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Actualités - ANALYSE

Conseil des ministres - Il n'existe pas d'exemple parfait de direction collégiale La question des prérogatives se pose toujours

Le Conseil des ministres a enfin son propre siège. C’est très bien. Mais c’est là un événement ponctuel, superficiel, qui touche à la forme bien plus qu’au fond. Car le problème des prérogatives se pose toujours. Dans la mesure où aucun esprit sensé ne peut soutenir qu’aujourd’hui plus qu’hier, c’est le Conseil qui détient le vrai pouvoir, comme l’a voulu Taëf. En réalité, l’Histoire universelle n’offre aucun exemple parfait de direction collégiale. Toutes les assemblées, toutes les conventions, tous les triumvirats ont été dominés par une personnalité ou à la rigueur un courant qui écrasait les autres. Même le communisme, dont le nom pourtant est synonyme de collectif, a donné lieu à des autocraties, pour ne pas dire des dictatures. Au Liban les préceptes de Taëf ont été détournés sous le précédent régime par la troïka. Système que l’opposition d’alors qualifiait d’«usurpateur», ce qui était un peu abusif dans la mesure où même les ministres contestateurs qui boudaient les séances du Conseil des ministres parce tout avait déjà été décidé entre les trois présidents, ne démissionnaient pas. Aujourd’hui que les rôles sont inversés, une partie de la nouvelle opposition accuse le président du Conseil de laisser le vrai pouvoir au chef de l’État. Et n’en démord pas, bien que les séances du Conseil des ministres ne se tiennent plus à Baabda et ne soient donc plus soumises à l’influence diffuse du maître de céans. La quasi-impossibilité d’un pouvoir vraiment collégial pouvait difficilement échapper aux parties qui ont concocté les accords de Taëf. Alors pourquoi avoir décidé que le pouvoir exécutif ne serait plus détenu par le chef de l’État mais par cette entité vague qui s’appelle Conseil des ministres ? Parce qu’à l’époque, l’obsession principe, alimentée par la «rébellion» du général Michel Aoun, était qu’il fallait briser une fois pour toutes le pouvoir du «maronitisme» politique. Et comme on ne voulait pas avoir l’air de prendre aux uns pour donner aux autres (d’autant que les chiites auraient été tentés de disputer la palme aux sunnites), on s’est rabattu sur cette formule mélangée, donnant le pouvoir en principe à toutes les communautés ensemble. Tout est dans le style Dans le même esprit de liquidation d’un système «inique» et de rabaissement, on avait décidé que désormais, le Conseil des ministres ne serait plus l’hôte du palais occupé par un maronite et aurait son propre siège. En faisant valoir que c’était plus logique du moment que le Conseil n’était pas présidé par le chef de l’État mais avait son propre président. Mais alors pourquoi dans ce cas le Conseil ne se réunirait-il pas dans les bureaux du chef du gouvernement ? Parce que le Conseil , auquel le chef de l’État a le droit d’assister, est supérieur en tant qu’instance de direction au Cabinet en tant que tel, bien qu’il en soit formé. Sans compter que dans l’ordre des préséances, il aurait été inconvenant que le président de la République ait à se rendre «chez» les ministres qu’il a lui-même nommés. Tout cela est certes un peu embrouillé, mais les formes sont sauves et la volonté de Taëf respectée, maintenant que le Conseil est dans ses meubles. Il n’empêche que cette localisation, si elle officialise l’apparat, ne suffit probablement pas pour faire du Conseil une institution à part entière, un pouvoir total, comme le souhaite l’un des principaux artisans de Taëf, le président Hussein Husseini. On voit mal en effet la majorité des ministres s’inscrire en faux éventuellement contre les desiderata des vrais dirigeants, le chef de l’État et le président du Conseil. Mais il est également certain que tout est dans le style. Et qu’on voit mal aussi les présidents Lahoud et Hoss s’entendre avant les séances sur le dos du Conseil, dont ils recueillent avec respect l’avis.
Le Conseil des ministres a enfin son propre siège. C’est très bien. Mais c’est là un événement ponctuel, superficiel, qui touche à la forme bien plus qu’au fond. Car le problème des prérogatives se pose toujours. Dans la mesure où aucun esprit sensé ne peut soutenir qu’aujourd’hui plus qu’hier, c’est le Conseil qui détient le vrai pouvoir, comme l’a voulu...