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Actualités - OPINION

Tribune Les jardins perdus de Beyrouth

Le manque de jardins publics à Beyrouth se fait cruellement sentir ; tout le monde en est conscient et les Beyrouthins continuent à vivre dans l’indifférence totale tout en sachant que leur capitale est dépourvue de poumons. Nul n’ignore que l’arbre fournit l’oxygène, qu’une ville sans arbres est une ville qui agonise et que la mort d’une agglomération est synonyme de la mort de ses habitants. Toutes les pinèdes des collines entourant Beyrouth sont en voie de disparition, bientôt elles feront partie des souvenirs. Dans le bon vieux temps, vers l’année 1875, Mgr Youssef el-Dibs, archevêque maronite de Beyrouth, notait dans l’un de ses ouvrages historiques : «J’ai construit “dans le bois” (il faut comprendre “Achrafieh”) l’école de La Sagesse, pour instruire nos jeunes gens». Cent vingt-cinq ans après, ce bois qui couronnait notre ville a disparu sous les coups de boutoir des bulldozers, ces taupes mécaniques ou plutôt ces monstres destructeurs des temps modernes, mis au service du gain facile et de la cupidité. Un coup d’œil rapide sur les hauteurs qui surplombent l’ancienne Béryte permet d’évaluer l’étendue du désastre : des amas de béton et des constructions élevées çà et là et d’une façon anarchique envahissent les collines, rejettent les espaces verts toujours plus loin et transforment le paysage en le dotant d’un cachet plutôt repoussant qui respire la difformité et la laideur. Que demandons-nous en fait ? Que demande le simple mortel pour pouvoir supporter la vie dans une grande ville ? Loin de nous les ambitions démesurées. Une ville ne doit pas être une cité-dortoir où les gens arrivent à s’entasser plus ou moins confortablement ; un ensemble de rues où des ombres furtives se hâtent de rentrer chez elles pour échapper à l’atmosphère oppressante d’un extérieur hostile. Elle ne doit pas être non plus des constructions monstrueuses, s’élevant librement dans le ciel sans aucun souci de l’esthétique. Pour personnaliser Beyrouth, Tripoli ou n’importe quelle autre commune et pour les humaniser, il n’y a pas mieux que les squares et les espaces verts. Des jardins publics même de petites dimentions devraient être aménagés dans tous les quartiers ainsi que des petits diamants incrustés dans une œuvre. Tant que nous vivons à l’étroit et dans la promiscuité, Les amoureux qui se bécotent sur les bancs publics de Georges Brassens n’auront pas droit de cité dans le pays d’Adonis, d’Astarté et d’Europa. Soulevons-nous dans un grand sursaut contre les intérêts privés qui détruisent nos sites et donnons au moins pour une fois la priorité à l’intérêt public. Refusons que la laideur s’empare de notre capitale sous n’importe quel prétexte. Une ville sans arbres et sans jardins publics est un corps sans âme, un oiseau sans plumes. Notre planète Terre n’est-elle pas le plus beau des astres parce que dotée de forêts, de bois et de cette couleur verte, symbole de la jeunesse, du printemps, de l’amour et de la vie ! Une Beyrouth verte aux multiples jardins publics serait une digne capitale des «Mille et une nuits» de ce nouveau siècle qui se lève à l’horizon. Je vous laisse rêveurs comme je l’ai été il y a deux mois devant ce panneau dans une rue parisienne : «Paris vous souhaite la bienvenue avec ses quatre cents jardins».
Le manque de jardins publics à Beyrouth se fait cruellement sentir ; tout le monde en est conscient et les Beyrouthins continuent à vivre dans l’indifférence totale tout en sachant que leur capitale est dépourvue de poumons. Nul n’ignore que l’arbre fournit l’oxygène, qu’une ville sans arbres est une ville qui agonise et que la mort d’une agglomération est synonyme de...