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Actualités - OPINION

Travaux de force

On achève bien les pompiers, n’est-ce pas Monsieur Netanyahu… Toutes proportions gardées, les sauvages bombardements d’hier soir – opérés par un ennemi qui s’est acharné à cueillir scientifiquement, en pleine action, les équipes de secours dépêchées à la station électrique de Jamhour – ne sont pas sans évoquer l’horrible carnage israélien de Cana en 1996. À l’époque, on vit un Premier ministre travailliste (un prix Nobel de la paix, sanglante ironie !) verser dans l’horreur en pleine campagne électorale et laisser pilonner à l’artillerie un hangar de la Finul où avaient trouvé refuge des femmes et des enfants, et cela à seule fin de répondre aux accusations de mollesse que lui lançaient ses détracteurs du Likoud. En décochant son criminel coup de pied de l’âne au moment de prendre sa retraite, Netanyahu a voulu signifier, lui, qu’il reste techniquement aux commandes, jusqu’à la formation du nouveau gouvernement israélien : pour un peu, il dirait qu’il n’a fait qu’expédier les affaires courantes. En déversant, en baisser de rideau, des torrents d’huile sur le brûlot du Liban-Sud, il a en réalité offert un cadeau des plus empoisonnés, une crise à tiroirs, à son vainqueur et successeur Ehud Barak. Qui, comme on sait, s’est engagé à opérer, dans un délai d’un an, un retrait israélien négocié de notre pays, et cela par la voie d’une entente avec l’incontournable Syrie. Relever ce point n’est pas, bien sûr, parer inconsidérément Barak de toutes les vertus. D’avoir évincé Netanyahu ne peut être à lui seul un titre de gloire, et le passé plutôt chargé du Premier ministre élu d’Israël ne le désigne pas précisément comme un archange de paix. Plus généralement, un demi-siècle de promiscuité forcée nous a largement appris que le terrorisme d’État israélien, qualifié tantôt de punitif et tantôt de dissuasif, n’est pas affaire de partis mais code de vie et de comportement. Il n’en reste pas moins que le vaste déchaînement de violence d’hier est venu illustrer, à un moment on ne peut moins opportun, l’incertain équilibre entre les forces de paix et celles de guerre : et aussi, hélas, le brutal déséquilibre des forces – de la force tout court – entre les protagonistes s’affrontant sur le dernier front militaire arabo-israélien encore en activité. Ainsi le Hezbollah est fort, qui est parvenu à dégoûter de l’occupation l’armée la plus puissante du Proche-Orient, et bien avant elle l’opinion publique israélienne ; mais l’État libanais ne l’est guère, qui n’a pas les moyens de sa politique de résistance, qui est notoirement vulnérable, qui n’a d’autre ressource que de solliciter l’intervention diplomatique des puissances, à chaque fois que cela fait trop mal. De même la Syrie est forte, qui réussit à vider de sens toute paix contractée sans elle, qui héberge les organisations palestiniennes radicales, qui maintient la pression sur l’occupant ; mais pas assez forte cependant pour s’opposer de front aux agressions israéliennes contre son infortuné protégé libanais. D’autant plus fâcheuse, disions-nous, est cette nouvelle explosion de violence, qu’elle survient à un moment où, pour la première fois depuis longtemps, des efforts sont sérieusement déployés, d’un côté comme de l’autre, pour canaliser dans le bon sens les énergies longtemps investies dans la confrontation. Ces efforts viennent d’être mis en lumière par les apôtres de la crypto-diplomatie – un art fort prisé dans cette partie du monde où les tabous sont rarement transgressés en direct – qui se sont dernièrement rendus en Israël et en Syrie. Ce qui frappe le plus, ainsi, dans les témoignages qu’ont livré les James Baker, Edward Djeredjian et autres Patrick Seale sur leurs entretiens avec le président Assad et Ehud Barak, ce sont les qualités de force – encore elle – que se sont mutuellement reconnues les deux leaders : la force perçue non plus cette fois dans son aspect guerrier, mais au contraire dans son acception politique, la force domestique et internationale désignée comme l’apanage indispensable de tout faiseur de paix. «La paix des braves», a pris soin de préciser Ehud Barak, décernant volontiers à la Syrie un statut de puissance régionale et portant au crédit de son Raïs d’avoir édifié un pays «fort, indépendant, sûr de lui-même». «Un homme sincère, fort, disposant à l’évidence d’un large soutien», a dit de lui, en retour, Hafez el-Assad. À l’heure où sont brusquement exacerbées les passions, c’est au colosse américain, parrain et garant de la paix, qu’il incombe tout particulièrement de manifester cette fameuse force, indécemment exhibée – car sans trop de risques – au Kosovo.
On achève bien les pompiers, n’est-ce pas Monsieur Netanyahu… Toutes proportions gardées, les sauvages bombardements d’hier soir – opérés par un ennemi qui s’est acharné à cueillir scientifiquement, en pleine action, les équipes de secours dépêchées à la station électrique de Jamhour – ne sont pas sans évoquer l’horrible carnage israélien de Cana en 1996. À...