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Actualités - ANALYSE

Vie politique - La loi électorale n'est qu'un succédané Pour Bkerké, les constantes priment tout

Alors que la fièvre préélectorale saisit les professionnels, qui ne veulent plus rien voir d’autre, le régime et Bkerké se retrouvent implicitement pour rappeler que l’intérêt national bien compris passe avant tout. Dans son dernier prêche, le patriarche Sfeir souligne ainsi que la démocratie n’est pas affaire de textes législatifs mais d’un état d’esprit général. Ce concept, ajoute-t-il, veut que par une saine représentation les citoyens puissent participer aux décisions qui les concernent. À son avis, il faut aussi que les partis, tout comme les syndicats, les corps constitués ou la presse, aient un rôle actif à jouer dans le débat public. Autrement dit, la vraie démocratie n’est pas l’apanage du pouvoir ou des politiciens. Abondant dans ce sens, un vétéran écouté, souligne que le jeu peut être faussé, vicié à la base, bien avant le jour du scrutin. Il relève que la triche dans les résultats mêmes et les faux électeurs dont les bulletins gonflent les urnes, ont moins d’importance que les immixtions préliminaires du pouvoir ou de l’argent, qui parfois se confondent. Ce vieux loup de mer expérimenté, rappelle que les puissants disposent d’une impressionnante batterie pour infléchir à leur guise une élection et il cite notamment les astuces suivantes : - Un découpage géographique qui catapulte les uns et éjecte automatiquement leurs adversaires. Une pratique «légale» que l’on retrouve dans un certain nombre de pays, même parmi ceux que l’on dit démocratiquement évolués. - Un gouvernement des élections qui soit de parti-pris. Il lui suffit alors de mobiliser les services au profit de son camp et de répartir habilement les bureaux de vote, pour que dans beaucoup de cas l’opposition n’ose même pas y envoyer des scrutateurs. Après quoi on valse avec les listes d’électeurs et les bulletins glissés dans l’urne, en attendant un dépouillement des votes tout aussi joyeux. - Un raffinement de cette louable méthode consiste à confier la direction des bureaux de vote à des fonctionnaires connus pour leur allégeance à des candidats déterminés ou aux courants dont ils font partie. Une telle sélection permet une ficelle classique : le chef de bureau «oublie», à la clôture, de parapher le procès-verbal du décompte des voix et, prenant le relais, la commission du dépouillement, au siège du mohafazat, arrange ensuite les chiffres à sa manière. - Il y a bien sûr, et cela pèse, la carotte et le bâton. C’est-à-dire qu’on fait des promesses, généralement d’embauche, aux électeurs ou on les intimide de façon musclée pour qu’ils votent « dans le bon sens». - Même système à peu près au niveau des candidats, lors de la formation des listes. On écarte ainsi, en les isolant, les indésirables et on pousse en avant les parachutés. Une manipulation facilitée par le peu de poids relatif des partis sur la scène électorale. - Enfin il y a le recours, grossier mais efficace, à l’achat des voix. À partir de ces éléments de constat, l’ancien politicien recommande la petite circonscription, qui donne un fort taux de vraie représentativité, ainsi qu’un gouvernement impartial, qui répartit les bureaux de vote après avis des candidats. À défaut d’un Cabinet d’union nationale, que les décideurs interdisent toujours, au moins un dialogue national. C’est ce que réclament pour leur part des pôles modérés qui soulignent que la récente rencontre entre le chef de l’État et Walid Joumblatt devrait constituer le coup d’envoi d’une entente généralisée. Selon un ancien dirigeant qui plaide pour le consensus, «le Liban a besoin, à tous les points de vue, d’offrir un front intérieur solidement uni pour faire face aux échéances cruciales qui s’annoncent. L’heure n’est pas aux règlements de comptes mais à l’union sacrée, si nous voulons contrer efficacement les visées d’Israël. Ces dix dernières années, on a causé un grave préjudice au pays en sabotant l’entente nationale prévue dans les accords de Taëf. Il est grand temps d’y remédier. Et cela pour les raisons suivantes : - Il y a un fort risque qu’Israël procède à un retrait “unilatéral” du Sud. Certes la libération inconditionnelle de cette région occupée est souhaitable. Mais les conditions dans lesquelles elle se déroulerait pourraient avoir des retombées négatives. Car il y aurait des problèmes par rapport aux positions respectives de l’État libanais et de la Résistance, sans compter la pression indirecte exercée sur la Syrie». Cette personnalité évite d’entrer dans les détails. Le nœud de la question est qu’un retrait «unilatéral» serait un piège difficile à éviter. En effet, la Résistance ne pourrait pas alors s’interdire de poursuivre ses actions. En attaquant les colonnes israéliennes en partance, en traquant les lahdistes puis éventuellement en menant des opérations contre la Galilée. Dans ces trois cas, Israël se reconnaîtrait un droit de riposte que la communauté internationale ne lui dénierait pas. Il pourrait frapper durement, comme il menace régulièrement de le faire, l’infrastructure libanaise et étendre ses agressions en profondeur. Il pourrait peut-être même, il l’a laissé entendre, s’en prendre aux forces syriennes cantonnées au Liban. Toujours est-il que l’ancien dirigeant reprend : «Le gouvernement actuel, par sa composition même, semble incapable de comprendre vraiment les enjeux et d’agir en conséquence. Les technocrates ne sont pas en mesure d’analyser le dossier du Sud, tandis que les rares politiciens de l’équipe, qui ne viennent pas de cette région, sont trop obnubilés par les législatives de l’an prochain. Pour compenser cette lacune, il faut donc impérativement ressouder les rangs intérieurs. Le dialogue national doit notamment porter sur la ligne qu’il convient de suivre ensemble pour échapper à la chausse-trappe israélienne. Sans quoi, la scène intérieure risque d’être déstabilisée, les rapports avec la Syrie perturbés et le Liban, affaibli, se verrait contraint d’accepter tout ce qu’on veut lui imposer. À commencer par l’implantation des réfugiés palestiniens». «Damas, conclut l’ancien dirigeant, est conscient du péril. L’officieux al-Baas écrit qu’Israël projette une agression d’envergure contre le Liban pour en épuiser le potentiel économique et humain, pour obliger ce pays à accepter ses conditions. Il est donc indispensable qu’on commence par prendre la toute première mesure qui vient à l’esprit : unifier nos rangs». Plus facile à dire qu’à faire, car certains ont des œillères.
Alors que la fièvre préélectorale saisit les professionnels, qui ne veulent plus rien voir d’autre, le régime et Bkerké se retrouvent implicitement pour rappeler que l’intérêt national bien compris passe avant tout. Dans son dernier prêche, le patriarche Sfeir souligne ainsi que la démocratie n’est pas affaire de textes législatifs mais d’un état d’esprit...