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Actualités - INTERVIEWS

L'ancien ambassadeur américain à Beyrouth livre ses impressions à l'Orient Le Jour Kelly : la guerre dans la région ? J'espère que non. Mais ...(photo)

Ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth entre 1986 et 1988, John Kelly a connu un Liban meurtri, divisé, agonisant. Aujourd’hui, l’ancien diplomate se réjouit de la renaissance d’un pays dont il se considère l’ami. Très critique à l’égard d’une administration qu’il a servie de longues années, l’ancien ambassadeur fait assumer à Israël la responsabilité du blocage du processus de paix. Un blocage qui risque d’avoir de graves répercussions sur toute la région. M. Kelly se trouve à Beyrouth pour assister à la réunion biannuelle du «Board of trustees» de l’Université libano-américaine. Lors d’une interview à «L’Orient-Le Jour», l’ex-diplomate a livré ses impressions, raconté ses souvenirs et exprimé ses espoirs. Question: Vous avez récemment dit qu’Israël est responsable du blocage du processus de paix. Auriez-vous tenu les mêmes propos si vous étiez encore ambassadeur? Réponse: J’aurais pu le faire. Lorsque j’étais secrétaire d’Etat adjoint pour les affaires du Proche-Orient entre 1989 et 1991, j’ai témoigné devant des commissions du congrès américain une vingtaine de fois. On m’a posé des questions: qui est responsable de cela, qui est responsable de ceci? J’ai répondu honnêtement et cela a suscité parfois des réactions sévères de la part d’Israël, de l’Irak ou d’autres pays. Mais il est évident que lorsque vous travaillez pour n’importe quel gouvernement, vous ne jouissez pas d’autant de liberté qu’un simple citoyen. Vous faites preuve donc de modération dans vos propos. Malgré cela, vous vous souvenez sans doute que (l’ancien secrétaire d’Etat) James Baker a dit que si quelqu’un est intéressé en Israël par le processus de paix, il n’a qu’à contacter la Maison-Blanche dont voici le numéro de téléphone... Il s’agissait en fait d’une déclaration très claire faisant assumer à Israël le blocage du processus de paix. Q: Pensez-vous que le blocage de ce processus risque de provoquer une guerre? R: J’espère que non. Mais l’absence de progrès peut torpiller ce qui a été réalisé jusqu’à présent. C’est pour cela qu’il est important d’enregistrer de nouveaux succès. Les gouvernements concernés, notamment celui des Etats-Unis, doivent jouer un rôle plus important et plus actif. Q: C’est votre quatrième visite au Liban depuis la fin de la guerre. Quelle est votre impression au sujet de l’évolution de la situation dans le pays? R: Les visiteurs sont immédiatement frappés par l’amélioration de l’infrastructure. Comparé à ce que c’était il y a dix ans, les changements sont positifs et énormes. C’est une première impression lorsqu’on débarque à Beyrouth. Mais tant qu’il n’y aura pas une paix stable dans la région, la situation du Liban demeurera précaire. Il est donc important que tous les gouvernements concernés concentrent leurs efforts en vue de trouver une issue positive au processus de paix dans la région. L’autre observation que je peux faire c’est que la récession économique qui touche le pays affecte durement le niveau de vie des gens. Nous avons du Liban une impression mitigée. Toutefois, je tends à voir le verre à moitié plein et non pas à moitié vide. Dans tous les cas, nous devons faire en sorte de remplir entièrement ce verre. Q: Lorsque vous étiez ambassadeur au Liban, imaginiez-vous que la guerre au Liban prendrait fin dans les deux années suivantes? R: Souvent pendant la guerre j’étais très découragé. Je me souviens d’avoir laissé transparaître ma détresse, un jour, en discutant avec un homme sage, un philosophe et non pas un politicien. Il m’a dit que toute guerre a une fin et que je ne devais pas me laisser abattre. La fin de la guerre n’est pas venue à travers les négociations, mais surtout parce que les belligérants étaient à bout de force. Dieu merci, les combats ont finalement cessé. La tâche de tous les Libanais et des amis du Liban, dont je fais partie, est d’essayer d’édifier et de créer les institutions nécessaires afin que le cycle de violence ne se reproduise plus jamais. Q: Pouvons-nous dire qu’il y a un lobby libanais aux Etats-Unis et en faites-vous partie? R: Il existe effectivement un lobby libanais, animé principalement par l’«American Task Force For Lebanon». Cette organisation regroupe des personnes d’horizons politiques et religieux différents au Liban, d’Américains d’origine libanaise et d’amis du Liban. Elle est très active. Elle écrit des pétitions au Congrès américain, envoie des lettres au président et rencontre les responsables politiques. Q: Les principales difficultés rencontrées par ce groupe proviennent-elles du lobby israélien? R: Aux Etats-Unis, il y a toujours des conflits politiques entre les différents lobbies. Il y a un puissant lobby grec, un lobby arménien assez fort... Le système politique américain est ainsi composé de groupes de pression. Lorsque les Américains d’origine arabe deviendront plus unis et coopéreront davantage ensemble, ils seront alors plus puissants, ce qui renforcera le lobby libanais. Le groupe de pression israélien essaye de défendre ce qu’il considère être les intérêts d’Israël. A mon avis, il ne s’est pas vraiment opposé au lobby libanais. Q: Pensez-vous que les restrictions américaines imposées au Liban, notamment l’interdiction aux compagnies aériennes américaines d’avoir des liaisons avec Beyrouth, seront prochainement levées? R: Cette restriction sera certainement levée mais je ne peux pas vous dire quand. Il s’agit en tout cas du vestige d’une époque révolue. L’American Task multiplie les efforts pour normaliser les relations entre les deux pays. Malheureusement, l’administration américaine ne réagit pas d’une manière positive. Je pense que les restrictions sur le voyage des citoyens US au Liban ont tardé à être levées. Q: Pensez-vous écrire un jour vos mémoires sur la période où vous étiez ambassadeur au Liban? R: Je l’espère. Quand j’aurais le temps (en français). Je compte en tout cas revenir au Liban l’année prochaine. Inchallah.
Ambassadeur des Etats-Unis à Beyrouth entre 1986 et 1988, John Kelly a connu un Liban meurtri, divisé, agonisant. Aujourd’hui, l’ancien diplomate se réjouit de la renaissance d’un pays dont il se considère l’ami. Très critique à l’égard d’une administration qu’il a servie de longues années, l’ancien ambassadeur fait assumer à Israël la responsabilité du...