Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Mois de la photographie Khan-El-Franj : Esta, Faucon et les grands de magnum (photos)

Le Khan el Franj de Saïda restauré offre jusqu’au 24 un bel écrin à deux photographes, le Libanais Michel Esta et le Français Bernard Faucon; ainsi qu’à une collection d’une centaine de photographies en noir et blanc de l’Agence Magnum. L’antan, mais plus pour longtemps: les métiers en voie de disparition vus par Michel Esta. Quarante-quatre inédits qui occupent les cimaises des deux premières salles à gauche de l’entrée du Khan. Michel Esta a immortalisé tous ces métiers artisanaux en gros plan. Et ce sont les mains qui se retrouvent au centre de tous ces clichés. Le photographe a réussi à rendre fidèlement le grain de la peau, le mouvement en relief… on ne serait pas étonné de voir la main se mettre brusquement à l’œuvre, pétrissant, sculptant, fabriquant… Un graveur, en contre-plongée, travaille au clou et au marteau une plaque de cuivre; une vieille meunière exécute des gestes millénaires, et le mouvement de la meule qui concasse le blé semble prêt à tout aspirer sur son chemin; le cordonnier qui brique une chaussure au cuir luisant exprime toute la satisfaction devant un travail bien fait; le charpentier qui… monte un bateau semble être à l’œuvre dans le ventre d’une baleine... Pour la fabrication des cloches, les photos sont en couleur pour marquer le contraste entre la lave au rouge incandescent et la pénombre de l’atelier qui teinte tout de gris. Michel Esta s’est mis à la photo, suite à une opération au pied qui l’a immobilisé au lit et l’a empêché de faire du sport. «Je photographiais tout, et surtout les membres du club où j’étais», dit-il. Carrure de sportif, yeux miel doucement moqueurs, Michel Esta affiche un large sourire. Engoncé dans son costard endossé pour le vernissage, il s’empresse de préciser que «c’est vraiment exceptionnel» de le voir habillé comme cela. «Je suis d’habitude plutôt en tee-shirt-bermuda et chaussures de marche». C’est que ses repérages l’entraînent par monts et par vaux. Son dada, ce sont les paysages. Pour son projet de diplôme à l’USEK en 1993, il travaille sur le thème de l’eau. Ensuite, ce sont des contrats de publicité, et une collaboration régulière au «Nous du Collège» de Jamhour. En 1995, il est relancé par l’équipe de Youssef Chahine qui prépare le tournage d’«Al Massir». «J’étais persuadé qu’il s’agissait d’une plaisanterie» raconte-t-il. «Je n’y ai cru que quand j’ai été faire des repérages avec Chahine, en personne. J’ai été photographe de plateau et du «making off» sur ce film. J’ai signé quelque 1.400 clichés» dit-il, plutôt amusé par le hasard qui lui a offert cette aubaine. Pour participer au «Mois de la photographie», Michel Esta envoie, in extremis, une photo du potier avec cet intitulé un peu sens dessus dessous «Notre vie d’antan de nos jours». «Une fois le projet accepté, je me suis mis à l’oeuvre». Six mois et un tour du Liban des métiers en voie d’extinction. De Zghorta à Taanayel, de Khonchara à Yammouné, de Fakiha à Batroun, de Baalbeck à Kfarchima… Il use ainsi «20 films couleur et 50 noir et blanc». Très contrastées, ses photos mettent en lumière les détails, donnant au thème principal toute sa force. Michel Esta se dit ravi de cette manifestation. «Entre photographes, nous nous connaissons tous, et nous ne nous étions pas retrouvés depuis les bancs de l’école», indique-t-il. La profession de photographe aurait besoin d’être reconnue, estime Michel Esta. «Il n’y a que les photographes de presse qui ont un syndicat. Le métier dans son ensemble n’est pas classifié. Nous ne sommes pas protégés, nos œuvres ne sont pas déposées… Sans oublier que souvent le matériel est cher et nous n’avons aucune possibilité d’en louer». Une luminosité de rêve… Quant à Bernard Faucon, il expose ses «chambres d’amour», une série de photographies travaillées comme des peintures et qui révèlent tout un monde intérieur. Dans des pièces évidées,c’est un dégradé de bleus et de verts pâles; des blancs éclatants de lumière; des ors et argents… Parmi tous ces intérieurs de chambre, la photo d’un champ de lavande où le linge étendu sèche à l’air libre. Les images de Bernard Faucon reproduisent cette luminosité forte et toujours étrange qui teinte nos rêves et qui reste collée à la rétine bien après le réveil… Après des études de philosophie, Bernard Faucon travaille dès 1976 comme photographe en free lance. Il collabore à de nombreux magazines (Elle, Actuel, Telerama...) et expose aussi bien à Paris (centre Georges-Pompidou) qu’à New York (galerie Castelli Graphics) ou à Lausanne (galerie Junod). Il travaille la série des «chambres d’amour» entre 1984 et 1986. Suivent les «chambres d’hiver» (1986) et les «chambres d’or» (1987). Les photos de Bernard Faucon sont le résultat d’une minutieuse mise en scène. «Je mets plusieurs jours à apprêter le décor» explique-t-il. «Je colle des feuilles d’or ou je peins les murs. Tout est là au moment de la prise de vue. La photo vient fixer cette création. Le résultat c’est tout un univers personnel», dit-il. «Il n’y a aucun effet photographique spécial», assure-t-il. Bernard Faucon a été peintre. Il décide de passer de la peinture à la photographie, car «une photo, dit-il, c’est la preuve qu’un univers a existé. La peinture reste une vue de l’imagination, une fiction». Développés selon le procédé Fresson d’impression qui fixe les couleurs, «le même utilisé par les frères Lumières» indique l’artiste, ces clichés résistent à l’érosion au temps… Paris-Magnum Dans la grande salle centrale aux hautes voûtes qui se croisent, les pierres «ramlé» (sablonneuses) nouvellement nettoyées diffusent une douce couleur jaune paille. Une centaine de photos en noir et blanc signées par les membres de la célèbre agence «Magnum» évoquent la capitale française entre 1936 et 1981. Quarante ans d’images dans lesquelles Paris dévoile ses multiples visages. Le Paris du Front populaire; celui de la Libération (1944); le quartier Latin en ébullition en mai 68; la passation de pouvoirs au Palais de l’Elysée en 1981…mais également Paris au quotidien, avec son jardin du Luxembourg; ses amoureux des bancs publics; ses bords de Seine; ses flâneurs et ses travailleurs. De magnifiques clichés dus à d’illustres objectifs: Henri Cartier-Bresson, Robert Capa, Eve Arnold, Bruce Davidson, Raymond Depardon, Marc Riboud, David Seymour… en tout vingt-huit photographes de la mythique «Magnum» à travers le monde.
Le Khan el Franj de Saïda restauré offre jusqu’au 24 un bel écrin à deux photographes, le Libanais Michel Esta et le Français Bernard Faucon; ainsi qu’à une collection d’une centaine de photographies en noir et blanc de l’Agence Magnum. L’antan, mais plus pour longtemps: les métiers en voie de disparition vus par Michel Esta. Quarante-quatre inédits qui occupent...