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Actualités - REPORTAGE

L'opposition libanaise à Paris fait preuve de modération

A la veille de la visite officielle du président Hafez el-Assad, le thème le plus approprié pour ce sommet franco-syrien semble être la consécration d’un «partenariat stratégique» et non une «alliance stratégique», comme aime à le préciser M. Hubert Védrine qui semble incarner, avec son collègue de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, la politique arabe «revue et corrigée» de la France. Un partenariat au sens le plus large puisqu’il se base sur une similitude de vues concernant la conjoncture moyen-orientale et une volonté commune de développer les relations commerciales grâce à une accélération du processus de libéralisation de l’économie syrienne. Reste à savoir si dans cette phase nouvelle, qui fera de Paris le principal point d’appui européen et mondial de la Syrie, le Liban aura droit à plus d’égards ou à moins d’importance à l’heure des grands choix stratégiques. Le langage de la raison que tiennent les amis du Liban en France est que la concordance de vues entre Paris et Damas est en fait une chance inouïe pour le pays du Cèdre et la meilleure garantie pour son indépendance et son unité, alors que le langage du cœur, entendu dans certains milieux parisiens, souligne que seule l’intensité des liens historiques entre le Liban et la France sont les vrais garants de la souveraineté nationale. Les réactions des Libanais de France s’articulent en fait autour de ces deux idées et, si un «Rassemblement d’organisations et de partis libanais en France» a lancé un appel à la manifestation ce jeudi Place du Trocadéro pour «protester contre la visite du président Assad, réclamer la libération des Libanais encore détenus en Syrie et dénoncer les violations des droits de l’homme par Damas», les leaders de l’opposition ont préféré attendre les résultats de la visite. Un porte-parole du «courant aouniste» a déclaré qu’il vaut mieux juger sur pièce, que les commentaires viendront après le départ du président syrien et que si des membres du «Rassemblement pour le Liban» manifestaient au Trocadéro, ils le feraient à titre strictement personnel. Pour sa part, le président Amine Gemayel a estimé que l’essentiel est de savoir si les développements positifs des relations franco-syriennes permettront à la France d’aider les Libanais à réaliser trois objectifs, à savoir le rétablissement de la souveraineté nationale qui «passe nécessairement par le retrait de toutes les forces non libanaises de notre pays, ou tout au moins la programmation d’un tel retrait». Le deuxième objectif, selon l’ancien chef de l’Etat, est le «rétablissement du régime libéral libanais qui passe par le respect des droits de l’homme et la sauvegarde du régime démocratique qui ont toujours fait la spécificité du Liban dans la région». Pour M. Gemayel, le troisième objectif est le respect de l’équilibre national «sérieusement ébranlé aujourd’hui par la politique ostraciste des autorités libanaises inféodées à la Syrie». Dialogue indirect Pour d’autres opposants relevant du «Congrès national», le Liban ne sera évoqué que brièvement lors du sommet Chirac-Assad tant est importante dans la conjoncture présente l’alliance stratégique franco-syrienne. Ces milieux ajoutent qu’il faut souhaiter de fortes relations franco-syriennes à condition que cela ne se fasse pas au détriment du Liban. Surtout dans le cas de figure où Paris songerait à remplacer Washington dans le rôle de parrain au Moyen-Orient. Au-delà des souhaits des uns et des craintes des autres, et toujours sur la place qu’occupera le Liban dans l’ordre du jour des trois séances d’entretiens franco-syriens (deux réunions à l’Elysée et une à Matignon), des milieux proches du Quai d’Orsay tiennent pour évidente une discussion sur l’application de la résolution 425 du Conseil de Sécurité et moins évidente une évocation de la résolution 426, les deux parties étant d’accord — avec cependant les nuances que l’on connaît — sur les conditions d’un retrait israélien du Liban-Sud en application de la première résolution. Paris estime en effet qu’il ne faut pas rejeter en bloc toute offre israélienne d’un retrait du sud et que tout signal envoyé par M. Netanyahu mérite d’être au moins capté. A cet égard, des milieux diplomatiques arabes estiment que le Quai d’Orsay pourrait reprendre à son compte l’idée d’un dialogue indirect entre Israël d’une part et le Liban et la Syrie d’autre part pour la recherche d’une formule de retrait qui se situerait entre les arrangements de sécurité exigés par Tel-Aviv et l’évacuation sans conditions des troupes israéliennes exigée par la partie arabe. Accompagné de cinq ministres, M. Assad est attendu en milieu d’après-midi à Paris où il sera accueilli par le président Jacques Chirac avec qui il aura un premier entretien suivi d’un dîner au palais de l’Elysée. Les chefs d’Etat se rencontreront à nouveau vendredi matin pour un deuxième entretien. Après une réception à la mairie de Paris, M. Assad sera ensuite l’hôte à un déjeuner offert en son honneur par le premier ministre Lionel Jospin. Au pouvoir depuis près de trente ans, Hafez el-Assad est connu comme un négociateur hors pair. Habile tacticien mais souvent menacé d’isolement, le président syrien — qui a décidé de jouer depuis la guerre du Golfe contre l’Irak, la carte américaine, mais qui semble de plus en plus déçu par l’inaction de l’administration Clinton — a toujours eu pour principal souci de voir reconnaître le rôle incontournable de Damas sur l’échiquier du Proche-Orient. Le caractère exceptionnel de cette visite, à un moment où toutes les négociations du processus de paix au Proche-Orient sont dans l’impasse, a été souligné à plusieurs reprises tant à Paris qu’à Damas. Les deux pays «vivent une des périodes les plus positives» de leurs relations, a affirmé début juin le président Chirac, tandis que le ministre français des Affaires étrangères qualifiait la Syrie de «partenaire stratégique». Le chef de la diplomatie française a affirmé, en outre, que la France souhaitait «pouvoir contribuer à une amélioration de la situation et à une solution» concernant notamment les volets syrien et libanais du processus de paix, où la marge de manœuvre française est plus grande que sur le volet israélo-palestinien. M. Védrine a ajouté que la France était disposée «à favoriser une meilleure compréhension des positions des uns et des autres». Et «si les Etats-Unis relâchent leurs efforts, nous augmenterons le nôtre parce qu’il faut éviter à tout prix que l’on se retrouve dans une situation où il n’y aurait plus aucune perspective», a-t-il conclu. E.M.
A la veille de la visite officielle du président Hafez el-Assad, le thème le plus approprié pour ce sommet franco-syrien semble être la consécration d’un «partenariat stratégique» et non une «alliance stratégique», comme aime à le préciser M. Hubert Védrine qui semble incarner, avec son collègue de l’Intérieur Jean-Pierre Chevènement, la politique arabe «revue et...