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Actualités - ANALYSE

Les raisons de la dispute qui secoue les milieux politiques Une redéfinition accélérée des rapports de force

Le brusque et brutal conflit qui oppose deux piliers du pouvoir, MM. Rafic Hariri et Walid Joumblatt, s’articule comme on sait autour du problème des déplacés. Mais comme il est pratiquement impossible que cette question puisse être réglée, ou même traitée, pendant les quatre petits mois qui nous séparent de la fin de l’ère politique actuelle, c’est ailleurs qu’il faut chercher les raisons de cette violente dispute. Ses effets mêmes en montrent un peu l’objectif: dans la perspective des présidentielles, redéfinir les rapports de force sur la scène locale, de façon que le chef du gouvernement ne puisse prétendre à jouer, parmi les «petits électeurs» libanais (les «grands électeurs» étant comme on sait des parties étrangères), un rôle de premier plan. Une animosité qui n’a rien de gratuit ou de personnel. Tout permet en effet de penser que, quel que soit le prochain régime, il va encore être fait appel pour diriger le gouvernement à M. Rafic Hariri. Mais les conditions peuvent évidemment varier selon la personnalité et l’identité politique du nouveau chef de l’Etat. Ou pour aller au cœur même des choses, selon l’humeur et la volonté politique des vrais décideurs. Partant de ces considérations, tout autre pôle local que M. Hariri a évidemment intérêt que ce dernier ne soit pas en trop bonne position pour les présidentielles, afin de pouvoir lui imposer des conditions précises pour la reconduction du partenariat gouvernemental sous le prochain régime. C’est d’ailleurs tout à fait cette même logique prénégociatoire implacable que M. Joumblatt avait appliquée au sortir des législatives de 1996, quand il s’était agi de former un nouveau Cabinet. Brusquement, alors même que, comme il l’a volontiers avoué, M. Hariri lui avait fourni 500.000 dollars pour les élections, il s’était déchaîné contre le milliardaire. En précisant du reste honnêtement, à l’adresse de ceux qui se félicitaient qu’il ait rejoint l’opposition, que sa prise de position était purement conjoncturelle et pouvait être inversée après la formation du gouvernement. Et c’est bien ce qui a eu lieu, car ensuite M. Joumblatt a été un allié loyal de M. Hariri qu’il a défendu à plusieurs reprises. On retrouve donc aujourd’hui un schéma qui a servi, ce qui laisse du reste augurer d’un arrangement prochain entre les deux parties. Plus globalement, les préparatifs tactiques pour des présidentielles, qui sont aussi une échéance déterminante pour la suite de carrière de nombre d’hommes politiques locaux comme les membres de l’actuel Cabinet, dégagent les éléments suivants: — Une compétition acharnée entre leaderships mahométans, sunnites, chiites et druzes, pour se gagner les bonnes grâces d’une partie chrétienne qui est au centre des présidentielles. Tout le monde fait des mamours à l’Est, même aux radicaux les plus anti-Taëf, les plus éloignés des décideurs. On a ainsi retrouvé au congrès de Beiteddine nombre de figures de proue du camp de l’Est. Tandis que les autres pôles islamiques, sunnites ou chiites, multiplient les émissaires à Bkerké ou auprès de divers leaderships chrétiens, notamment maronites. — La confessionnalisation, d’ailleurs dangereuse, des arguments politiques échangés par les protagonistes. Les partisans de M. Joumblatt accusent ainsi M. Hariri d’adopter une attitude outrancièrement sunnite plutôt qu’un comportement d’homme d’Etat. Ils affirment qu’il a tenté dans l’Iklim el-Kharroub, à l’occasion des municipales, de créer une force sunnite opposée au leadership de M. Joumblatt. Et ils ajoutent que le président du Conseil a voulu rafler la mise sunnite totale, en cherchant à s’emparer du fief karamiste de Tripoli, et à marginaliser Saad à Saïda autant que Hoss à Beyrouth dont il fait sa principauté personnelle. Et bien entendu les haririens répliquent exactement sur le même ton en soutenant que M. Joumblatt n’agit et ne réagit qu’en fonction d’une seule ambition: redevenir l’unique leader incontesté de la communauté druze… — La dramatisation et la personnalisation du conflit entre les deux hommes. Selon des sources informées, en se rendant à Damas pour y accuser M. Joumblatt, M. Hariri a emporté avec lui nombre de dossiers à charge. Et il serait prêt, tout comme son adversaire d’ailleurs, à ouvrir la boîte de Pandore pour déverser sur le pays tout un tombereau de scandales jusque-là occultés… Pour le moment, grâce sans doute aux conseils de retenue des décideurs, on en est resté aux menaces et rien n’a été dévoilé.
Le brusque et brutal conflit qui oppose deux piliers du pouvoir, MM. Rafic Hariri et Walid Joumblatt, s’articule comme on sait autour du problème des déplacés. Mais comme il est pratiquement impossible que cette question puisse être réglée, ou même traitée, pendant les quatre petits mois qui nous séparent de la fin de l’ère politique actuelle, c’est ailleurs qu’il...