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Actualités - CHRONOLOGIE

Chewing-Gums et kilomètres pour payer son marché à Sarajevo

L’arrivée d’une nouvelle monnaie n’inquiète guère Sarajevo, habitué à jongler entre quatre devises, à faire l’appoint en chewing-gums, et déjà prêt à payer «en kilomètres». Le «kilomètre», détourné à la sarajevienne avant même d’entrer en circulation, c’est le KM, ou konvertibilna marka (mark convertible), ou tout simplement marka, comme son grand frère allemand, la monnaie de référence en Europe de l’Est. Le marka est le petit dernier de la communauté internationale, qui s’évertue à reconstruire une Bosnie unifiée sur les décombres, y compris financiers. Les premiers billets, imprimés en France, ont été livrés cette semaine, et devraient entrer en circulation, simultanément dans les zones musulmanes, serbes et croates, vers le 15 juin. Des coupures communes pour une monnaie commune, cela aurait été trop espérer dans un pays où les résistances nationalistes restent vives. Faute d’accord entre les trois communautés, les experts étrangers ont dû se résoudre à imprimer deux séries de billets, identiques en format et couleurs, mais pas en effigies. Et la mention «Banque centrale de Bosnie-Herzégovine» apparaît en alphabets cyrillique et latin, dans un ordre différent selon l’entité, serbe ou croato-musulmane. Quoi qu’il en soit, «le KM vaut de l’or», affirme la Banque centrale, qui lance la semaine prochaine une campagne d’affiches et de spots télévisés pour en convaincre la population. L’atout de la banque (gouvernée par un étranger, le Néo-Zélandais Peter Nicholl), c’est que le nouveau mark sera à parité avec le deutschmark, et convertible, comme son nom l’indique, dans la prestigieuse devise allemande. «Nous espérons que la valeur du KM sera en elle-même une incitation», explique le porte-parole de la banque, Chris Simon. Côté musulmans Les cartes de crédit sont encore quasi-inexistantes en Bosnie. Les transactions se font essentiellement en liquide, et les Bosniaques, méfiants, gardent leurs économies dans leur poche. La banque s’attend-elle à un chaos lors du changement de monnaie? «Non, nous pensons que les difficultés seront réduites au minimum», répond Chris Simon. Qui admet quand même: «Il faudra un moment pour convaincre certains des plus durs qui resteront loyaux à leur monnaie nationale. Nous espérons que cela ne sera l’affaire que de quelques mois». Aucune date limite n’a encore été fixée pour l’opération. Côté musulmans, ce sera le plus facile. Les dinars bosniaques, la monnaie légale garantie par les réserves de l’ancienne Banque centrale de Bosnie, seront échangés sans frais contre les nouveaux markas. Le plus tôt sera le mieux d’ailleurs: on n’imprime plus de dinars neufs depuis trois ans, les billets sont en général en lambeaux, crasseux, rafistolés au ruban adhésif, et quand manquent les plus petites coupures, les commerçants rendent la monnaie en chewing-gums. Mais le dinar bosniaque s’arrête aux frontières des zones serbe et croate, où l’on préfère la devise des pays-frères voisins, le dinar yougoslave ou la kuna croate, que ne reconnaît pas la Banque centrale: Serbes et Croates de Bosnie devront d’abord changer leur monnaie en marks allemands, pour pouvoir acheter les nouveaux marks. «Nous ne croyons pas que le KM va éliminer le dinar yougoslave et la kuna. Mais si vous faites du commerce avec un collègue de Mostar (croate) et que vous êtes de Bijeljina (serbe), vous ne pouvez pas le payer en dinars yougoslaves et il ne peut pas vous payer en kunas», souligne Chris Simon. D’où l’intérêt du nouveau mark pour les échanges entre entités. Mais pour cela, les Bosniaques utilisent déjà le mark allemand. Vont-ils le remplacer par le KM? C’est le pari de la Banque centrale, même si, reconnaît son porte-parole, «nous ne nous attendons pas à ce que les transactions en deutschmarks disparaissent complètement». (AFP)
L’arrivée d’une nouvelle monnaie n’inquiète guère Sarajevo, habitué à jongler entre quatre devises, à faire l’appoint en chewing-gums, et déjà prêt à payer «en kilomètres». Le «kilomètre», détourné à la sarajevienne avant même d’entrer en circulation, c’est le KM, ou konvertibilna marka (mark convertible), ou tout simplement marka, comme son grand frère...