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Actualités - INTERVIEWS

Un entretien-bilan de l'ambassadeur des Etats-Unis à la veille de son départ Jones : dans le monde, l'économique prend le pas sur le politique

L’ambassadeur des Etats-Unis au Liban, M. Richard Jones, a longuement répondu, hier soir, sur l’écran de la MTV, aux questions que lui a posées M. Habib Zoghbi, expert en économie et en finances, président du «Harvard Business School of Lebanon». Un passionnant entretien au cours duquel l’ambassadeur Jones, à la veille de son départ du Liban, est apparu particulièrement détendu, et dans lequel, sous les réponses du diplomate, c’est l’expert économique qui est apparu. Les lettres de créance de M. Jones ne sont en effet pas seulement diplomatiques. L’ambassadeur U.S. a été longtemps actif dans la section économique du département d’Etat, et a commencé sa carrière comme envoyé de son gouvernement au siège de l’OECD, l’Organisation européenne pour le développement, basée à Paris. Il a ensuite rempli une mission pour son gouvernement en Arabie Séoudite, avant de participer, en qualité de délégué, à la négociation de l’accord de libre-échange entre le Canada et les Etats-Unis (Nafta). Sa carrière économique compte également des pourparlers sur un accord commercial entre la Corée et les Etats-Unis, avant de prendre une coloration plus diplomatique. En poste au Liban depuis deux ans et demi, et nommé à une nouvelle affectation, M. Jones a donné son opinion sur un ensemble de questions économiques et sociales, évitant de se prononcer sur des questions purement politiques. Il y a à cela une raison. Il pense en effet sincèrement qu’en général, après la Seconde Guerre mondiale, «l’économie a pris de plus en plus d’importance, par rapport à la politique». «C’est en particulier le cas dans un pays comme le Liban, où les questions politiques dépendent beaucoup de ce qui se passe dans la région et dans les pays voisins», ajoute-t-il. Du reste, précise-t-il, l’importance politique d’un pays dépend beaucoup de son importance économique, avant de souligner, qu’à son avis, l’effondrement économique de l’URSS a précédé et provoqué son effondrement politique. La crise du logement Pour M. Jones, la primauté de l’économique et du social doit donc se traduire par une élévation du niveau de vie des Libanais, et l’établissement d’une réelle prospérité. Le diplomate a considéré que le pouvoir d’achat des Libanais est relativement faible, et que le développement du secteur privé est le seul moyen de combattre la pauvreté et le sous-emploi et, indirectement, de contribuer à l’augmentation des ressources de l’Etat. Il a ainsi approuvé son interlocuteur qui préconisait le développement du crédit hypothécaire au Liban, pour résoudre la crise du logement, comme cela se fait dans de nombreux pays développés, et notamment aux Etats-Unis. Avec 8 milliards de dollars bloqués dans les appartements invendus, la crise du logement apparaît au Liban comme l’une des crises sociales majeures, a estimé le diplomate. Par ailleurs, le diplomate devait donner son avis sur tout un ensemble de questions en rapport avec la dette publique, la réforme administrative, les relations économiques avec la Syrie, la main-d’œuvre étrangère au Liban, etc. Au sujet de la dette publique et accessoirement du déficit budgétaire, M. Jones estime que le niveau de cette dette, en l’état présent, n’est pas inquiétant. Par contre, il estime inquiétant le taux d’augmentation de la dette durant les deux dernières années. A cet égard, il considère que le financement par des obligations en dollars de certains projets de développement est une bonne chose, car il réduit le coût de la dette. M. Jones estime quand même que l’excuse de la guerre n’existe plus, et que le déficit budgétaire, à partir d’aujourd’hui, doit être contrôlé, «qu’on ne peut plus se permettre de continuer comme ça». Réforme administrative Comme 35% du budget de l’Etat vont au paiement des fonctionnaires, M. Jones, avec de nombreux experts, estime qu’une réforme administrative au Liban s’impose. A l’appui de son affirmation, M. Jones affirme que la réforme administrative aux Etats-Unis est quelque chose de permanent, et que les réductions d’effectifs y sont courants, mais qu’au Liban, elle sera possible si le Parlement en est convaincu. La privatisation est, dans ce domaine, une option qui, aux Etats-Unis et dans de nombreux pays du monde, a