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Actualités - CHRONOLOGIE

Eternel dilemme entre sauver des vies et prolonger les conflits sur le terrain L'aide humanitaire nourrit également l'armée soudanaise et les rebelles

Les organisations internationales qui viennent au secours de centaines de milliers de victimes de la famine dans le sud du Soudan nourrissent aussi la rébellion sudiste et l’armée soudanaise, indiquent des témoignages d’agents humanitaires sur le terrain. Cette situation illustre l’éternel dilemme des agences humanitaires, tiraillées entre le désir de sauver des vies et le risque de prolonger les conflits par leurs interventions. Au Soudan, elles ont choisi de continuer à importer massivement de la nourriture pour sauver des femmes et des enfants, comptant sur les hommes politiques et la diplomatie internationale pour mettre fin au conflit, a clairement indiqué jeudi dernier à Nairobi Carol Bellamy, directrice du Fonds des Nations Unies pour l’enfance (UNICEF). «Je m’oppose à 100% à la thèse selon laquelle, en maintenant des êtres humains en vie, on prolonge une crise qui requiert une solution politique», a-t-elle affirmé lors d’une conférence de presse, après une tournée dans les zones contrôlées par l’armée soudanaise et dans celles contrôlées par l’Armée de libération populaire du Soudan (SPLA) du sudiste John Garang. «Nous devons aller là-bas et essayer de faire en sorte qu’au moins les enfants et les civils pris dans ce conflit ne meurent pas», a-t-elle indiqué. Mme Bellamy a appelé à une solution politique au conflit qui oppose depuis 15 ans le sud chrétien et animiste au nord arabe et musulman. Mais elle a reconnu l’existence à la fois d’un système de «taxation de nourriture» institué par les rebelles et de «problèmes» du côté gouvernemental. Les agences internationales, qui distribuent la nourriture apportée grâce au plus important pont aérien de l’histoire du Programme alimentaire mondial (PAM), sont d’ailleurs en train de mettre en place une mission conjointe avec le SPLA pour enquêter sur les détournements. La guerre et son cortège de famine et de maladie ont fait environ un million de morts depuis 1983 dans le sud du Soudan. Augmentation des décès La famine actuelle menace deux millions et demi de personnes et le nombre de décès augmente. Le taux de mortalité a été multiplié par quatre en dix jours à Ajiep, une ville de la région du Bahr el-Ghazal (sud) où intervient l’organisation non gouvernementale Médecins sans Frontières (MSF). Dans les zones contrôlées par la rébellion comme dans celles tenues par le régime de Khartoum, des civils squelettiques se traînent jusqu’aux centres de nutrition où des employés, payés en nourriture, creusent des tombes. Les combattants — soldats gouvernementaux ou rebelles, selon le cas — ont, eux, l’air d’être en bonne forme physique. La guerre s’étend et des scissions touchent les deux parties. Des dissidents de l’armée de Khartoum s’allient à la SPLA tandis que des factions rebelles, qui avaient d’abord rejoint les rangs gouvernementaux, mènent désormais leur propre politique, tentant de contrôler leur territoire et vivant eux aussi sur l’aide alimentaire. Les agences humanitaires ont déjà été confrontées à un dilemme similaire après la guerre civile rwandaise en 1994, dans les immenses camps de réfugiés hutus installés près de la frontière rwandaise, dans l’est du Zaïre (aujourd’hui République démocratique du Congo, RDC). Elles ont nourri et soigné les réfugiées, mais des militaires de l’ancien régime ont pris le contrôle des camps et détourné une bonne partie de l’aide pour leurs propres miliciens, qui menaient des attaques de l’autre côté de la frontière. Dans le sud du Soudan, indiquent des travailleurs humanitaires, de nombreux civils donnent volontairement une partie des secours à la SPLA parce qu’ils soutiennent la cause des rebelles. Les estimations concernant la nourriture détournée varient de 10% à 65% du montant total. Ce dernier pourcentage a été avancé par Mgr Caesar Mazzolari, l’évêque catholique de Rumbek (sud), qui dirige un réseau de missions portant secours aux populations du sud. (AFP, Reuters)
Les organisations internationales qui viennent au secours de centaines de milliers de victimes de la famine dans le sud du Soudan nourrissent aussi la rébellion sudiste et l’armée soudanaise, indiquent des témoignages d’agents humanitaires sur le terrain. Cette situation illustre l’éternel dilemme des agences humanitaires, tiraillées entre le désir de sauver des vies et le...