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Actualités - OPINION

L'article d'Albert Sara Où sont les procès-verbaux de Taëf ?

L’article de M. Samir Frangié comporte une réflexion profonde sur la situation présente, surtout lorsqu’il signale «le malaise profond qu’il convient de prendre en considération». Cependant, je crois que l’auteur n’a pas livré toute sa pensée, car ce qu’il dit présuppose que les stipulations de l’accord de Taëf représentent un texte complet et parfait, intangible, postulatum qu’un penseur de la classe de M. Frangié n’est pas censé proclamer. En effet, les promoteurs de l’«accord» et les grands protagonistes du régime actuel n’ont eux-mêmes pas tardé à déclarer que Taëf a besoin d’être complété, soulignant que son plus grand mérite – et son premier but – était de mettre fin à la guerre et de faire cesser le feu (ce qui explique l’allure hâtive de la rédaction de certains paragraphes). Mais il est indiscutable, pensaient-ils, que des amendements restaient à faire. Lorsque, à l’automne dernier, des débats se sont établis sur la modification de la Constitution concernant une possible réélection du président de la République, ou l’éligibilité d’un fonctionnaire de l’État à la première magistrature, le manque de clarté des stipulations de Taëf a été souligné, et les publicistes qui en discutaient sont tombés d’accord qu’il fallait, pour arriver à une clarification, revenir aux procès-verbaux des réunions préparatoires de Taëf. Ici, une parenthèse s’impose : partout dans le monde, lorsque des juristes se heurtent à une obscurité au sujet d’un texte législatif, ils recourent aux procès-verbaux des travaux préparatoires, ainsi qu’à l’«exposé des motifs». Or, concernant Taëf, qui a changé les structures constitutionnelles du pays, un tel recours a été rendu impossible, car les procès-verbaux se trouvent enfermés sous clé, en possession du président du Parlement d’alors, qui garde aujourd’hui le pouvoir discrétionnaire de les communiquer ou de ne pas les communiquer. Dix ans ont passé, comme dit M. Frangié, et aucun chercheur n’a pu accéder à ces procès-verbaux, – si jamais chercheur a eu l’audace de faire une étude juridique objective sur les accords de Taëf. Ma conclusion est que tout débat sur la situation et le «profond malaise actuel» restera incomplet tant qu’il sera malséant (pour ne pas dire interdit) de se livrer à une étude approfondie et dépassionnée des textes qui nous régissent depuis dix ans. L’accord de Taëf est loin d’être un «texte complet, parfait et intangible». Il devrait être, en permanence, soumis à des modifications en vue de l’améliorer et de le rendre plus adapté à l’évolution de notre société. Mais toute modification de cet accord se heurte à deux problèmes majeurs : Comment modifier un texte qui, jusqu’à aujourd’hui, n’a pas été mis en application ? De toutes les dispositions principales que comporte l’accord, n’a été appliqué jusqu’à aujourd’hui que le transfert du pouvoir exécutif du président de la République au Conseil des ministres. Toutes les autres dispositions importantes n’ont pas été appliquées. Parmi celles-ci : la mise sur pied d’une décentralisation administrative, l’adoption d’une nouvelle loi électorale, le retrait des forces syriennes, la création d’un Conseil économique et social, la formation d’un comité pour l’abolition du confessionnalisme politique, etc. Comment modifier un accord dont le but majeur était de mettre fin à la guerre sans que cette remise en question ne menace la paix civile en relançant les conflits entre les Libanais ? La procédure dans ce cas est extrêmement importante. Elle reste à être trouvée.
L’article de M. Samir Frangié comporte une réflexion profonde sur la situation présente, surtout lorsqu’il signale «le malaise profond qu’il convient de prendre en considération». Cependant, je crois que l’auteur n’a pas livré toute sa pensée, car ce qu’il dit présuppose que les stipulations de l’accord de Taëf représentent un texte complet et parfait,...