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Actualités - OPINION

En marge Gebran délivré

Même les esprits les plus rétifs aux sciences économiques finissent par assimiler des notions comme PNB, PIB, voire «revenu per capita», qui servent, au moyen d’une arithmétique relativement simple, à définir le niveau de développement d’un pays, d’une région. Tout est donc en place tant qu’il s’agit du quantitatif. Mais comment mesurer la mentalité moyenne ou le QI d’un peuple, son degré d’intelligence et sa façon d’envisager le monde et la vie? Comment chiffrer ses moeurs, la ferveur de ses convictions, et ainsi de suite? Ces réflexions oiseuses ont leur origine dans la récente affaire Gebran Khalil Gebran et dans le mystère épais qui s’est prolongé pendant huit jours, exactement entre le sit-in des étudiants dénonçant l’interdiction du Prophète, et la dépêche d’une agence de presse révélant, le week-end dernier, la levée de cette interdiction. Entre-temps, chacun y est allé de son interprétation. Les stupéfaits, qui, reconsultant leur exemplaire du livre, y ont cherché dans l’index les sujets de «la volupté», de «l’amour», bref tout ce qui aurait pu déclencher les foudres d’un uléma ou d’un département du ministère de la censure. Les journalistes qui, devant la chasteté du texte, ont cru comprendre que seul avait été banni l’exemplaire original, en anglais, supputant que les illustrations originales de Gebran lui-même (des nus, eux aussi d’une chasteté céleste) avaient pu choquer la pudibonderie de quelque fonctionnaire zélé... Mais non, il s’agissait bien du texte, qu’il fût publié en arabe ou en anglais, qui contiendrait «des passages susceptibles de heurter certaines sensibilités religieuses». Ce qui nous ramène au chapitre des mentalités. L’Égypte est un grand pays et les Egyptiens forment peut-être le peuple le plus subtil du monde arabe. Qui plus est, il paraît que leur ministre actuel de la Culture, Farouk Husni, est un humaniste. Mais ce n’est pas ici le lieu de discuter des échelons à franchir dans l’administration cairote pour parvenir à une décision de censure. Bien plus intéressant serait de connaître le rapport de force existant entre les extrémistes religieux et les nombreuses élites laïques des bords du Nil. Car enfin, selon les journaux, il reste aujourd’hui 92 ouvrages interdits par les censeurs, quels qu’ils soient, dont un de Neguib Mahfouz, qui, outre le grand écrivain qu’il était, a honoré son pays d’un Nobel. Pour nous consoler, on nous dit que Le prophète n’a été interdit que quatre mois. Moi, je trouve cela plutôt inquiétant : et si ça les reprenait, par exemple, dans quatre mois ? Rien n’est pire que le caprice, quand on a l’autorité. Je sais bien que ces lignes n’évoquent qu’une tempête dans un verre d’eau. Mais c’était une façon d’illustrer la menace du sous-développement moral et spirituel, qui n’est pas mesurable, dans un environnement qui est aussi le nôtre. Enfin, ils ont délivré Gebran, c’est toujours ça de pris sur la bêtise...
Même les esprits les plus rétifs aux sciences économiques finissent par assimiler des notions comme PNB, PIB, voire «revenu per capita», qui servent, au moyen d’une arithmétique relativement simple, à définir le niveau de développement d’un pays, d’une région. Tout est donc en place tant qu’il s’agit du quantitatif. Mais comment mesurer la mentalité moyenne ou le...