Rechercher
Rechercher

Actualités - ANALYSE

Un mal chronique : la rétention du mouvement diplomatique ...

Il y a de ces maux bénins que l’on traîne durant des années sans leur accorder d’attention et qui un jour provoquent d’assez redoutables complications: le mouvement diplomatique en est un. Cela fait quatre ans en effet que les dirigeants sont en conflit à ce sujet. Et voilà que pour tout arranger une motion parlementaire propose de prolonger le temps de service à l’étranger pour les diplomates et les chefs de bureau. Inutile de dire que cela effare le personnel concerné qui dans sa majorité se trouve coincé dans des postes plutôt pénibles: dans les pays riches et chers, ils vivent mal; et dans les pays pauvres, c’est le bagne, parfois l’insécurité… Aussi le député Issam Farès a-t-il transformé en interpellation la question parlementaire adressée sur ce problème au gouvernement, dont la réponse ne lui a pas paru satisfaisante. En effet cette réponse a l’air pour le moins évasive sinon cavalière. On y lit que «les conditions actuelles ne sont pas propices à un mouvement diplomatique. Le gouvernement a donc décidé de continuer à envoyer leurs émoluments aux fonctionnaires diplomates qui ont dépassé le temps réglementaire de travail au dehors. Et il procédera aux permutations au moment qu’il jugera opportun »… M. Farès ne voit pas en quoi «les conditions ne sont pas propices » et il ne distingue aucun cas de force majeure autorisant le pouvoir à outrepasser la loi. A son avis la vraie raison du blocage réside dans le conflit «de partage» opposant comme toujours les dirigeants. Techniquement l’article 22 des statuts du ministère des Affaires étrangères précise que le délai maximum de séjour à l’étranger est de dix ans pour les fonctionnaires de première catégorie, de sept ans pour les fonctionnaires de deuxième ou troisième catégorie. Le gouvernement est autorisé à proroger par décret pris en Conseil des ministres le maintien en poste extérieur d’un diplomate haut de gamme. Actuellement il existe nombre d’ambassadeurs qui ont dépassé le quota à l’étranger, où certains se trouvent depuis plus de 13 ans: MM. Mahmoud Hammoud, Ghazi Chidiac, Sleiman Younés, Nagi Abi Assi, Sami Kronfol, Nizar Farhat et Makram Oueydate. Inversement, d’autres diplomates sont cloués à l’administration centrale parfois depuis cinq ans, alors que le passage maximum est de deux ans: MM. Samir el-Khoury, Melhem Mesto, Elysée Alam, Fawzi Fawaz, Walid Nasr, Adnan Mansour, Mourad Jammal, Nouhad Mahmoud. Bien entendu, ils sont sous-payés. Les diplomates de deuxième ou troisième catégorie, conseillers, consuls ou secrétaires d’ambassade maintenus trop longtemps dehors, d’une façon cette fois parfaitement illégale puisqu’il n’y a pas de décrets d’exemption les concernant, ne se comptent évidemment pas. Vacance Un peu paradoxalement, nombre de nos chancelleries restent sans titulaire après le départ à la retraite de l’ambassadeur. La liste s’établit ainsi: Suisse, Espagne, Italie, Chypre, Tunisie, Grèce, Pays-Bas, Roumanie, Arménie, Yougoslavie, Zaïre, Ghana, Libéria. Et à la fin du mois en cours les postes du Maroc et de la Chine seront libérés. Ces dérives administratives affectent évidemment le travail des ambassades et des consulats du Liban à l’étranger, tout en plaçant nombre de diplomates dans une situation professionnelle et familiale pour le moins inconfortable. Quand M. Fouad Turk était secrétaire général du Palais Bustros, il avait planché sur le dossier pour tenter de préserver à la fois la régularité de la tâche diplomatique et les droits légitimes des diplomates comme de leurs familles. Il avait initié un décret-loi portant le numéro 94 dont l’article 25 précisait que le mouvement de diplomates s’effectuerait chaque année au mois de mai pour s’étaler au maximum jusqu’à juillet. Sous le règne des titulaires des A.E. Elie Salem, Rachid Karamé et Sélim Hoss on a appliqué à la lettre ces dispositions, malgré la guerre. Mais par la suite l’on a annulé les décrets-lois de cette période, dont le 94 en question, ce qui a remis en vigueur la loi antérieure qui n’oblige pas le gouvernement à effectuer le mouvement diplomatique à une date déterminée de manière précise, bien qu’il soit tenu en principe de respecter des délais d’années de présence à l’étranger ou à l’administration centrale. De ce fait les fonctionnaires concernés ne savent plus trop sur quel pied danser, notamment par rapport à leurs conditions matérielles et à des questions familiales aussi importantes que l’inscription des enfants dans les écoles. Hors-cadre On s’en doute: ce n’est pas dans les quelques mois qui restent au présent régime et à l’actuel Cabinet qu’on va régler le problème. Et le prochain régime va se retrouver devant un dilemme: le nombre d’ambassadeurs en poste à l’administration centrale ne suffit plus pour assurer la relève du trop grand nombre d’ambassadeurs en poste à l’étranger dont le temps de service extérieur est terminé! Il va donc falloir recourir au droit que l’Exécutif a de nommer des hors-cadre à hauteur d’un quart des effectifs. Et cela va encore faire des jaloux et des crises entre partageurs… A noter qu’un autre problème de la diplomatie libanaise réside dans ces extravagantes nouvelles chancelleries créées par l’actuelle République. On a ainsi annoncé l’ouverture des «ambassades» suivantes: Taïwan, Corée, Paraguay, Hongrie, Pologne, Bahrein, Oman, Indonésie, Guinée, Afrique du Sud, Kazakhstan, Arménie, Malaisie. Elles coûtent des sommes folles au Trésor, alors que la plupart d’entre elles sont inutiles… et ne disposent en tout cas que d’un seul diplomate, juste chargé en somme d’ouvrir et de fermer les portes! Mais il y a bien d’autres ambassades ou consulats «anciens» qui eux aussi ne servent plus à grand-chose. Cela sans compter évidemment cette étrange pratique des «consulats honoraires»… Pour en revenir aux députés, trois d’entre eux proposent qu’on décrète la prorogation pour quatre ans de certains diplomates ou chefs de bureau en poste à l’étranger comme MM. Sélim Tabet, Sélim Tadmori, Mahmoud Hammoud, Makram Oueydate ou Nizar Farhat. Mais le ministre des Affaires étrangères s’y oppose en faisant valoir qu’une telle mesure doit être générale ou n’être pas, par principe d’équité. De plus une telle exception serait vite copiée sans doute pour les officiers supérieurs magistrats et les directeurs généraux des autres administrations publiques.
Il y a de ces maux bénins que l’on traîne durant des années sans leur accorder d’attention et qui un jour provoquent d’assez redoutables complications: le mouvement diplomatique en est un. Cela fait quatre ans en effet que les dirigeants sont en conflit à ce sujet. Et voilà que pour tout arranger une motion parlementaire propose de prolonger le temps de service à...