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Actualités - ANALYSE

Administration - Réglementations obsolètes, manque de compétence Réforme : trop tôt ou trop tard

Bien que le chef du gouvernement y consacre moult réunions ou directives, le train de la réforme administrative n’arrive pas à redémarrer. Deux obstacles de taille s’opposent à son élan : la désuétude des réglementations qui constituent le code de la fonction publique, encore appelé loi des fonctionnaires. Et le manque paralysant d’éléments compétents qu’on pourrait promouvoir de la deuxième à la première catégorie, pour prendre en charge les postes-clés que les épurés, les indisposés (mis à disposition) ou les retraités (mis en pension) laissent vacants. Nécessité faisant loi, les autorités sont prêtes à puiser dans la troisième catégorie. Mais même dans ce large vivier, elles ne trouvent pas ce qu’il leur faut. Et l’on s’aperçoit maintenant combien le clientélisme, le recrutement forcené pour faire plaisir aux gens de pouvoir a pu altérer la qualité du tissu administratif qui d’ailleurs n’a jamais été de la soie. Dans ces conditions, les organismes de contrôle, que le président du Conseil ne cesse de presser d’aller vite en besogne, d’établir le plus rapidement possible leurs conclusions et leurs recommandations, commencent à trouver la pilule amère. Selon un technicien relevant d’un de ces organismes, «la réforme, on s’y prend trop tard ou trop tôt. Trop tard si on veut assainir la machine existante, devenue tout à fait irrécupérable. Trop tôt si l’on veut mettre en place un système vraiment “up to date”, car les nouvelles techniques, pas encore assez standardisées restent à la fois trop chères et trop difficiles à enseigner à un personnel sous-qualifié». Un autre cadre, moins pointu mais plus ancien, souligne que «jamais personne n’a pu au Liban réformer l’administration. Pour la bonne raison que telle qu’elle est, elle fait partie de la mentalité nationale. On sait ainsi que cette réforme ne peut pas aboutir si on ne change pas l’ensemble des mœurs publiques, c’est-à-dire si on ne réforme pas d’abord la politique et les politiciens. On qualifie fréquemment l’administration d’hydre. Mais un tel monstre a plusieurs têtes – et ici la principale, c’est la politique. Il est évident que la réhabilitation de l’administration ne tient pas à l’éviction, à la nomination, à la mutation, à l’incarcération de celui-ci ou de celui-là, mais avant tout à l’éradication totale du trafic d’influence. Il ne faut pas que l’organigramme administratif soit le reflet de la puissance comparée des forces politiques du pays, ni qu’il soit un instrument aux mains des gens qui se trouvent de passage au pouvoir. Redisons-le, c’est là une évidence élémentaire. Et le fait que le gouvernement n’en pipe mot signifie tout simplement que pour lui aussi, comme pour tous ses prédécesseurs en remontant jusqu’à l’Indépendance et même avant, l’administration n’est qu’une arme, un avantage, un atout au service du pouvoir. Dans cette optique, la réforme engagée semble vouée au même sort que les tentatives effectuées en 93 sous Hariri et dans les années soixante sous Rachid Karamé». Et de noter que c’est en partie l’actuel ministre de la Justice M. Joseph Chaoul qui avait provoqué la déconfiture réformatrice du Cabinet Hariri. En effet, M. Chaoul présidait à l’époque le Conseil d’État, instance qui avait par ses arrêts fait rentrer par la fenêtre les fonctionnaires que le gouvernement avait chassés par la porte. Ce cadre rapporte ensuite que «M. Hariri avait convoqué M. Chaoul pour lui lancer : “Président, qu’avez-vous fait de nous ?” Le magistrat avait répondu : “Je ne fais qu’appliquer la loi”. En fait le tribunal avait tenté en vain d’obtenir des autorités des dossiers à charge concernant les fonctionnaires évincés qui avaient porté plainte contre l’État pour licenciement abusif. Par contre ces derniers avaient pu montrer aux juges des lettres de responsables leur rendant hommage. Pas de preuves contre eux et des présomptions en leur faveur, ils ne pouvaient qu’obtenir gain de cause en justice et c’est ce qui fut fait. L’opération avait avorté faute de précautions techniques mais aussi parce qu’encore une fois, elle visait à effectuer des liquidations d’ordre politique, pour renvoyer des éléments considérés comme dépendant de tel ou tel pôle alors en disgrâce. Aujourd’hui, il y a un retour de manivelle et apparemment on veut rendre à M Hariri la monnaie de sa pièce. Mais on va du même coup retomber dans les mêmes erreurs, les mêmes égarements et la prétendue réforme risque de faire reculer l’administration au lieu de la faire avancer», conclut ce sceptique. – Le ministre des Travaux publics M. Nagib Mikati estime pour sa part que la réforme est rendue difficile par les réglementations obsolètes qui régissent l’administration depuis 1959 et n’ont jamais été mises à jour. Mais un autre ministre indique, sans fausse honte, que «l’on se heurte à des difficultés politiques. Il ne faut pas toucher aux hommes de M. Nabih Berry. Et il faut faire face à ceux qui réclament qu’on change le gouverneur de la Banque centrale, comme à ceux qui estiment qu’on doit remplacer le commandant en chef de l’armée, sous prétexte que ces deux postes doivent eux aussi être inclus dans le panier des nominations où la parité est assurée entre chrétiens et musulmans. Bien évidemment, en soulevant la question de ces deux exceptions à la règle des quotas, on cherche à nous mettre des bâtons dans les roues, pour nous empêcher de mener à bien le projet de rotation au niveau des postes de directeurs généraux». Un troisième ministre souligne pour sa part que «l’on oublie un peu trop le citoyen dans tout cela. Il faut alléger, faciliter, accélérer les formalités et les procédures qui durent parfois des mois entiers et coûtent des fortunes. Tout le reste est secondaire».
Bien que le chef du gouvernement y consacre moult réunions ou directives, le train de la réforme administrative n’arrive pas à redémarrer. Deux obstacles de taille s’opposent à son élan : la désuétude des réglementations qui constituent le code de la fonction publique, encore appelé loi des fonctionnaires. Et le manque paralysant d’éléments compétents qu’on...