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Actualités - REPORTAGES

Eau - Eternel problème de vie Sans une bonne gestion, des gosiers et une terre à sec (photos)

Au Liban, ni pétrole ni gaz ni minerais. Que reste-t-il, sinon l’eau ? Mais elle ne coule pas sans limite du robinet. Bien que le sous-sol en regorge. Le manque, certain, est dû à un problème de planification, de gestion et de ces gros indispensables sous pour la réhabilitation de l’infrastructure. Un spécialiste, Michel Majdalani, a exposé dans ces colonnes (1) les grandes lignes des stratégies à mettre en place pour prévenir la pénurie. Aujourd’hui, M. Ismaïl Makki, ingénieur responsable des projets hydrauliques au Conseil du développement et de la reconstruction (CDR), aborde le problème de l’eau au Liban. En ce qui concerne les mesures hydrologiques, M. Makki indique qu’ «aucune étude des sources n’a été faite depuis la guerre». Sur les 70 stations du réseau limnographique qui existaient avant 1975, «20 seulement fonctionnent encore». Sur les 150 pluviomètres, «15 seulement ont été réhabilités». Les cartes pluviométriques établies dans les années 70 ne sont plus à jour. Par ailleurs, les pluies et les neiges, ces ressources de base, sont par nature aléatoires, fantaisistes, capricieuses. Aussi bien dans l’espace que dans le temps. «Il y a en moyenne 80 à 90 jours de pluie par an. Les précipitations sont de 2 000 mm/ an en haute montagne; 250 mm/an au nord de la Békaa; mais il y a des années où ces chiffres sont à diviser par deux», souligne l’ingénieur. Il ajoute que le ciel donne à notre terre quelque 8 600 millions de m3 d’eau par an. Les neiges sont estimées, quant à elles, à 1/mm de pluie par centimètre de neige; elles peuvent atteindre, à la côte des 1 800 m d’altitude, les 7 mètres. Quant aux eaux souterraines, et là encore faute de retenue des eaux de pluie, 700 millions de m3/an se déversent dans la mer. Et 150 millions de m3/an vont en Palestine. Quant aux pertes par évapotranspiration, elles sont évaluées à 4 500 millions de m3/an soit un peu plus de 50 % du total, des précipitations. Il nous reste comme eau disponible 2 580 millions m3/an. Mais ces eaux ne sont pas toutes exploitables, indique M. Ismaïl Makki. Au total, on ne peut disposer que 2 200 millions de m3 d’eaux répartis comme suit : 600 millions de m3 d’eaux souterraines; 800 millions m3 d’eaux de surface et 800 millions de m3 d’eaux emmagasinées. Quant à l’écoulement des rivières hors des frontières, il est calculé à quelque 670 millions m3/an (410 millions pour le Assi, 95 millions pour le Nahr el-Kébir et 160 millions pour le Hasbani et le Wazzani). Déficitaires en l’an 2015 – Les besoins en eau domestique étant de 165 litres d’eau par jour et par personne, on considère que le Liban a dépensé en moyenne 271 millions de m3/an, dans les années 90. On estime les besoins de l’an 2000 à 550 millions de m3/ an, soit 215 litres par jour et par habitant. Ils pourraient atteindre les 900 millions m3/ an en 2015, c’est-à-dire 260 litres par jour et par habitant. – Les spécialistes n’ont pas de chiffres précis sur nos besoins en eaux industrielles. Ils avancent toutefois que le secteur puise actuellement quelque 70 millions de m3 d’eaux souterraines. Mais les besoins seront triplés à partir de l’an 2015 : on les évalue d’ores et déjà à 240 millions de m3. – Côté secteur agricole, on compte actuellement (selon une statistique datant de 1996) 75 000 hectares irrigués par 900 millions mètres cube/an. On estime qu’en 2015, ils seront 17 000 hectares. Pour cette opération, le Liban aura besoin de 1 700 millions de mètres cube par an. Si les techniques d’irrigation sont modernisées ou perfectionnées, les besoins peuvent être réduits jusqu’à 1 300 millions de mètres cubes/an, signale M. Makki. En résumé, avec nos 2 200 millions de mètres cubes exploitables, nous sommes parés aujourd’hui. Mais, à bien faire le calcul, en 2015 nos besoins vont atteindre les 2 840 millions de mètres cubes /an. Nous serions déficitaires. On manquera sûrement d’eau, si rien n’est fait d’ici là. Les solutions Comment remédier aux pénuries, atteindre l’équilibre dans le bilan ou même assurer l’abondance ? Depuis quelques années, des projets sont lancés pour réhabiliter et développer un réseau dont la fiche d’identité se décline comme suit : vieux et délabré; a dépassé la date limite de validité (service); entretien