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Actualités - REPORTAGE

Grandes batailles en perspective, demain, dans la capitale, à Saïda, Tyr et Nabatiyé La menace du panachage à Beyrouth envenime la fièvre électorale Vibrant appel de Hariri et de Dar el-Fatwa aux électeurs : préservez l'équilibre communautaire (photo)

Une véritable fièvre électorale s’est emparée de la capitale au cours des dernières quarante-huit heures. Une fièvre électorale que les Beyrouthins n’avaient pas connue depuis le scrutin législatif de 1972 (surtout dans le secteur Est de la capitale) et qui est appelée à s’accroître à quelques heures du scrutin municipal qui aura lieu demain, dimanche, en même temps que dans les deux mohafazats du Liban-Sud et de Nabatiyé. Cette troisième étape des élections municipales sera marquée par quatre grandes batailles: à Beyrouth, Saïda, Tyr et Nabatiyé. Dans la capitale du Liban-Sud, les deux listes qui croiseront le fer demain ont été proclamées hier. La première est soutenue par Mme Bahiya Hariri, député de Saïda et sœur du premier ministre, par la Jamaa islamya et par M. Nazih Bizri, ancien député de la ville. La seconde est appuyée par le député Moustapha Saad. Dans les autres régions du Sud, et plus particulièrement à Tyr et Nabatiyé, le scrutin prend l’allure d’un duel Amal-Hezbollah. Ce dernier schéma se retrouve dans de nombreuses localités du Sud, mais les alliances conclues par chacune de ces deux formations varient d’un cas à l’autre. A titre d’exemple, à Nabatiyé, le Hezbollah a conclu un accord avec les communistes et les partisans du président Kamel el-Assaad afin de faire face aux candidats d’Amal qui se sont alliés aux leaders traditionnels de la région. Par contre, dans la localité de Srifa, dans le caza de Tyr, les communistes et le courant du président Kamel el-Assaad se sont alliés au mouvement Amal. Dans la localité de Tyr, les communistes se sont associés plutôt au Hezbollah contre Amal qui a passé un accord avec les leaders traditionnels de la ville. Parallèlement à ce bras de fer Amal-Hezbollah, l’une des inconnues du scrutin municipal au Sud reste le paramètre de la représentation chrétienne, notamment dans les grandes villes (Saïda, Tyr et Nabatiyé). Dans ces trois localités, l’électorat chrétien constitue une minorité, mais, traditionnellement, les chrétiens sont représentés au sein des conseils municipaux. Après l’expérience de Tripoli — où la bataille serrée entre les candidats sunnites a abouti à une réduction de la représentation chrétienne à sa plus simple expression — la grande question est de savoir si la bataille électorale dans les trois localités susmentionnées débouchera sur une représentation des chrétiens au sein des conseils municipaux. Un premier indice est apparu sur ce plan à Nabatiyé: la liste loyaliste parrainée par le ministre Yassine Jaber, le député Abdellatif Zein et l’ancien député Anouar Sabbah ne comprend aucun candidat chrétien... Ce même problème de la représentation chrétienne dans les conseils municipaux des grandes agglomérations à majorité mahométane se pose également à Beyrouth. Théoriquement, le nombre de votants musulmans dans la capitale est de 190.000, contre 175.000 chrétiens. Mais en réalité, la proportion d’électeurs chrétiens est inférieure au chiffre indiqué en raison du fait qu’une partie d’entre eux résident ou travaillent à l’étranger. De sorte que l’obsession des milieux politiques est d’éviter que les électeurs mahométans n’entreprennent de biffer les noms de certains candidats chrétiens dans le but de favoriser et garantir l’élection du plus grand nombre possible de sunnites (comme ce fut le cas à Tripoli). Si ce panachage appréhendé par de nombreux milieux venait à se réaliser, Beyrouth serait alors dotée d’un conseil municipal totalement déséquilibré. C’est ce qui explique les efforts intensifs déployés au cours des dernières semaines (notamment par le biais de l’ancien ministre Fouad Boutros) afin de mettre sur pied une liste consensuelle comprenant 12 chrétiens et 12 musulmans. Ces démarches ont débouché sur la formation d’une liste de coalition politiquement hétéroclite mais qui reflète parfaitement le tissu socio-communautaire de la capitale (et du pays, en général). La liste consensuelle comprend un éventail très diversifié de courants politiques: Forces libanaises, Kataëb, Ligue maronite, Tachnag, personnalités indépendantes de Beyrouth-Est, Amal, Hezbollah, Jamaa islamiya, partisans du premier ministre Rafic Hariri et de M. Tammam Salam. C’est dans le but d’assurer un vote massif chrétien et musulman en faveur d’une liste équilibrée sur le plan confessionnel que les responsables ont tenu à associer à la liste consensuelle le plus grand nombre possible de fractions politiques qui soient réellement représentatives des deux secteurs de la capitale. Lors du scrutin de demain à Beyrouth, deux listes principales s’affronteront: la liste consensuelle susmentionnée, et une liste d’opposition soutenue par le député Najah Wakim et le courant «aouniste». Compte tenu de la composition de la première liste, la bataille paraît, d’emblée, inégale. Mais l’enjeu du scrutin de demain ne se situe pas au niveau de ce duel (inéquitable) entre ces deux listes. Il porte plutôt sur la proportion de la représentation