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Actualités - CONFERENCES ET SEMINAIRES

Séminaire sur la création d'un centre parlementaire libanais : beaucoup de questions, peu de réponses (photo)

En marge de son activité habituelle, le Parlement planche actuellement avec le concours du Canada sur un projet de fondation d’un Centre parlementaire dans le principal but d’optimaliser l’action législative de la Chambre en y associant la société civile et en assurant une meilleure documentation aux députés. L’idée est certes séduisante, d’autant qu’elle tend à consolider un système démocratique qui se trouve toujours «aux soins intensifs», pour reprendre les termes du député Nayla Moawad, mais est-elle réalisable? Au cours du séminaire portant sur la création d’un centre parlementaire, organisé hier Place de l’Etoile, deux courants sont apparus: le premier qui croit que le projet est réalisable pour le moins qu’on définisse clairement ses objectifs et sa mission et le deuxième, pragmatique, qui estime qu’un pareil centre n’est efficace ou viable que si l’on parvient à aplanir les obstacles connus pour être les principales causes de la paralysie des institutions au Liban: intérêts «troïkistes», confessionnalisme, clientélisme, dépendance politique... Présidé par le député Michel Moussa, président de l’association d’amitié libano-canadienne, le séminaire en question a été organisé conjointement par le Forum libanais des Organisations non gouvernementales (ONG), le Centre parlementaire canadien (CPC) et le bureau des relations extérieures du Parlement. Il s’agit du deuxième du genre après celui qui avait été organisé en février dernier à l’hôtel Commodore en présence de délégués des ONG et du CPC pour débattre de l’expérience canadienne dans ce domaine. Le Centre parlementaire canadien a 30 ans d’âge et son modèle a été calqué par plusieurs pays, dont les Etats-unis, la Russie, l’Egypte, l’Afrique du Sud, l’Ethiopie, la Thaïlande. Aujourd’hui, le Liban veut leur emboîter le pas, mais la réunion d’hier a donné l’impression que l’idée en elle-même n’est pas encore parfaitement claire dans l’esprit de beaucoup de personnes qui n’ont toujours pas une conception précise de ce que doit être la structure et l’organisation du Centre. Pourtant, le député Anouar el-Khalil a pris soin d’inviter l’assistance à commencer par définir l’ordre de mission du centre envisagé avant de lancer le débat autour des activités qu’il aura à entreprendre. Sans compter que le programme du séminaire et la présentation de M. Robert Miller, directeur du Centre parlementaire canadien, qui s’est longuement étendu sur l’expérience canadienne, étaient supposés faciliter le débat et éviter les interventions hors sujet. M. Miller a défini un centre parlementaire comme une «organisation établie pour renforcer l’Assemblée nationale, dans le cadre d’efforts généralement fournis pour promouvoir une meilleure administration des affaires publiques et un développement démocratique. Ses activités sont nombreuses et englobent la formation et les recherches et il peut également servir d’instrument pour consolider les liens entre le Parlement et la société civile». Il faut toutefois reconnaître qu’une traduction impropre de la lettre d’invitation au séminaire a accentué la confusion, certains intervenants ayant cru que le Centre parlementaire sera un «office autonome» et d’autres un «institut parlementaire». L’intérêt du séminaire réside toutefois dans le fait qu’il a donné une matière à réflexion au comité consultatif qui s’est réuni à huis clos dans l’après-midi en présence du directeur du CPC et de M. John Bosley, ancien président de la Chambre des communes du Canada. Ce Comité est formé de huit délégués des ONG et de huits députés: Michel Moussa, Marwan Hamadé, Nayla Moawad, Anouar el-Khalil, Marwan Farès, Mohamed Abdel Hamid Beydoun, Raji Abou Haydar et Ahmed Hbous. Il est notamment chargé d’élaborer le statut du Centre. A travers le centre qu’elle envisage de créer, la Chambre souhaite associer la société civile représentée par les ONG à sa mission législative, comme l’a souligné M. Moussa dans son allocution. Ces associations sont à même d’assurer aux commissions parlementaires les données et les études pour l’examen d’une loi déterminée se rapportant au domaine social, économique ou financier. D’ailleurs, les présidents des commissions ou des députés sollicitaient leur aide à titre individuel. Le Centre parlementaire conférera un