réduit au minimum durant les évènements; inaptes à subvenir à la demande grandissante. Ajoutons à tout cela un recrutement de personnel qualifié de difficile voire d’impossible en raison des lenteurs administratives et des restrictions financières. Également au chapitre des doléances, l’absence de moyens modernes de gestion. Quant à l’autonomie des Offices (ils sont au nombre de 22), elle est très relative. Règlements et lois manquent de souplesse, entravant les services. «On se rend compte de l’ampleur des efforts à entreprendre si l’on veut remédier à toutes ces difficultés», dit M. Makki. Aussi le CDR préconise à court terme les solutions suivantes : – La maintenance des canalisations pour diminuer les fuites et les pertes (50 % et plus), ce qui aurait pour effet d’augmenter les ressources. – La formation de techniciens qualifiés pour gérer l’entretien des réseaux. l À moyen terme : – Le rétablissement des réseaux hydrométriques pour recueillir les données de base. – Un plan directeur de l’eau. Des dispositions techniques doivent être prises pour procéder à une planification réelle du captage et de la distribution des ressources. – Protéger les eaux contre la pollution en imposant une gestion active et préventive plutôt que des mesures d’épuration, une fois la pollution établie. Contrôler les activités potentiellement polluantes. – La mise en place d’une bonne gestion financière et administrative au sein des Offices. – Une campagne nationale pour inciter les consommateurs à économiser l’eau. l À long terme : – Le Conseil du développement et de la reconstruction insiste sur l’établissement d’une politique nationale de l’eau mais aussi sur la construction de barrages et de lacs collinaires. M. Ismaïl Makki met l’accent sur le développement du Awali-Beyrouth et la construction du barrage de Sifri (en amont du Awali) qui peuvent résoudre de façon radicale les problèmes de pénuries du Grand-Beyrouth. Le projet permettra également de réduire les pompages en utilisant l’écoulement par gravité en hiver, dit le responsable des projets hydrauliques. De même, pour protéger l’eau de surface et souterraine, il faut accroître les réseaux d’évacuation des eaux usées et développer les stations de traitement. Il est également recommandé de surveiller les dépôts des déchets solides pour les soumettre à des règles strictes, ajoute l’ingénieur. Restructuration Sur le plan administratif et institutionnel, un responsable, qui a voulu garder l’anonymat, propose une restructuration des Offices des eaux, et ce, dans le but de rendre le ministère des Ressources hydrauliques et électriques moins paralysé par les responsabilités d’équipement, les travaux de réhabilitation, voire même les réparations des canalisations, des réseaux d’assainissement ou de distribution des eaux. C’est sur la politique nationale de l’eau que le ministère doit focaliser toute son énergie et son attention. La même source propose le regroupement des Offices en cinq autorités responsables, qui auront pour responsabilité l’exploitation des réseaux et équipements, leur entretien et leur renouvellement. Ces Offices seront aussi responsables de la qualité de l’eau et en particulier de sa protection contre toute pollution. Les organismes en question devraient être dotés de moyens administratifs, financiers et techniques importants. Autonomes, ils seraient également chargés d’entreprendre l’inventaire, la description et l’analyse de leur système d’exploitation (sources, forages, réseaux, réservoirs, stations de pompage, etc.). Par ailleurs, l’eau est considérée au Liban comme une matière subventionnée. Son prix actuel ne tient pas compte des frais d’amortissement, de renouvellement et de développement des équipements, ni des frais d’énergie et le remboursement des dettes d’investissement. Aussi une tarification appropriée doit-elle être établie pour habituer les usagers à participer au coût. L’eau n’a jamais été bon marché. Elle est chère. Pour tous, à tout moment. (1) «L’Orient-Le Jour» du 14 juin 1999.
Au Liban, ni pétrole ni gaz ni minerais. Que reste-t-il, sinon l’eau ? Mais elle ne coule pas sans limite du robinet. Bien que le sous-sol en regorge. Le manque, certain, est dû à un problème de planification, de gestion et de ces gros indispensables sous pour la réhabilitation de l’infrastructure. Un spécialiste, Michel Majdalani, a exposé dans ces colonnes (1) les grandes...