Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGES

Justice - Quatre témoins pour une audience marathon Les FL ont fêté au champagne la mort de Rachid Karamé, selon un ancien membre de la milice (photos)

Au train où vont les audiences du procès Karamé, toute l’armée libanaise défilera devant la cour de justice sans pouvoir éclaircir le mystère du poste Genav. Cet émetteur-récepteur permettant de communiquer avec les avions à partir du sol a-t-il joué un rôle déterminant dans l’identification de l’hélicoptère Puma No 906 à bord duquel se trouvait le président Rachid Karamé au moment de son assassinat ? Après l’audition hier de trois officiers des forces aériennes, les éléments restent contradictoires, faisant osciller le brigadier Khalil Matar, propriétaire du fameux poste, entre la félicité et l’accablement. Mais l’événement marquant de cette interminable audience est surtout le témoignage de Boutros Ghazal qui raconte comment les responsables des FL ont célébré au champagne l’assassinat de Karamé. Commencée à 14h, l’audience d’hier du procès Karamé n’a été levée qu’à minuit dix, mettant à rude épreuve les nerfs de tout le monde, mais ne faisant pas perdre le Nord, ni au procureur général Adnane Addoum, décidé à aller jusqu’au bout des faits ni à Me Edmond Naïm, qui s’est dressé comme un lion pour défendre son collègue Me Karim Pakradouni, chargé par le témoin Ghazal. Ancien responsable de «l’unité Oméga» au sein des FL, chargée de l’écoute des lignes téléphoniques en collaboration avec la Sûreté générale de l’État, Boutros Ghazal a complètement modifié l’ambiance dans la salle. Alors que tout le monde se perdait dans les détails des fréquences- radio, calculant hauteurs et distances entre objets volants et observateurs en mer, il a ramené le sujet sur les Forces libanaises et plus précisément sur le rôle de leur ancien numéro 2, Karim Pakradouni. Le chef des FL dissoutes Samir Geagea qui s’était lancé dans une impressionnante démonstration de l’innocence de Khalil Matar est brusquement retombé dans son mutisme habituel, alors que ses avocats ne décoléraient pas. Pourtant Boutros Ghazal s’est grandement rétracté par rapport à ses précédentes dépositions au cours de l’enquête préliminaire. Visiblement terrifié, il a murmuré au président de la cour, Mounir Honein qu’il est un homme malade, souffrant d’athérosclérose (qui peut provoquer des pertes de mémoire). Il s’est carrément mis à trembler lorsque le procureur Addoum l’a menacé de poursuites pour faux témoignage puis éventuellement pour participation au crime. Pakradouni et «l’unité Oméga» Qu’a donc dit Boutros Ghazal ? D’abord que «l’unité Oméga» était supervisée par Karim Pakradouni, suite à un conflit entre Ghassan Touma, chef du service de sécurité des Fl et Pierre Rizk, chef du service des renseignements extérieurs de la milice. Ce qui est déjà une grande nouvelle en soi, vu que Me Pakradouni avait limité son rôle aux départements de la politique et de l’information. Mais se rattrapant, le témoin a ajouté que les rapports des écoutes militaires étaient directement remis à Touma, alors qu’il ne remettait à Pakradouni que les rapports concernant les politiciens, les journalistes et les personnes civiles. En tant que responsable de l’unité, c’est Me Pakradouni qui donnait l’ordre de paiement, suivant un bordereau établi par le département de l’information des FL. Boutros Ghazal révèle aussi que les FL avaient décidé de mettre sur écoute toutes les bases de l’armée libanaise, en 1987, à la suite d’un incident entre les soldats du général Aoun et les miliciens. Le jour de l’assassinat du Premier ministre Karamé, le 1er juin 1987, Boutros Ghazal avait un rendez-vous avec Me Pakradouni au bureau de ce dernier, au conseil militaire entre 10h et midi. Alors qu’il attendait dans le bureau de la secrétaire, il voit arriver Ghassan Touma, Ghassan Menassa, Tony Obeid et une quatrième personne qu’il croit être Raji Abdo. Tous les quatre sont introduits chez Pakradouni. Ils avaient l’air heureux et à travers la porte, Ghazal a entendu les rires. Il se rappelle aussi avoir entendu la secrétaire évoquer la possibilité d’acheter du champagne. Mais il ne se souvient plus comme il l’avait dit au juge si c’est vraiment Pakradouni qui lui a demandé de le faire. Comme il s’informait de la raison de cette liesse et du champagne, la secrétaire lui apprend que Karamé a été asssassiné. Le témoin confie à la cour qu’il a alors fait le lien entre cet incident et les écoutes sur les bases d’Adma et sur les positions militaires en général. «Je me suis alors douté que les FL devaient être impliquées ou informées de l’attentat». Quelques minutes après l’arrivée des quatre personnes, Pakradouni est sorti de son bureau et a demandé à Ghazal de revenir un autre jour. En quittant les lieux, le témoin affirme avoir croisé Pierre Rizk se rendant chez Pakradouni. Autrement dit, tous les responsables des services des FL se sont réunis ce jour-là chez l’ancien numéro 2 de la milice. À une question de la cour, le témoin répond qu’il n’avait jamais vu auparavant ces personnes réunies. Il fallait donc une occasion exceptionnelle, comme le fait remarquer l’avocat de la partie civile, Me Bassam Dayé. Les avocats de la défense ont surtout cherché à relever les contradictions dans les déclarations du témoin, contradictions qui portent surtout sur son propre rôle au sein de «l’unité Oméga». À minuit dix, c’est une assistance et des magistrats épuisés qui quittent la salle du tribunal. Prochain rendez vous, mercredi.
Au train où vont les audiences du procès Karamé, toute l’armée libanaise défilera devant la cour de justice sans pouvoir éclaircir le mystère du poste Genav. Cet émetteur-récepteur permettant de communiquer avec les avions à partir du sol a-t-il joué un rôle déterminant dans l’identification de l’hélicoptère Puma No 906 à bord duquel se trouvait le président...