Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

De la Scala de Milan au Forum de Beyrouth Quand la musique abolit les frontières et le temps ...

Etre livré aux plus folles illusions de la musique, voilà un bonheur qu’on ne saurait bouder... Placée sous la houlette du prestigieux chef d’orchestre Riccardo Muti, la Philharmonie de la Scala de Milan, ses chœurs, dirigés par le maestro Roberto Gabbiani et la soprane Barbara Fritolli ont offert aux mélomanes belcantistes un concert exceptionnel, paré de toutes les séductions vocales et orchestrales et dont on gardera longtemps encore en mémoire les accents fastueux, les mélodies qui vous prennent à la pointe du cœur, la beauté des sons qui ruissellent comme un diamant scintillant et surtout les couleurs chaudes comme les rives ensoleillées d’un pays familier... Avec cet «été festival», les mélomanes libanais ne sont pas seulement comblés mais brusquement — pluie de notes oblige — ne savent plus où donner de... l’oreille! Parmi les multiples manifestations qui prennent d’assaut les sites et les scènes du pays, voilà donc un événement non seulement «captivant» mais probablement très marquant car il sort des chemins battus... Présenté par «les voies de l’amitié» du projet «Ravenne — Beyrouth» où domine un généreux sens humain de «la solidarité, de la fraternité et de la paix», ce concert est conçu comme un authentique hymne aux valeurs patriotiques, solennel et majestueux. Ample, somptueuse, riche, grave, emportée, intense, dramatique, ardente, chargée de larmes, de sang, de prières, de cris, de lamentations, d’exhortations, d’anathèmes, d’espoir et de lumière, cette musique lyrique, vibrante d’un symbolisme transparent, inclut dans son menu une éblouissante mosaïque de fragments des œuvres de Bellini, Verdi, Rossini et Puccini... C’est «Casta diva» de Bellini qui ouvre les vannes d’un lyrisme impétueux et torrentiel avec cette noble prière où une mélodie suave livre l’essence de l’invocation divine au temps où Norma, la fille du grand prêtre des druides gaulois, luttait contre la domination romaine. Moment très attendu du «Va pensiero» de Verdi où ce chant (célèbre et célébré) de Nabucco fut le signe de ralliement et de libération des Milanais face à l’occupant autrichien. Notes plus enjouées, pleines d’esprit, de fraîcheur et de naturel, d’un orchestrateur de génie: les accords bondissants de Guillaume Tell, dernier opéra de Rossini, avaient la légèreté du vent et le sifflement d’une flèche à la pointe acérée fendant une pomme posée sur la tête d’un enfant... En arrière-fond, le serment d’un héros pour qui sens patriotique et bravoure touchent les frontières de mortels dangers... Retour à Verdi avec «La forza del destino», œuvre passionnée au livret un peu extravagant se déroulant entre l’Espagne et l’Italie du XVIIIe siècle. Sonorités fluides et graves tel un fleuve immense aux flots à la fois imposants et terribles... Cette «force du destin» est illustrée ici par le trouble de Léonore priant la Vierge... Il est difficile de trouver plus parfaite harmonie que ces pages entre la simplicité des moyens et la perfection de l’effet. Jaillie des brumes et des forêts de l’univers de Shakespeare, «Patria oppressa» de Macbeth de Verdi magnifie les vertus inébranlables du patriotisme s’opposant à la tyrannie et dérive d’un roi manipulé par une femme sans scrupule... Là le chœur des exilés écossais avec sa clameur rythmée et plaintive descend directement du «Va pensiero» de Nabucco. Nostalgie d’une terre perdue pour «Manon Lescaut» (d’après le roman de l’Abbé Prevost) de Puccini, condamnée à l’exil en Louisiane, colonie française, avec d’autres prostituées... Le voyage jusqu’au Havre est représenté par un «intermezzo» aux tons tristes où le discours mélancolique séduit autant que l’habilité et la richesse de l’harmonie. Commandé après le succès de «Nabucco», «Les lombards» fut l’objet en son temps de virulentes critiques à cause de ses ouvertes démonstrations patriotiques. On retrouve là dans cette mélancolique supplication d’«O Signore del tetto natio» la même veine d’inspiration généreuse instaurée aussi en hymne du Risorgimento et qui connut à cette période la même popularité que le célèbre «Va pensiero». Toujours dans la lignée d’une narration très patriotique, «les Vêpres siciliennes» nous entretiennent dans une éloquence profondément verdienne de l’occupation de la Sicile par les troupes françaises au XVIIe siècle. En présence du président de la République M. Elias Hraoui, du vice-président du Conseil italien et ministre de la Culture, M. Walter Veltroni et devant une salle archi comble composée d’un parterre groupant un aréopage du monde diplomatique, des arts et des lettres et un très grand nombre de mélomanes, les musiciens de la Scala de Milan ont déployé une richesse sonore non seulement incomparable et retentissante mais envoûtante. Souffle puissant de la musique et du chant narrant l’inaliénable amour de la terre et charriant une émotion vive où le sens d’un farouche nationalisme et les vertus d’un incorruptible patriotisme se croisent pour une paix et une sérénité retrouvées. Aux dernières mesures des «Vêpres siciliennes», le public a réservé une acclamation délirante dans une salle littéralement galvanisée. Tonnerre d’applaudissement et longue «standing ovation» vaines puisque, comme à Baalbeck l’autre soir, rien ne fit fléchir les musiciens pour un nouveau retour sur scène... Ravi mais inassouvi, l’auditoire a fait un triomphe bien mérité à ce concert et a certainement emporté ces instants de plénitude comme les reliques d’un talisman où frontières et temps sont brusquement abolis. C’est ça le miracle de la musique!
Etre livré aux plus folles illusions de la musique, voilà un bonheur qu’on ne saurait bouder... Placée sous la houlette du prestigieux chef d’orchestre Riccardo Muti, la Philharmonie de la Scala de Milan, ses chœurs, dirigés par le maestro Roberto Gabbiani et la soprane Barbara Fritolli ont offert aux mélomanes belcantistes un concert exceptionnel, paré de toutes les...