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Actualités - REPORTAGES

Patrimoine - La mosquée omeyyade de Baalbeck Quand la restauration devient reconstruction(photos)

Le problème de la conservation et de la restauration des monuments historiques et religieux au Liban demeure des plus épineux. Cette question intéresse historiens et croyants, chacun dans un objectif différent. Tel est le cas de la mosquée omeyyade de Baalbeck, témoin rare de cette époque dans notre pays. Ce monument centenaire, abandonné depuis sa destruction par les inondations du XVIIIe siècle, reste d’une importance capitale pour l’art de cette civilisation. Mais les habitants de la ville ne l’ont pas vu ainsi. Ils ont créé un comité qui a pour tâche de collecter l’argent nécessaire à une restauration. La Fondation Hariri a adopté ce projet, assurant finances et études en collaboration avec son conseiller, M. Saleh Lamii Moustafa, membre du bureau de l’Unesco pour la conservation et la sauvegarde des monuments islamiques au Caire. Les travaux, commencés il y a deux ans, seront achevés dans un mois. Le coût du projet s’élève à un million de dollars fournis par la fondation. Les travaux sont effectués en collaboration avec la Direction générale des antiquités et les wakfs islamiques. Curieusement, la restauration de la mosquée s’est transformée en une reconstruction. Les murs sont rebâtis avec des pierres prises dans des maisons délaissées, dans la région de Baalbeck. «Notre premier souci demeure de garder au monument son aspect ancien. De ce fait , tous les matériaux utilisés doivent être d’époque. Le mortier coulé entre les pierres est préparé selon les techniques anciennes : eau de chaux mélangée à de la cendre», souligne M. Maarouf el-Attab, ingénieur chargé de l’exécution du projet. Actuellement, il est difficile de relever une différence dans la couleur de la pierre. En outre, reconstruire un monument avec des matériaux réutilisés fausse sa datation. Dans quelques années, il sera impossible de différencier l’authentique du reconstruit, surtout si la construction est élaborée selon les techniques anciennes. Pour la façade de la mosquée, rien n’est trop beau. Elle est décorée de bois sculpté, dont les motifs sont inspirés de la mosquée omeyyade d’Alep. Dallages superposés «On a dégagé le remblai accumulé le long des années sur le sol de la mosquée et de la cour extérieure. Prenant le mihrab comme point de repère, trois niveaux de dallage ont été mis à jour, séparés par une dizaine de centimètres», explique M. Maarouf el-Attab. Le niveau recherché dans la mosquée était la base des colonnes. Une fois atteint, le dallage a été réparé en remplissant les espaces vides par des pierres en bon état retrouvées dans les niveaux supérieurs. Toutefois, le toit de la mosquée, entièrement reconstruit avec des tuiles couleur ocre, demeure le détail le plus marquant et cela pour de multiples raisons. La première est dans la forme même de la reconstruction. Les maisons de la Bekaa, notamment celles de Baalbeck, sont à terrasses, donc à toit horizontal. Or, celui de la mosquée est reconstruit avec des tuiles inclinées qui ont une forme triangulaire, donnant à ce monument historique une forme de hangar. Les tuiles n’existent pas en architecture islamique, surtout dans les mosquées omeyyades, comme le montrent celles d’Alep ou de Damas. Ajoutons que la couleur des tuiles est, elle aussi, nouvelle dans l’architecture. Mais M. el-Attab explique que durant les travaux, un certain nombre de tuiles, couleur ocre, découvertes entre deux dallages ont permis aux chercheurs de tirer la conclusion qu’un toit s’était effondré du fait des inondations. «Les références historiques ne fournissant aucune information sur ce sujet, nous avons conclu à la possibilité d’un toit en tuile incliné», dit-il. Un archéologue de renommée commente cette reconstruction en expliquant que «durant les travaux, des pièces de tuiles cassées couleur ocre, de forme triangulaire ont été retrouvées, mais elles ne servaient pas de toit. Elles faisaient, tout simplement, office de couvercle à un sarcophage en brique crue». Cour et minaret inchangés La cour extérieure de la mosquée a subi elle aussi des travaux de dégagement. Des dizaines de centimètres de remblai ont été enlevés, ce qui a dévoilé un dallage de pierres blanches. Là aussi, le dallage ne couvre pas toute la cour. Par endroits, il a été remplacé par d’autres pierres anciennes trouvées dans la mosquée à un niveau différent. «Cette réutilisation ne se remarquera plus dans quelques années, car la couleur des deux sortes de pierres sera identique», note M. el-Attab. Heureusement, le minaret n’a pas été restauré. «Le tremblement de terre de 1759 l’a détruit. Aucune référence historique n’évoquait son aspect d’antan. Alors faute d’informations sur lesquelles nous baser, nous ne l’avons pas reconstruit», explique M. el- Attab. Située entre la salle de prière et le minaret, la tribune de l’imam a été prise pour une tombe et, par la suite, enlevée. Or, cette petite construction de forme carrée servait à transmettre les paroles de l’imam de l’intérieur de la mosquée au muezzin qui, à son tour, les relayait aux croyants dans la cour. La mosquée, construite à l’époque omeyyade, occupe probablement l’emplacement du forum romain et d’une église byzantine dédiée à saint Jean. «Un simple sondage de 4 mètres, effectué durant les travaux de restauration, aurait éliminé les hypothèses historiques donnant place aux preuves archéologiques», explique l’archéologue de renommée. Durant la période mamelouk, la mosquée a subi des modifications apportées par Nour el-Dine Zengi, car le monument avait souffert du tremblement de terre de 1170. Les nombreux séismes qui ont frappé la région ne l’ont pas épargné, mais ce sont les inondations entre le XVIIe et le XVIIIe siècles qui ont causé sa destruction. En tout état de cause, un monument historique aussi important que la mosquée omeyyade doit être perçu, avant tout, comme une source d’histoire, ce qui implique une sauvegarde sans modification, même pour une restauration. Quant à la reconstruction, le principe en soi est faux, et ce monument, témoin d’une période et d’une civilisation qui n’ont pas laissé beaucoup de traces sur notre sol, a perdu aujourd’hui son cachet historique pour ne devenir qu’une piètre imitation du XIIe siècle.
Le problème de la conservation et de la restauration des monuments historiques et religieux au Liban demeure des plus épineux. Cette question intéresse historiens et croyants, chacun dans un objectif différent. Tel est le cas de la mosquée omeyyade de Baalbeck, témoin rare de cette époque dans notre pays. Ce monument centenaire, abandonné depuis sa destruction par les...