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Actualités - REPORTAGES

Villages du Liban - Traditions, patrimoine, richesses archéologiques Ehden, un centre de villégiature qui ne dort jamais l'été (photos)

Le tourisme interne est largement pratiqué dans la plupart des pays occidentaux. Au Liban, cette coutume en est encore à ses premiers balbutiements. Les Libanais connaissent très peu leur pays, plus particulièrement les régions périphériques. Pour pallier quelque peu une telle lacune, nous entamons à partir d’aujourd’hui dans les colonnes de “L’Orient-Le Jour” une série ayant pour thème globale “les villages du Liban”. Quelles sont les caractéristiques, traditions et coutumes populaires des principaux villages libanais ? Quel est le patrimoine culturel, religieux, archéologique, architectural ou autre qui distingue une localité déterminée des autres ? Quels sont les bâtiments, édifices et lieux publics qui font partie du patrimoine de nos villages ? En apportant quelques éléments de réponse à ces questions, nous essaierons de dresser un tableau descriptif des localités choisies sans occulter pour autant les réalités sociales et historiques ainsi que les spécificités propres à chaque région, notamment au niveau de la production artisanale ou d’une quelconque autre activité économique. Nous limiterons sur ce plan notre choix aux villages qui présentent réellement un cachet bien particulier ou une richesse culturelle et archéologique qui mérite d’être connue du grand public. Avec les 3 000 visiteurs qui s’y rendent, en moyenne, tous les dimanches, Ehden figure en tête de la liste des centres de villégiature au Liban-Nord. Située à 1 500 mètres d’altitude, cette localité charme les touristes, aussi bien libanais qu’étrangers, par ses différentes particularités. Outre son emplacement géographique privilégié et son histoire glorieuse, ce coin du Liban se distingue par la sauvegarde de ses traditions. Ainsi, le «midan» centenaire (place publique du village) est un lieu de rencontre – surtout nocturne – apprécié par les personnes de tout âge. Ehden est un centre de villégiature où la vie nocturne ne se relâche pratiquement pas. Venus de Beyrouth ou de pays les plus divers, les touristes goûtent aux multiples saveurs de l’été. Les feuillages des arbres frémissent dans le vent et les toits des maisons percent un épais brouillard qui enveloppe souvent ce village construit au pied de deux montagnes : Jabal Mar Sarkis et Jabal el-Sin. Un peu plus loin, vers le Sud, l’horizon se referme sur les cimes enneigées du mont Mekmel. Ehden est entouré de montagnes mais domine l’un des deux sillons de la Quadisha : Kozhaya. Et par cette vallée, le regard découvre le grand bleu. En plus de son site particulier, la localité a joué un rôle fondamental dans l’histoire de cette partie du Liban-Nord, voire même du pays. Ce village est-il centenaire ou millénaire ? Nul ne saurait être affirmatif sur ce plan. De fait, aucune fouille archéologique n’a permis de déterrer des vestiges remontant à l’époque préchrétienne. Cependant, les théories et les légendes les plus originales ont, de tout temps, fait couler beaucoup d’encre. Au XVIIe siècle, le patriarche Doueihy l’a identifié au Jardin d’Eden de la Bible. Depuis, pour certains, Ehden est le paradis terrestre perdu. Les défenseurs de cette thèse se font toujours entendre de nos jours. En érigeant des stèles un peu partout, ils entretiennent cette légende mythique. Actuellement, les habitants d’Ehden ont mis une sourdine aux recherches sur l’origine du nom, se contentant de considérer leur village comme un paradis en matière de villégiature. Il est important de souligner sur ce plan la singularité de ce bourg. Mis à part sa géographie, sa vie sociale et son histoire, Ehden est le seul village saisonnier de la région. Tous ses habitants l’abandonnent en hiver pour Zghorta et y retournent en juin, fuyant ainsi les chaleurs de l’été. Cette tradition a débuté au XVIe siècle. «On dit que durant son voyage vers Homs, le Wali de Damas a été pris dans la neige à Ehden», explique