La coalition anti-intégriste coiffe au poteau le Hezbollah Les voix sunnites ont renversé la tendance à Baalbeck

Coup de théâtre hier matin à Baalbeck: alors que toutes les sources d’informations faisaient état, tard dans la nuit de dimanche à lundi, de la victoire de presque toute la liste du Hezbollah dans la ville, les opérations de dépouillement se sont achevées à l’aube sur un renversement total de tendance. C’est en définitive la vaste coalition des partis et courants politiques opposés au Hezbollah qui a pris le contrôle du conseil municipal de la localité de Baalbeck (formé de 21 membres), remportant seize sièges contre cinq au parti intégriste La coalition (Amal, «Baas» prosyrien, Parti syrien national social, Parti communiste, partisans de cheikh Sobhi Toufayli, chefs des grandes familles influentes, notamment sunnites) a en quelque sorte coiffé au poteau le Parti de Dieu. Jusqu’à une heure avancée de la nuit, dimanche, la liste du Hezbollah était nettement en tête, et tous les milieux locaux tenaient pour acquise la victoire des intégristes dans la ville. Peu avant 4 heures du matin, le décompte des voix de quatre urnes réservées aux sunnites a fait basculer la balance en faveur de la coalition. L’électorat de la localité de Baalbeck est formé de 60% de chiites, 30% de sunnites et 10% de chrétiens. L’écrasante majorité des électeurs sunnites et chrétiens ont voté en faveur de la liste opposée à celle du Hezbollah. C’est ce report massif des voix sunnites en faveur de la coalition qui a renversé la tendance au «dernier quart d’heure». Ce vote sélectif s’est d’ailleurs répercuté clairement au niveau du profil confessionnel du nouveau conseil municipal de Baalbeck. Ce dernier aurait dû regrouper 10 chiites, 8 sunnites et 3 chrétiens. Le scrutin de dimanche a abouti à l’élection de 10 sunnites, 9 chiites et 2 chrétiens. La répartition numérique des sièges entre chiites et sunnites a ainsi été inversée en faveur de ces derniers, en dépit du fait que la majorité de l’électorat est chiite et que Baalbeck est considérée comme l’une des principales villes chiites du pays. Dans ce contexte, il est particulièrement significatif de relever que sur les cinq candidats élus de la liste du Hezbollah, trois sont sunnites. Le «Parti de Dieu» a ainsi subi un sérieux revers dans la ville de Baalbeck, mais il a recueilli quand même un lot de consolation: l’écart de voix entre les deux listes concurrentes a été très réduit. Il s’est situé entre 8 voix seulement et 200 à 400 voix, dans la plupart des cas (le nombre de votants dans la ville a été de 13.028 sur 23.459 électeurs inscrits). L’écart maximum entre le candidat de la liste de coalition ayant obtenu le plus de voix (6667 voix) et le candidat élu de la liste du Hezbollah ayant obtenu le moins de voix (5711 voix) a été de 956 voix. La défaite du parti intégriste dans la localité de Baalbeck a été compensée par une série de succès enregistrés par le Parti de Dieu dans les deux cazas de Baalbeck et du Hermel. Le Hezbollah affirme sur ce plan qu’il a remporté 20 des 30 municipalités que comptent ces deux cazas. Ce bilan est évidemment contesté par le mouvement Amal qui souligne qu’il a réussi à prendre le contrôle d’une douzaine de municipalités dans la région en question. A Zahlé, les résultats officiels ont confirmé la victoire de la liste parrainée par le député Elie Skaff et M. Georges Hraoui, fils aîné du président Elias Hraoui. Les premiers résultats obtenus tard dans la nuit de dimanche laissaient prévoir, cependant, que seulement deux candidats de la liste loyaliste (soutenue par les ministres Nicolas Fattouche et Chawki Fakhoury et le député Khalil Hraoui) parviendraient à percer la liste Skaff. En définitive, le camp loyaliste a pu arracher cinq sièges sur les 21 que compte la municipalité de Zahlé. La victoire de M. Skaff n’a pas été pour autant moins éclatante. Le député de Zahlé a réussi ainsi à relever le défi et à consolider son leadership (et celui de sa famille politique) dans la capitale de la Békaa, face à l’influence du camp Hraoui. Et il est parvenu, surtout, à confirmer une tradition historique, à savoir qu’à Zahlé (la plus grande ville chrétienne d’Orient), le leadership demeure, en dépit de tout, grec-catholique.