cadre légal à cette collaboration dont un des avantages est d’équilibrer les rapports entre l’Exécutif et le Législatif (au niveau notamment des statistiques et des travaux de recherches) et de permettre à long terme à la Chambre d’opposer à des données contestées du gouvernement des éléments ou des études obtenus d’organismes spécialisés et surtout neutres. Le Centre parlementaire canadien a vu le jour à l’initiative d’un fonctionnaire du ministère canadien des Affaires étrangères, M. Peter Dobell, qui a constaté avec effarement au début des années 60 que les députés canadiens étaient très peu informés dans le domaine des relations internationales. Son idée devait se concrétiser quelques années plus tard à l’occasion de la révision de la politique étrangère canadienne sous le mandat du premier ministre Pierre Elliott Trudeau. De 1968 jusqu’en 1994, la principale mission du CPC était d’assurer aux membres de la Chambre des communes et du Sénat l’assistance dont ils avaient besoin dans le domaine des affaires internationales. Le centre a dû toutefois cesser ses activités à la fin de 1994, faute de fonds pour cause de compression budgétaire. Mais son succès était essentiellement dû à son autonomie, à la force de son directoire, à ses initiatives et à son esprit d’entreprise ainsi qu’à son impartialité, selon les explications de M. Miller. La Chambre libanaise, elle, souhaite être notamment assistée dans les domaines social, économique et financier, selon diverses sources parlementaires, ce qui donnera à son action une dimension nouvelle. Dans leurs allocutions respectives, MM. Marwan Hamadé et Zaher Khatib mettent notamment l’accent sur les problèmes qui se posent devant les députés lorsqu’ils ont à se documenter et à obtenir notamment des chiffres préalablement à l’examen d’un texte de loi. M. Hamadé note en outre que l’expérience libanaise ne peut pas être assimilée à celle d’autres pays où des centres parlementaires ont été établis, mettant l’accent sur la nécessité d’adopter une formule propre au Liban. Si les députés Michel Moussa, Anouar el-Khalil, Marwan Hamadé et Salah Haraké abordent la question sous un angle technique, leurs collègues Zaher Khatib et Nayla Moawad laissent passer un message politique dans leurs interventions respectives, en insistant sur la régression de l’exercice démocratique dans le pays. Mme Moawad met l’accent sur «la marginalisation des libertés» et sollicite l’aide des ONG pour faire face aux restrictions imposées aux libertés. Elle s’indigne notamment «de la présence d’un délégué du ministère de l’Intérieur aux assemblées générales des associations et des restrictions imposées à la fondation d’associations». Pour elle, les ONG ne doivent pas seulement aider le Parlement «mais doivent également contrôler son action». Son intervention pousse un des participants, M. Ibrahim Chamseddine, à s’interroger sur la nature du Centre parlementaire: «Aura-t-il un statut officiel. Pour le former, faudra-t-il prendre l’autorisation du ministère de l’Intérieur?». D’autres soulèvent la question du contrôle de l’action parlementaire, de la nature des avis qui seront formulés par le Centre: «Seront-ils contraignants»? L’économiste Antoine Haddad pose le problème autrement. Il aborde d’abord la question du financement partant du principe que pour être autonome, un organisme doit être financièrement indépendant. Il insiste ensuite sur la neutralité. Comment peut-elle être garantie quand on sait la situation qui prévaut dans le pays, les interférences politiques dans les moindres faits de la vie publique. «Et là, je ne parle pas de chiffres et de données, mais d’options politiques qui seront définies». M. Haddad souhaite aussi savoir par quels moyens il sera possible de créer ce centre sans avoir à tenir compte du facteur confessionnel et si le centre sera établi par décision du Parlement ou à travers une initiative indépendante. Le séminaire prend fin sans qu’on n’obtienne des réponses à ces questions fondamentales qui doivent être prises en compte si l’on ne veut pas d’un Centre parlementaire mort-né. Tilda ABOU RIZK
En marge de son activité habituelle, le Parlement planche actuellement avec le concours du Canada sur un projet de fondation d’un Centre parlementaire dans le principal but d’optimaliser l’action législative de la Chambre en y associant la société civile et en assurant une meilleure documentation aux députés. L’idée est certes séduisante, d’autant qu’elle tend à...