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Actualités - ANALYSE

La pourriture ? Tout simplement intouchable ...

La corruption est un mal si étendu et si profond que, selon les loyalistes, le pouvoir n’a aucun moyen d’y remédier. Selon les opposants radicaux, on ne l’aurait en tout cas pas laissé faire, s’il en avait eu envie, ce qui d’ailleurs n’est pas certain à leur avis car le climat de complicité est général au sein du système… Il reste qu’on se pose la question: l’impossibilité d’éradiquer la pourriture justifie-t-elle qu’on n’engage jamais de poursuites contre les pourris? Ces magouilleurs, ces profiteurs, ces voleurs se sentent tellement à l’abri que certains d’entre eux n’hésitent pas à se vanter publiquement de leurs exploits. De leur côté, nombre de dirigeants reconnaissent avoir au moins fermé les yeux sur des actes patentés de concussion… Il n’y aurait qu’à donner suite en ouvrant des enquêtes après de telles déclarations, et l’on n’en fait jamais rien. Ainsi, aucune procédure n’a été ouverte lorsque la fantaisie prit un jour à M. Nabih Berry, pour «couler» les deux autres présidents, d’avouer tout bonnement que la troïka couvrait volontiers des malversations. On a pu par ailleurs entendre des confessions rétrospectives sur d’anciens pots-de-vin, des donations reçues pour les élections ou de la fraude fiscale de la part de M. Walid Joumblatt. Et si M. Najah Wakim est tellement populaire, il le doit beaucoup à ses fracassantes révélations, chiffres et noms à l’appui, sur des affaires multiples à propos desquelles on attend toujours des investigations, les poursuites ciblant plutôt le dénonciateur lui-même, ce qui est un peu le monde à l’envers… Aujourd’hui, après la déclaration de guerre de M. Joumblatt contre M. Hariri, les accusations de prévarication et de détournement de fonds publics dans l’affaire des déplacés volent de tous côtés comme des boulets rouges. Commentant ce match d’un genre plutôt osé, un ancien ministre rappelle que «le pouvoir actuel, après le retentissant échec de ses tentatives de réformer l’Administration, n’a pas hésité à l’imputer aux effets d’une corruption également politique, sans trop se rendre compte qu’ainsi il se met lui-même en cause. Il est cependant bien vrai qu’on ne peut épurer l’Administration tant qu’on n’a pas neutralisé les protections politiques des fonctionnaires pourris, mis fin au clientélisme et au népotisme». «Toujours est-il, note cette personnalité expérimentée, que le fiasco de la réforme administrative a donné libre cours au chancre de la corruption qui s’est étalé à un rythme vertigineux dans tous les domaines ou presque de la vie publique. On n’avait jamais vu cela et pourtant certains régimes antérieurs ont de solides références en matière de combines juteuses». Dérobades «Mais là, poursuit-il, on se permet tout aux dépens des deniers publics, même les «petits profits» sordides. N’a-t-on pas entendu le président de la République accuser publiquement en Conseil des ministres des ministres et des députés de ne pas acquitter leurs quittances d’eau ou d’électricité? Et le ministre des Ressources hydroélectriques n’a-t-il pas révélé, également en Conseil des ministres, que nombre de ministères ou d’offices autonomes ne paient pas non plus l’électricité, alors même que cette dépense est inscrite dans leurs budgets respectifs, ce qui amène à se demander où va l’argent prévu à cet effet, dans quelles poches?» Puis de souligner «l’incroyable légèreté avec laquelle on avait accueilli cet acte très grave, cet événement si important: le président de l’Assemblée nationale qui se dresse en personne pour proclamer que la troïka, dont il annonçait alors à tort le décès, a été créée pour couvrir la concussion. De quoi en bonne logique mettre le pouvoir par terre, détruire le temple, mais il ne s’est absolument rien passé, pas le moindre remous, aucune enquête informelle ou judiciaire. Ce qui tend à prouver que la corruption est inattaquable parce que tout le monde est plus ou moins coupable, plus ou moins complice. Ou plus ou moins soumis à une volonté déterminée qui empêche ce pays de tenter de se remettre sur la bonne voie et le prive de tout pouvoir de décision». Et de rappeler également que «le jour où elle a voulu discuter de la corruption, la Chambre s’est transformée en tour de Babel où l’on ne s’entendait plus. Certains ont recommandé la formation d’une commission parlementaire d’enquête; d’autres, le renforcement des organismes administratifs de contrôle, notamment sur les offices, les conseils ou les caisses autonomes; d’autres encore ont exigé l’activation de la loi sur l’enrichissement illicite dite «d’où tiens-tu cela?»… Et finalement les députés, qui n’avaient peut-être pas très envie d’aboutir, se sont séparés sans se mettre d’accord sur une résolution quelconque». Un coup d’épée dans l’eau, très commode en définitive pour les différents rouages de l’Etat. Dans ce sens qu’aujourd’hui on voit, du côté de l’électricité comme du côté des déplacés, les différents départements administratifs et les différents dirigeants se rejeter mutuellement des responsabilités fuyantes parce que mal définies. Sans doute exprès. M. Issam Farès, député du Nord, propose qu’on mette fin au moins à ce flou par le biais d’une commission parlementaire qui trancherait et désignerait les responsabilités. M. Sélim Hoss, député de Beyrouth, qui avait jadis objecté à la formation d’une commission d’enquête après les propos de M. Berry, est toujours d’avis qu’une telle instance ne peut être utile et suggère qu’on saisisse le Parquet financier sur la valse des fonds publics dans le dossier des déplacés. Il relève que les dirigeants avouent aujourd’hui un gaspillage qu’hier ils niaient fermement et en conclut que «lorsqu’ils sont d’accord, ils couvrent la gabegie et cessent de le faire quand ils ne s’entendent plus». Tout le secret en somme de ce charmant système…
La corruption est un mal si étendu et si profond que, selon les loyalistes, le pouvoir n’a aucun moyen d’y remédier. Selon les opposants radicaux, on ne l’aurait en tout cas pas laissé faire, s’il en avait eu envie, ce qui d’ailleurs n’est pas certain à leur avis car le climat de complicité est général au sein du système… Il reste qu’on se pose la question:...