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Actualités - ANALYSE

Les naturalisations sur la sellette

Suivant leurs bonnes habitudes de scènes de ménage, les stars de la politique locale sortent toutes leurs griffes pour mieux se lacérer les uns les autres. En se jetant à la face, après les avoir exhumés, tous les dossiers pourris: les concussions, les magouilles, les pillages de deniers publics, les gabegies, les népotismes. Et le scandale, qu’on croyait bien oublié, des naturalisations de 1994. En réalité, sur le plan théorique, rien n’est dit, rien n’est définitivement consommé. Car le fameux décret signé par Hraoui, Hariri et Merhej reste sous le coup… de poursuites en justice! Dans ce sens que la Ligue maronite et d’autres justiciables qui se considèrent lésés ont attaqué cette décision devant le Conseil d’Etat, en réclamant son annulation pure et simple. Le tribunal saisi a ordonné aux services qualifiés de lui fournir toutes les pièces justificatives concernant les naturalisations. C’est-à-dire de lui remettre les comptes-rendus détaillés des enquêtes, administratives ou autres, nécessairement menées au sujet des différents demandeurs - puis bénéficiaires - de la nationalité libanaise. On sait en effet qu’il a été établi, et les autorités l’ont reconnu elles-mêmes, qu’il y a eu bien des failles dans cette procédure de tri préliminaire, et que l’on a naturalisé des gens tombant sous le coup de condamnations fermes, certains même emprisonnés ou en fuite, ou encore ne justifiant d’aucune résidence dans ce pays. Sans compter, là aussi comme aux élections, les morts… Le Conseil d’Etat doit donc étudier cette impressionnante paperasserie portant sur quelque 37.000 dossiers de familles, chacun comportant des données sur une moyenne de cinq personnes. Ce n’est donc pas de sitôt que le verdict pourra être rendu. Si verdict il y a. Car le Conseil d’Etat, après s’être livré à un travail de Titan, peut toujours se déclarer finalement incompétent, à cause de la nature politique du dossier. A dire vrai la plupart des juristes estiment cependant que ce tribunal dispose toujours d’un champ administratif et procédurier dans lequel il peut s’exprimer, pour invalider ou confirmer les naturalisations, sous le seul angle des règles administratives et judiciaires. Du côté de certains loyalistes, on s’avoue gêné aux entournures par cette affaire, expédiée en 94 à des fins démo-politiques déterminées, visant d’une part à mieux broyer l’Est politique alors en cours de lamination accélérée et à préparer la reconduction du statu quo au niveau de la troïka. On avoue dans ces milieux que les naturalisations d’alors, largement islamisées, ont porté un coup supplémentaire aux équilibres et partant à l’entente nationale. Et l’on répète, comme en 96 (où on se faisait assez caressant, en vue des législatives…) qu’on est tout prêt à compenser par un nouveau décret de naturalisation favorisant cette fois la partie chrétienne. Refus Le hic c’est qu’une large frange de cette même partie chrétienne refuse ce lot de consolation. Pour de multiples raisons, la première étant qu’on resterait en tout cas très loin du compte pour équilibrer la balance; la deuxième étant que les postulants potentiels ne sont généralement pas des résidents et n’ont pas l’intention de le devenir; la troisième étant que derrière une fournée de naturalisés chrétiens, simple paravent pour l’implantation, on trouve sur les listes une impressionnante cohorte de Palestiniens… Et la quatrième raison, sans doute la principale, étant qu’avant de naturaliser on ferait mieux de récupérer tous les descendants de Libanais émigrés qui avaient perdu par inadvertance leur nationalité libanaise, pour avoir ignoré qu’ils devaient préciser ce choix, dans les années vingt, après l’effondrement de l’Empire ottoman. Parallèlement, les dirigeants ne sont pas du tout d’accord entre eux sur les noms des futurs naturalisés. Dès lors «l’annexe» comme on appelle pudiquement le deuxième décret croc-en-jambe, dort d’un profond sommeil dans les moelleux tiroirs du ministère de l’Intérieur. Et c’est plutôt heureux: le palais Bustros reçoit en effet régulièrement des rapports de nos ambassades et de nos consulats qui signalent un afflux de demandes de visa d’entrée au Liban présentées par des étrangers qui reconnaissent qu’ils souhaitent venir pour tenter d’obtenir la nationalité libanaise, et le passeport qui va avec, ayant entendu dire qu’une nouvelle vague de naturalisations doit avoir lieu d’ici la fin de l’année. De plus, les rapports diplomatiques confirment que plus de 60% des naturalisés de 1994 n’habitent pas le Liban et n’y ont aucun bien. Ces intrus ont obtenu leur carte d’identité, soulignent les mêmes rapports, grâce à des attestations falsifiées ou frauduleusement délivrées par des auxiliaires pourris de l’Etat. Au vu et au su de tout le monde, se prêtant même complaisamment aux photographies-souvenirs de groupe, on avait vu au Nord pour les législatives de 96 puis pour les récentes municipales, de pleins cars de votants débarquant d’un pays situé dans l’au-delà… Et tous dûment estampillés Libanais, grâce au décret de 1994. Par contre, les demandes d’émigrés libanais qui veulent se faire confirmer leur droit à la nationalité libanaise sont toujours bloquées au niveau des services de l’état civil. Il y en aurait ainsi, selon une source informée, plus de 30.000 et il semble que le président de la République, informé, se soit ému de ce problème, aurait demandé qu’on débloque ces demandes et qu’on enquête sur les raisons du barrage. D’autant que selon les mêmes sources, certaines demandes «spéciales», loin d’être gelées, sont prestement accélérées.
Suivant leurs bonnes habitudes de scènes de ménage, les stars de la politique locale sortent toutes leurs griffes pour mieux se lacérer les uns les autres. En se jetant à la face, après les avoir exhumés, tous les dossiers pourris: les concussions, les magouilles, les pillages de deniers publics, les gabegies, les népotismes. Et le scandale, qu’on croyait bien oublié, des...