ministres, de riposter avec vigueur, par tous les moyens médiatiques dont l’État dispose, aux campagnes de dénigrement dont le Cabinet fait l’objet. Les loyalistes gouvernementaux se disent certains que le président de la République ne voudra pas se rapprocher de M. Rafic Hariri si le président du Conseil y est réticent. Mais le chef de l’État peut-il fermer sa porte à quiconque y frappe ?
Affaiblie par la «défection» relative d’un de ses fers de lance, l’opposition va maintenant changer de méthode, se faire moins incisive et plus insidieuse. C’est que la retentissante démarche auprès du chef de l’État du Front de lutte nationale conduit par M. Walid Joumblatt a altéré des rapports de force jusque-là plus ou moins égaux. On peut en effet estimer que si...