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Actualités - REPORTAGE

Candidat des FL sur la liste consensuelle de Beyrouth Joe Sarkis : un mariage de raison pour préserver la représentation chrétienne (photo)

Si du fond de sa cellule à Yarzé, Samir Geagea pouvait voir le bureau électoral de ses partisans à Tabaris, il ne pourrait que se sentir heureux. Des dizaines de jeunes gens s’y pressent en permanence, venus spontanément offrir leurs services. Le commandant Fouad Malek, en tournée dans le coin, est d’ailleurs accueilli par des applaudissements et des «Vive le hakim!». Après des années de «profil bas», les partisans des FL sont heureux de pouvoir s’exprimer de nouveau au grand jour. Peu leur importe que ce soit avec la bénédiction du même pouvoir qui, il y a quatre ans, décidait de dissoudre leur parti. Les jeunes ne se posent pas de questions. Ils se contentent de saisir l’occasion qui leur est fournie. Leur candidat, Joe Sarkis, est, lui, un peu plus circonspect. Faute de place, l’entretien se déroule à la cuisine et les interruptions répétées des jeunes gens ne lui coupent nullement le fil de ses idées. L’allure rassurante d’un cadre supérieur, M. Joe Sarkis est avant tout soucieux de dépolitiser le scrutin municipal. Selon lui, il s’agit seulement de travailler pour le développement d’une ville dans laquelle il est né et où il a toujours vécu. M. Sarkis estime que les FL se sont lancées dans la bataille pour préserver la représentation chrétienne et leur participation ne signifie nullement qu’elles ne sont plus dans l’opposition. Ancien membre du bureau politique des Kataëb, Joe Sarkis affirme avoir épousé la doctrine des FL depuis longtemps. Ingénieur civil (il est l’un des directeurs de la société «Al Mabani»), il s’intéresse depuis longtemps à l’urbanisme et aux projets de développement. Lorsqu’il a été question d’organiser le scrutin municipal, il aurait voulu se présenter, mais il attendait la décision du courant auquel il est affilié pour prendre sa décision. Les FL ont ensuite décidé de mener la bataille dans toutes les régions du Liban et il a senti qu’il aurait une chance. D’autant que la formation avait participé aux élections de l’Ordre des ingénieurs, dont il est membre. Selon lui, les FL ont senti qu’il n’y avait pas d’obstacle politique à leur participation à cette consultation populaire. Elles ont alors décidé de nommer Joe Sarkis comme leur représentant, car sa candidature remplissait les critères exigés: un niveau culturel acceptable, une disponibilité pour le travail public et une connaissance des questions d’aménagement urbain. L’appel de Boutros M. Sarkis raconte ensuite les différentes étapes qui ont précédé la formation de la liste consensuelle. Selon lui, tout a commencé lorsque l’ancien ministre Fouad Boutros a lancé un appel aux forces politiques des régions chrétiennes, ainsi qu’aux notables et aux autorités religieuses afin qu’ils participent au scrutin municipal. L’ancien ministre aurait même déclaré avoir obtenu la possibilité de laisser les chrétiens choisir leurs représentants au conseil municipal, les musulmans, regroupés autour du président du Conseil, en faisant de même. Toujours selon M. Sarkis, M. Boutros aurait encouragé les FL à se lancer dans la bataille «pour sauvegarder la coexistence communautaire au sein de la capitale». Et M. Boutros aurait assuré qu’il y a de la place pour tout le monde sans exception, au sein du conseil municipal. Selon M. Sarkis, l’appel de l’ancien ministre s’adressait aussi bien aux FL qu’au courant aouniste, au PNL et à toutes les autres formations chrétiennes. L’écueil de l’acceptation des candidatures de personnes affiliées à des partis ayant été surmonté, les FL ont pu nommer leur représentant. Selon M. Sarkis, les 9 chrétiens, ainsi que les 3 arméniens sur la liste consensuelle ont été choisis par des chrétiens sans aucune interférence des musulmans. Pour lui, c’est là que se situe l’acquis. «Si nous avions refusé de participer, M. Hariri, ou l’autre partie, aurait désigné les candidats chrétiens». Pourquoi n’avoir pas fait ce raisonnement lors des élections législatives