chrétienne au sein du nouveau conseil municipal de Beyrouth. Sur ce plan, la partie est loin d’être jouée d’avance (en dépit de la vaste coalition mise en place grâce aux efforts de M. Boutros). De fait, au cours des dernières quarante-huit heures, des listes portant les noms de 24 candidats sunnites ont été distribuées dans plusieurs quartiers de Beyrouth-Ouest. C’est dans le but de couper court à un tel climat que les responsables ont mobilisé toutes leurs énergies afin d’assurer un vote massif en faveur de toute la liste consensuelle, sans exception. Alerté par la distribution à Beyrouth-Ouest de listes comportant les noms de 24 sunnites, le premier ministre s’est rendu hier soir à Dar el-Fatwa où il a conféré à ce propos avec le mufti de la République, cheikh Mohammed Rachid Kabani, en présence d’un grand nombre d’ulémas et de juges chériés. A sa sortie de Dar el-Fatwa, M. Hariri a indiqué qu’il avait discuté avec cheikh Kabbani et les dignitaires religieux présents de «tous les détails» en rapport avec le scrutin de Beyrouth. «Il a été convenu entre toutes les personnes présentes d’inviter les habitants de Beyrouth à voter d’une façon équilibrée afin de préserver la formule de coexistence, a notamment déclaré le chef du gouvernement. Cela a été décidé à l’unanimité par tous les ulémas et le mufti. Lors de son prêche du vendredi, le mufti avait adopté une telle attitude, mais cela a été convenu maintenant entre nous tous». Interrogé sur les campagnes menées en faveur d’un vote monochrome sur le plan confessionnel, M. Hariri a déclaré: «Cette campagne est menée soit par des fractions qui veulent porter préjudice au pays, soit par ceux qui sont bien intentionnés, mais qui ignorent le dessous des choses. J’ai voulu tenir cette réunion afin de dissiper les doutes et dans le but d’inviter toutes les personnes concernées à se conformer au partage confessionnel qui a été convenu». L’appel de Hariri De son côté, le mufti de la République a invité les électeurs de Beyrouth, musulmans et chrétiens, à voter en respectant l’équilibre confessionnel. «Le Liban n’appartient pas à une seule partie ou à une seule communauté», a notamment souligné cheikh Kabbani. En soirée, M. Hariri a lancé un vibrant appel aux électeurs de Beyrouth, les invitant à voter massivement de manière à préserver la coexistence et l’équilibre au sein du conseil municipal de Beyrouth. «L’équilibre, a notamment souligné le premier ministre, est l’un des fondements de l’identité et de la spécificité de Beyrouth. Nous sommes tous appelés à sauvegarder cet équilibre et à faire de la coexistence la pierre angulaire de notre bulletin de vote, dimanche. Celui qui s’abstient de voter et celui qui cherche à faire élire un conseil municipal monochrome ne font que saper l’unité de Beyrouth et son équilibre». Après s’être déclaré confiant que les Beyrouthins n’accepteront qu’un conseil municipal «équilibré, représentatif de toutes les fractions», M. Hariri a invité «les chrétiens et les musulmans de Beyrouth, les habitants d’Achrafieh, de Basta, de Mazraa et de Mousseitbé» à se rendre aux urnes en masse afin de faire élire un conseil municipal équilibré. A l’évidence, ce problème de la représentation chrétienne est jugé suffisamment sérieux et grave pour que le Hezbollah et la Jamaa islamiya soient contraints de publier hier des communiqués affirmant qu’ils avaient donné pour instruction à leurs partisans de voter pour toute la liste consensuelle. Sur ce plan, les responsables officiels se sont livrés à un véritable branle-bas pour obtenir un vote en faveur des 24 candidats de la liste consensuelle, sans exception. Il n’y a pas un seul responsable politique et un seul dignitaire religieux qui n’ait pas été mis à contribution pour éviter que les urnes ne donnent naissance à un conseil municipal monochrome, ou tout au moins déséquilibré. Quelle que soit l’issue du scrutin sur ce plan, une réalité s’impose: la campagne tous azimuts orchestrée par le pouvoir afin d’obtenir une représentation chrétienne équilibrée, ainsi que le véritable forcing auquel se sont livrés les responsables pour rassembler au sein d’une même liste un aussi large éventail de forces politiques disparates prouvent à eux seuls que la loi électorale en vigueur ne permet nullement de refléter équitablement la réalité du tissu social libanais. Les efforts intensifs déployés dans ce cadre par le pouvoir au cours des dernières semaines pourraient peut-être aboutir, en définitive, aux résultats escomptés. Mais ce n’est sûrement pas à chaque scrutin qu’il sera possible d’opérer un telle mobilisation politique et médiatique généralisée afin de sauvegarder les impératifs de l’équilibre confessionnel. Le forcing sans précédent effectué par les dirigeants pour éviter un déséquilibre dans la capitale illustre à lui seul la nécessité d’une refonte de la loi électorale et d’un nouveau découpage de la circonscription de Beyrouth. M.T.
Une véritable fièvre électorale s’est emparée de la capitale au cours des dernières quarante-huit heures. Une fièvre électorale que les Beyrouthins n’avaient pas connue depuis le scrutin législatif de 1972 (surtout dans le secteur Est de la capitale) et qui est appelée à s’accroître à quelques heures du scrutin municipal qui aura lieu demain, dimanche, en même temps...