pleinement réussi, a estimé M. Jones, mais il faut éviter autant que possible la formation de monopoles, et, tout en privatisant, réunir les conditions d’une compétition saine. Au sujet de la politique monétaire suivie au Liban, M. Jones estime que sa fermeté est très importante et contribue à une stabilité indispensable pour l’investisseur étranger, et nécessaire pour faire face à l’inflation. Il estime toutefois que l’idéal serait d’allier cette fermeté avec une réduction du fardeau social et monétaire qu’une telle politique exige, grâce à une meilleure réaction aux chiffres économiques. Toutefois, le diplomate craint que la Banque centrale ne dispose pas encore des moyens humains nécessaires pour la mise en œuvre d’une politique monétaire plus souple. Transparence Convaincu que le Liban n’est plus en mesure de regagner certaines des fonctions économiques qu’il remplissait avant les années de guerre, M. Jones a plaidé non seulement pour un aggiornamento des objectifs, mais pour une modernisation des lois, pour une réforme de «l’infrastructure juridique». Mais, à cet égard, le diplomate insiste pour une «transparence» dans la prise de décision économique. L’une des clefs pour attirer les capitaux, fait-il valoir, c’est d’assurer l’investisseur que «les règles adoptées sont les règles appliquées». Dans ce même ordre d’idées, M. Jones insiste pour que le «niveau éthique» dans les affaires publiques soit élevé, afin de ne pas décourager «le retour des cerveaux». «Nous, Américains, fait-il observer, nous avons le complexe de l’ethique. Nous pensons que toute la société est meilleure, si les lois éthiques sont observées strictement». Ainsi, prend-il parti pour une séparation totale entre la fonction publique et les affaires privées, soulignant qu’aux Etats-Unis un homme d’affaires doit confier la gestion de ses biens à un tiers et faire une déclaration de fortune, s’il est appelé à remplir une fonction étatique. Le délit d’initié, de même, est sévèrement réprimé. Même en ce qui concerne certains des objectifs de la politique économique du Liban, comme l’industrie du tourisme, M. Jones souligne certaines incohérences. Ainsi, dit-il en substance, l’Etat accorde 5% de réduction sur les prêts, autorise l’augmentation du coefficient d’exploitation, réduit les frais de douane pour les produits destinés à l’hôtellerie et, de l’autre, impose une taxe de 5% sur le chiffre d’affaires dans les secteurs touristiques. L’exportation En règle générale, le diplomate estime que, compte tenu du marché local relativement étroit, l’économie libanaise doit concentrer ses efforts sur l’exportation, en particulier si le Liban souhaite développer une industrie technologique de pointe. Sur les relations économiques avec la Syrie et l’accord sur la levée des barrières douanières, M. Jones estime que c’est une bonne chose, à condition que les économies des deux pays aillent dans la même direction, mais pas si des subsides sont accordés par un des Etats contractants à un produit déterminé. Dans le cadre d’un accord de libre-échange, il faudrait donner à chacun des Etats contractants la possibilité de contrôler le respect des termes de l’accord par l’autre Etat, fait-il valoir, et en cas de non respect des clauses, l’accord est dénoncé. En ce qui concerne la main-d’œuvre étrangère au Liban, M. Jones estime que les travailleurs libanais et étrangers doivent être traités sur un pied d’égalité, et que les étrangers doivent être taxés comme les Libanais. La priorité de l’Etat, a fait valoir le diplomate, doit toujours aller à ses propres citoyens. Par ailleurs, M. Jones estime que même si la taxation des ouvriers étrangers peut devenir un facteur inflationniste, les revenus en taxes pour l’Etat demeureraient plus rentables que les pertes encourues en raison de l’inflation. Enfin, M. Jones pense qu’au cas où il y a un accord de paix dans la région, les Etats-Unis accorderont une aide au Liban, car, traditionnellement, l’Amérique a toujours agi de la sorte, mais qu’il est impossible de prévoir dès à présent le montant de cette aide.
L’ambassadeur des Etats-Unis au Liban, M. Richard Jones, a longuement répondu, hier soir, sur l’écran de la MTV, aux questions que lui a posées M. Habib Zoghbi, expert en économie et en finances, président du «Harvard Business School of Lebanon». Un passionnant entretien au cours duquel l’ambassadeur Jones, à la veille de son départ du Liban, est apparu particulièrement...