de 1992? «Les élections législatives sont différentes. Il s’agit d’un enjeu politique, alors que les municipales sont centrées sur les questions de développement. Si nous sommes élus et si nous voyons que la situation se politise, nous nous retirerons». A Beyrouth, pourtant, la bataille des municipales a un caractère politique prononcé. M. Sarkis pense qu’il ne faut pas voir les choses ainsi. «Nous autres, nous voulions assurer une bonne représentation chrétienne et finalement, les autres composantes ont reconnu que nous étions représentatifs». Les FL — et lui en particulier — font désormais partie d’une coalition assez hétéroclite. Comment explique-t-il le fait de siéger aux côtés du représentant du Hezbollah ou de celui de la Jamaa islamiya? «Comme les autres parties ont accepté que nous représentions les chrétiens, nous devons accepter les représentants des musulmans. De toute façon, il s’agit d’un mariage de raison. C’est une simple alliance électorale». Comment explique-t-il le fait que les FL s’allient au représentant du pouvoir qui a mis Samir Geagea en prison? «Nous sommes conscients de cette réalité, mais les FL ne voulaient pas laisser passer cette occasion de participer au développement de Beyrouth». Dans l’opposition En acceptant de faire partie de la liste appuyée par le président du conseil, les FL n’ont-elles pas abandonné l’opposition? «Non, répond fermement M. Sarkis. Nous sommes toujours dans l’opposition. D’autant que notre chef est en prison. Mais, dans cette affaire, nous voyons les choses sous l’angle suivant: à Beyrouth, il y a deux entités qui sont condamnées à vivre ensemble. Nous voulons qu’elles puissent le faire librement. D’où l’idée de participer à la bataille. Nous avons voulu le faire aux côtés du président Hoss, mais il a préféré rester neutre. Nous avons alors contacté M. Tammam Salam, mais il a choisi de s’allier à M. Hariri. Même le Hezbollah et la Jamaa islamiya ont rejoint sa liste. Nous avons donc suivi le mouvement». Pourquoi n’avoir pas essayé de s’allier à la liste opposante? «Nous avons essayé. Mais franchement, nous n’avons pas beaucoup de points communs avec M. Najah Wakim». Les FL en ont-elles plus avec le président du Conseil? «Notre principal objectif était d’assurer une bonne représentation des chrétiens au sein du conseil municipal. Nous avons fait nos calculs politiques et électoraux. N’oubliez pas que la situation des FL est délicate et qu’il nous faut être prudents. La vérité est que le président du Conseil a accepté notre participation, sans nous demander de modifier nos idéaux. Nous luttons toujours pour les mêmes principes et avec la candidature de Joe Sarkis, ce sont les FL en tant qu’entité, qui intégrent la liste appuyée par M. Hariri». Ne craint-il pas que son nom soit biffé par les islamistes hostiles à l’idée de faire partie d’une liste de coalition avec les FL? M. Sarkis profite de cette question pour lancer un appel aux Beyrouthins, et plus particulièrement aux chrétiens d’entre eux afin d’éviter le panachage. «Nous croyons à la coexistence, dit-il, sinon nous n’aurions pas fait partie de la liste de coalition. Nous aurions formé la nôtre. Même si les musulmans biffent les candidats chrétiens, nous ne devons pas leur rendre la réciproque. Car même si nous ne sommes pas élus, nous aurons gagné en crédibilité». Il insiste sur ce point, appelant les chrétiens désireux de faire des panachages à respecter l’équilibre confessionnel dans leur choix. «S’il n’y a pas de chrétiens élus, c’est tout le Liban qui perdra. Car si un tel déséquilibre peut à la limite être digéré à Tripoli, il aura de très graves répercussions à Beyrouth». M. Sarkis affirme en conclusion sa confiance dans les Beyrouthins, qui, selon lui, sauront faire le bon choix.
Si du fond de sa cellule à Yarzé, Samir Geagea pouvait voir le bureau électoral de ses partisans à Tabaris, il ne pourrait que se sentir heureux. Des dizaines de jeunes gens s’y pressent en permanence, venus spontanément offrir leurs services. Le commandant Fouad Malek, en tournée dans le coin, est d’ailleurs accueilli par des applaudissements et des «Vive le hakim!»....