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Actualités - OPINION

Tribune Une leçon d'humilité

M. César Nasr, ancien ministre de l’Environnement, assistait vendredi dernier à la cérémonie de passation des pouvoirs entre l’ancien recteur de l’Usek, le P. Antoine Khalifé, et son successeur, le P. Joseph Moannes. Il livre ci-dessous ses impressions à ce sujet : C’était vendredi dernier à midi. Nous attendions, inquiets, la réunion prévue pour la passation des pouvoirs entre l’ancien et le nouveau recteur de l’Université Saint-Esprit de Kaslik. Nous craignions les retombées de l’orage qui avait secoué l’Ordre libanais maronite, suite à l’histoire de réimplantation de l’Usek ailleurs. Il y avait dans l’air un silence de plomb que rendait plus lourd la grisaille d’un ciel en pleurs. Une fois dans la salle du Conseil de l’université, les deux recteurs, l’ancien et le nouveau, s’assoient l’un vis-à-vis de l’autre. Doyens et responsables, moines et laïques confondus, prennent place autour. L’ancien recteur ouvre la séance par une prière, puis brosse un tableau rapide de son parcours rectoral. Lucide, rigoureux, il énumère l’une après l’autre, les réalisations de son court mandat, promotion scientifique de l’université, son ouverture internationale par le développement de conventions de coopération multiples et sélectives, création de trois instituts supérieurs : sciences infirmières, techniques et arts et sciences de l’environnement, refonte des statuts, extension des bâtiments et réaménagement des cours du campus, tout cela mis au service de son ordre monastique et de l’université. Attentifs à ses rappels, et au seuil de sa conclusion, nous étions surpris par son brusque silence. La tête baissée, le visage trahi par l’émotion, il dit alors d’une voix rauque et entrecoupée de larmes : «Voilà ce que j’ai pu faire. N’oubliez pas que je suis un homme et comme tout homme je peux me tromper... Je me suis trompé, et se mettant à genoux, il demande pardon ! Nous étions tous stupéfaits de voir ce moine, si fort, se délivrer de sa culpabilité assumée par le déchirement. Personne, je crois, n’a pu se retenir d’essuyer des larmes furtives». Arrêtez ! Je vous en supplie, arrêtez ! Mon cher ami, mon frère, s’écrie, éploré, le recteur désigné. Nous avons tous péché, nous nous sommes tous trompés, moi aussi je me suis trompé, nous nous sommes égarés, hélas ! Puis, dans un geste d’une étonnante humilité, toute dans la tradition monastique, et devant nous tous demeurés pantois, il se met à genoux et demande, à son tour, pardon. Puis, il se relève, et dans le calme général, il s’adresse à l’ancien recteur en ces termes : «Je continuerai votre marche vers l’excellence, et je souhaite être à la hauteur de ce que vous me confiez». Il nous livre alors un aperçu de son programme d’action pédagogique : renforcement de la Faculté de théologie, fille aînée de notre université catholique, intérêt soutenu pour la recherche indissociable de l’enseignement supérieur, développement des partenariats, ouverture internationale à la francophonie, au monde arabe et à l’Église d’Orient, extension du campus de l’université, diversification des filières de formation, création d’un Institut d’études syriaques, ouverture aux médias et à la communication, et prise en charge des étudiants démunis, et cela dans l’esprit de l’Exhortation apostolique. Et j’en passe ! Puis, tout se termine sur une note de joie à l’annonce, très applaudie, d’un cadeau offert à l’ancien recteur : une voiture, toute neuve, de son choix. Pour celui qui n’a pas vécu ce moment extraordinaire, il est difficile de comprendre les dimensions oblatives de la vie monastique. Je vivais, pour la première fois, le sens authentique de l’humilité et du pardon. Pour la première fois, je comprenais comment se fraie la voie rude de la sainteté. Laissons les moines aller leur chemin. Laissons les vivre leur vocation sans blasphèmes. En chacun d’eux, il y a je ne sais quel pouvoir de sanctification et de seigneurie de soi. Trois d’entre eux sont déjà, pour nous tous, les élus de Dieu. Et nos prières sollicitent leur constante intercession.
M. César Nasr, ancien ministre de l’Environnement, assistait vendredi dernier à la cérémonie de passation des pouvoirs entre l’ancien recteur de l’Usek, le P. Antoine Khalifé, et son successeur, le P. Joseph Moannes. Il livre ci-dessous ses impressions à ce sujet : C’était vendredi dernier à midi. Nous attendions, inquiets, la réunion prévue pour la passation...