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Actualités - ANALYSE

Municipalités : après la liesse, les problèmes

Personne après les municipales n’est aussi content que les mohafez et les caïmacams: ils n’ont plus à gérer les centaines de localités qui avec le temps — et la guerre —, avaient perdu leurs édiles. Revoici donc les municipalités à pied d’œuvre. A cette nuance près, essentielle, qu’il leur faut des fonds pour fonctionner. «Elles vont prélever des taxes…», dit le ministre de l’Intérieur, comme pour faire regretter aux électeurs de s’être rendus aux urnes. Il ajoute que sur directives du chef de l’Etat et du président du Conseil, l’Etat va veiller à ristourner aux municipalités la part qui leur revient sur diverses autres taxes ou quittances comme l’électricité ou le téléphone. Ce qui signifie que cette part n’était pas mise de côté, pas épargnée pour le jour où les municipalités ressusciteraient comme l’aurait voulu la bonne règle comptable. Autrement dit, il y a là, au sens littéral du terme, un «détournement de fonds» ce qui pose la question des arriérés. La note doit être faramineuse. Mais il est probable que, dans l’émerveillement de leur renaissance, les municipalités ne vont pas trop insister pour récupérer tous leurs droits en recourant au Conseil d’Etat. L’autre problème principal est celui de la fameuse, de l’illusoire décentralisation prévue dans Taëf, assortie évidemment d’un redécoupage administratif et qui concerne au premier chef le développement rural autant qu’urbain. Sous la tête de chapitre «Décentralisation administrative», le pacte de 89 énumère les conditions et les dispositions suivantes: 1 — Le Liban est un Etat un et uni doté d’un pouvoir central fort. 2 — Les prérogatives des mohafez et des caïmacams seront élargies. Toutes les administrations auront des branches dans les régions pour faciliter le service des citoyens et répondre localement à leurs besoins. 3 — Le découpage administratif sera modifié de manière à assurer le brassage national dans le cadre de la coexistence, de l’unité de la terre, du peuple et des institutions. 4 — On adoptera, pour promouvoir la participation locale, un système de décentralisation administrative élargie au niveau des unités administratives réduites (le caza et en dessous) par le biais de l’élection d’un conseil départemental présidé par le caïmacam. 5 — Un plan de développement global couvrant l’ensemble du pays devra être élaboré, pour l’épanouissement socio-économique des diverses régions ainsi que pour l’accroissement des ressources des municipalités, simples ou unifiées ainsi que de leurs fédérations. Voilà donc pour les lignes générales. Quand on en vient aux multiples projets d’application des divergences surgissent. Et en tout cas on se rend vite compte que les moyens financiers ou concernant le personnel restent par trop limités pour mettre en place effectivement les bonnes résolutions de Taëf. Pour commencer on se demande dans quel sens on va pouvoir élargir les prérogatives des mohafez et des caïmacams à un moment où on installera dans les régions des branches de toutes les administrations ainsi que des conseils départementaux, ce qui réduira automatiquement le champ d’action des préfets et des sous-préfets en question. Du reste cette délocalisation des administrations, pour utile qu’elle soit au niveau des citoyens qui n’auraient plus à se déplacer, coûterait plus que le Trésor libanais n’a déjà de dettes, ce qui n’est pas peu dire. Sans compter qu’on ne saura pas comment établir et partager le budget de l’Etat. La décentralisation est en outre source de dilemme: la dislocation de l’administration entraîne celle du pouvoir politique en tant que tel dans un sens régionalisé qui peut avoir de furieuses ressemblances avec la cantonisation. L’équation est simple: devenue autonome au plan de la gestion des affaires politiques, chaque région est automatiquement tentée d’être également plus autonome sur le plan politique et c’en serait fait de «l’Etat un et uni doté d’un pouvoir central fort» dont parle Taëf. Pour un peu les conseils départementaux envisagés pourraient faire de l’ombre à la Chambre nationale des députés… De plus il est évident que les potentialités des régions n’étant pas égales, les différences entre elles vont s’aggraver au lieu de s’aplanir une fois la décentralisation administrative mise en place. Enfin, on ne voit pas trop non plus par quels coups de ciseaux magiques on pourra rediviser les régions administratives du pays de façon à mélanger partout les communautés, comme le recommande toujours Taëf quand il parle de «brassage national»…
Personne après les municipales n’est aussi content que les mohafez et les caïmacams: ils n’ont plus à gérer les centaines de localités qui avec le temps — et la guerre —, avaient perdu leurs édiles. Revoici donc les municipalités à pied d’œuvre. A cette nuance près, essentielle, qu’il leur faut des fonds pour fonctionner. «Elles vont prélever des taxes…», dit...