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Actualités - REPORTAGES

Un plan d'aménagement de la côte dans une optique de développement intégré

En dépit des nombreuses agressions contre le domaine maritime et de la détérioration de certains des plus beaux sites côtiers, tout n’est pas encore perdu pour nos rivages. L’ingénieur Rahif Fayad en sait quelque chose pour avoir travaillé trois ans durant sur un plan d’aménagement d’une partie du littoral libanais. L’étude, qui s’inscrit dans le cadre de l’établissement d’un plan directeur pour le littoral, englobe le domaine maritime situé au nord de Beyrouth et couvre toute la partie côtière allant de Tabarja dans le Kesrouan jusqu'à Hrayché au Liban-Nord. Il s’agit de la première phase du plan directeur exécuté en application du décret 276 de 1972 qui divise le littoral en deux parties dans la perspective d’un réaménagement qui est resté au stade des projets. La deuxième phase concerne le littoral au sud de Beyrouth. Il est intéressant de noter qu’il ne s’agit pas de la première étude du genre. Il y en a déjà eu une dans les années 40 et, tout récemment, en 1996. Mais, pratiquement, elles n’ont pas servi à grand-chose puisqu’elles n’ont pas été appliquées. Commandée en 1996 par le conseil supérieur de l’urbanisme, l’étude de M. Fayad subira-t-elle le même sort ? L’ingénieur l’a présentée il y a quelques jours à ce conseil qui doit se réunir pour l’examiner et l’approuver avant de la transmettre au Conseil des ministres. «Contrairement à ce qu’on pense, le littoral au nord de Beyrouth n’est pas trop endommagé», du fait des travaux exécutés par l’homme sur la bande littorale, «mais cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de dégâts». Dans son bureau, une série de plans alignés contre les murs montrent une perspective de la côte de Tabarja à Hrayché. Les espaces vierges y sont effectivement nombreux. Le plan conçu par M. Fayad tend à les préserver intacts tout en limitant le développement anarchique des zones urbanisées et en favorisant un développement intelligent des zones côtières, fondé sur une étude d’impact urbain, social, économique et écologique, obtenu grâce à des visites successives sur le terrain. Les contraintes sont nombreuses. D’abord, le plan directeur doit tenir compte du fait que le littoral «a été divisé deux fois par l’ancienne route côtière puis par l’autoroute. Les deux sont très proches l’une de l’autre, ce qui constitue une erreur sur les plans urbain, social et économique, sans compter qu’elles confèrent à la côte un aspect plutôt filiforme». Une étude d’impact L’étude d’impact a engobé 17 localités (pollution, ravitaillement en eau, croissance démographique). Si la zone qui s’étend de Tabarja à Amchit est excessivement urbanisée, celle qui lie Amchit à Batroun est bien conservée. Et cela, on le doit sans doute à la guerre, puisque ce secteur constituait un no man’s land du temps des hostilités. «C’est entre 1991 et 1995 qu’il y a eu des constructions sur le rivage dans cette zone, mais l’air et la mer n’y sont pas pollués et le paysage naturel est bien conservé», note M. Fayad. Dans le plan directeur proposé, cette zone, mais aussi celle qui s’étend de Batroun à Enfé, constitueront des réserves naturelles. Le littoral et les champs du Akkar sont également pressentis pour devenir des réserves naturelles à cause de la beauté du site. Batroun-Enfé a été sélectionné à cause des particularités de la façade maritime de ce secteur, tant sur le plan naturel qu’historique. «Le promontoire de Chekka est exceptionnel à cause de la richesse de sa végétation qui attire les oiseaux migrateurs. Les fonds sous-marins sont également d’une richesse incomparable et présentent un double intérêt touristique et scientifique», poursuit M. Fayad. «Et si Batroun est considéré comme un patrimoine architectural, des conditions très sévères seront posées pour les projets de construction dans le cadre du plan d’aménagement», ajoute-t-il. Quant à Enfé, il faut que la superposition de plusieurs époques que les vestiges archéologiques laissent deviner soit aussi lisible dans le développement de cette localité, déclare-t-il. L’ingénieur qui croit ferme à la nécessité de recourir à de nouvelles dynamiques de tourisme réserve quand même une place de choix pour le développement d’activités économiques. Il s’agit simplement de rationaliser les moyens pouvant favoriser une prospérité économique, explique-t-il. Dans cet ordre d’idées, M. Fayad suggère le développement de deux activités artisanales millénaires : les marais salants et la pêche. «Le sel que nous produisons est très compétitif grâce à sa qualité. Quant à la pêche, elle peut être développée pour répondre aux besoins de la consommation locale, ce qui réduira à long terme l’importation du poisson. De surcroît, une série d’activités liées à la pêche peuvent être développées, l’ouverture de poissonneries, de restaurants, de souks et d’ateliers de confection de barques et de tissage de filets autour des ports». Si certaines parties du littoral ont échappé à l’urbanisation sauvage, c’est aussi grâce au développement d’une activité agricole s’exprimant par la multiplication des champs et des serres sur les terrains limitrophes du rivage. Il s’agit là d’une autre activité que le plan proposé par M. Fayad encourage dans le cadre du réaménagement de la côte, conçu dans l’optique d’un développement intégré. À long terme, le plan directeur préconise une série de démarches tenant compte du développement dans les 20 ans à venir. «Comme il n’est pas possible de freiner la croissance démographique, nous avons prévu d’encourager l’urbanisation dans les régions où le développement humain est important, mais de manière à freiner le déplacement vers la côte. Dans le même temps, nous envisageons de préserver les régions restées vierges», explique M. Fayad. L’ingénieur donne l’exemple de Menyé où les ravages provoqués par l’urbanisation anarchique de la ville sont considérables. Il n’en demeure pas moins que le plan proposé prévoit de sauver ce qui reste des terrains agricoles dans cette région, en cernant l’urbanisation dans certains secteurs et en l’éclatant dans d’autres. Pour ce faire, il est possible, aussi bien à Menyé que dans le reste des secteurs côtiers sauvagement urbanisés, de baisser le coefficient d’exploitation et de fixer des critères très stricts pour l’édification d’habitations, ce qui, dans le meilleur des cas, pourrait décourager les constructions à caractère commercial. M. Fayad note dans ce contexte que 30 % des constructions dans les régions fortement urbanisées sur le littoral (faisant l’objet de l’étude) sont vides. «Cela montre bien que le boom immobilier est une illusion», ajoute-t-il. Encore faut-il en convaincre les promoteurs immobiliers. Le développement d’activités touristiques, économiques et artisanales sur la côte pourrait peut-être détourner leur attention du secteur immobilier vers d’autres centres d’intérêt.
En dépit des nombreuses agressions contre le domaine maritime et de la détérioration de certains des plus beaux sites côtiers, tout n’est pas encore perdu pour nos rivages. L’ingénieur Rahif Fayad en sait quelque chose pour avoir travaillé trois ans durant sur un plan d’aménagement d’une partie du littoral libanais. L’étude, qui s’inscrit dans le cadre de...