M Antoine el-Kawal, amateur d’histoire locale. «Reçu alors par le notable du village, le Wali exprime sa gratitude en offrant aux habitants de cette localité une parcelle de terrain sur le littoral, pour y passer l’hiver. Et c’est ainsi que la vie nomade des habitants d’Ehden a commencé», poursuit-il. Une large route relie les deux localités. Et si aujourd’hui le trajet ne dure qu’une demi-heure, il n’en était pas de même il y a une cinquantaine d’années. «Il n’y avait pas de voitures, on y accédait à dos d’âne en traversant des sentiers entre les maquis», explique Rose, 74 ans. «Pour le transport des provisions, des habits et des différents ustensiles, on louait un chariot et on quittait la plaine (Zghorta) à 4 heures du matin pour atteindre la montagne (Ehden), quelques heures avant le coucher du soleil», poursuit-elle. Une continuité dans les traditions Ehden est, certes, un village de haute montagne, mais par certains aspects il ressemble à une ville moderne. Les grandes villas – propriétés, surtout, des fils d’émigrés – dispersées à son entrée et sa large route contrastent avec les petites ruelles qui serpentent entre les maisons centenaires. Et c’est dans ce vieux Ehden que toute l’action se déroule. Le «midan» (place publique) est le cœur battant du village. Ce coin ne dort jamais pendant tous les mois d’été. C’est l’espace sacré de tous les âges, chacun y trouvant satisfaction à toutes les heures du jour et de la nuit (de la lecture des journaux le matin, aux jeux de carte et de trictrac en cours de journée, en passant par les promenades romantiques au clair de lune en soirée). Le «midan» offre aussi un éventail de bistrots aux menus variés pour une clientèle hétérogène. «On dirait que la visite quotidienne du “midan” est une sorte de rituel. Mon fils âgé de 14 ans y passe l’été avec ses copains, note Michel, 50 ans. Moi-même, j’y ai passé ma jeunesse», poursuit-il. En fait, entre le «midan» et la Ketlé (place de l’église St-Georges), le temps semble s’arrêter. Ici, tout se passe entre amis et connaissances du coin qui se plaisent, de temps à autre, à regarder quelques touristes en short et sandales. Les adolescents fréquentent ces lieux jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Ils créent ainsi un phénomène particulier dont se plaignent certaines mères de famille. D’autant que le modernisme frappe aux portes des vieilles habitudes locales. Actuellement, un nombre croissant de jeunes passent leurs journées attablés devant les jeux vidéo dans les nombreux cybercafés du village. «Ils s’étiolent dans ces salles bondées de machines alors qu’Ehden était un lieu de convalescence. Les escalades, les marches dans la nature et les camps de nuit figuraient sur la liste des activités sportives de notre jeunesse», déplore Salma en ramenant sa progéniture de 15 ans à la maison, à 2 heures du matin. En fait, Ehden est plus vivant la nuit que le jour. Car les sites consacrés jadis à la marche se vident : le chemin de Nabeh Mar Sarkis, célèbre aujourd’hui pour son couvent et ses restaurants, n’attire plus que quelques timides cyclistes et marcheurs alors qu’ils grouillaient de vie il y a quelques années. Le plus bel endroit de Ehden reste la place de l’église Saydet el-Hosn. Érigé au XIIe siècle sur une montagne rocheuse, ce petit lieu sacré se cache aujourd’hui derrière une autre église à l’architecture très controversée, en béton «brut». Toutefois, la vue à partir du sommet est à couper le souffle. Le regard embrasse un espace allant de la plaine du Akkar au promontoire de Chekka. La nuit, les lumières lointaines des villes du littoral du Nord scintillent sous le ciel étoilé. On se croirait dans un petit coin de paradis terrestre.
Le tourisme interne est largement pratiqué dans la plupart des pays occidentaux. Au Liban, cette coutume en est encore à ses premiers balbutiements. Les Libanais connaissent très peu leur pays, plus particulièrement les régions périphériques. Pour pallier quelque peu une telle lacune, nous entamons à partir d’aujourd’hui dans les colonnes de “L’Orient-Le Jour” une...