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Actualités - OPINION

Dites-le avec des fleurs ..

Il n’est pas rare qu’un éditorial de «L’Orient-Le Jour» déplaise — souverainement, c’est bien le cas de le dire — à l’un ou l’autre des hauts personnages de la république. Jamais cependant, au grand jamais, ceux-ci ne se sont laissé aller à s’en plaindre publiquement. Et surtout pas en des termes aussi injurieux qu’a cru devoir le faire jeudi soir, à la télévision, le ministre de l’Intérieur Michel Murr, que l’on interviewait sur l’état de la sécurité. Les thèses de M. Murr sur la question, endossées en partie par le Conseil des ministres, valent la peine d’être rappelées, même si elles ne sont que trop connues de l’opinion désormais: il n’y a rien de particulièrement alarmant à la situation actuelle; et ce sont les médias qui, en gonflant ces incidents, entretiennent une psychose malsaine au sein de la population, en même temps qu’ils portent préjudice à l’image extérieure du pays. Au cours d’un talk-show de la L.B.C, le ministre a poussé plus loin le bouchon, accusant «un quotidien d’expression française» (il n’en existe pas trente-six) de déformer jusqu’aux indications recueillies auprès de lui-même, et de se livrer à une campagne portant atteinte à la sécurité de l’Etat comme à l’économie nationale. Accusé de l’avoir «insulté» (?), l’éditorialiste du journal s’est vu gratifier, pour sa part, de qualificatifs aussi stupéfiants que ceux de «plume mesquine, plume mauvaise et bien connue comme telle». M. Murr, qui lit fort bien le français, se serait-il contenté de parcourir en diagonale l’article incriminé? Lui en aurait-on présenté, comme cela peut arriver aux personnes très occupées, un résumé qui s’avère aussi malveillant qu’inexact? Mystère. On serait bien en peine de relever, en tout cas, le moindre propos injurieux dans mon éditorial du mercredi 22 juillet, intitulé «Brigades fantômes», même si cet article critiquait certes les lacunes en matière de sécurité, tout comme la peu convaincante rhétorique officielle invoquée pour tenter de la couvrir. L’injure n’est pas, n’a jamais été en effet dans les habitudes de la maison ou de l’auteur de ces lignes, et aucune sorte de considération personnelle n’est jamais venue influencer mes écrits. Dans son réquisitoire télévisé, M. Murr, en revanche, ne s’est pas embarrassé de nuances pour dire tout le bien qu’il pensait de moi, alors qu’il avait entière latitude d’user du classique droit de réponse sans recourir à l’injure: et sans se placer lui-même en contradiction avec cette même loi dont sa fonction le fait le gardien. Au risque de paraître quelque peu immodeste car tirant effectivement fierté de la fidélité et de l’affection de mes lecteurs, comme de l’estime professionnelle que m’ont toujours témoignée mes confrères, je me serais bien passé, à vrai dire, de toute publicité: fut-elle à rebours, et dut-elle nous valoir, comme hier, un flot considérable de messages de sympathie. Merci tout de même pour le compliment diffamatoire, merci pour la fleur, Monsieur le ministre. Reste l’essentiel, c’est-à-dire la menace de poursuites légales brandie contre ce journal et contre moi-même: laquelle menace n’émeut outre mesure ni l’un ni l’autre qui avons, en effet, la conscience parfaitement tranquille. Organe d’information totalement indépendant (et voilà bien, sans doute, ce qui dérange le plus) «L’Orient-Le Jour» n’a jamais cherché à «gonfler» la récente vague de criminalité à des fins inavouables. En rendant compte des faits, en base d’indications émanant de sources on ne peut plus officielles et publiées par la presse dans son ensemble, le journal n’a jamais mis en cause «la sécurité de l’Etat», formule qui sous d’autres cieux sert de prétexte — prétexte classique, éculé — aux dérives dictatoriales. Ce quotidien ne s’est jamais fait l’écho des préoccupations des citoyens dans le but pernicieux de saper le prestige de M. Murr; une lecture plus attentive et sereine de l’éditorial du 22 juillet permettrait de constater d’ailleurs qu’il réclamait essentiellement la mise à disposition du ministre d’effectifs plus consistants en vue de combattre la criminalité, avec la même efficacité dont il a fait preuve en d’autres domaines. Enfin, mais ce serait évidemment incongru d’en tirer gloire puisqu’il ne s’agit aucunement ici d ’un plaidoyer pro domo, ce journal profondément libanais n’a jamais cherché à faire diversion sur le récent démantèlement d’un réseau terroriste agissant pour le compte de l’ennemi: tous les Libanais ont en mémoire les positions invariablement anti-israéliennes de «L’Orient-Le Jour», jamais prises en défaut même au plus fort de l’invasion de 1982, quand une bonne partie de la classe politique observait un silence prudent. En conclusion et en fait de diversion, la seule, la vraie, est celle qui consisterait à passer ses nerfs sur la presse en la chargeant de tous les maux, puis en s’en prenant arbitrairement à une publication précise, à un journaliste: pour l’exemple. En tout état de cause, et quelle que soit la suite des événements, notre confiance en la Justice libanaise n’a d’égale que notre foi inébranlable dans le triomphe de la démocratie.
Il n’est pas rare qu’un éditorial de «L’Orient-Le Jour» déplaise — souverainement, c’est bien le cas de le dire — à l’un ou l’autre des hauts personnages de la république. Jamais cependant, au grand jamais, ceux-ci ne se sont laissé aller à s’en plaindre publiquement. Et surtout pas en des termes aussi injurieux qu’a cru devoir le faire jeudi soir, à la...