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Actualités - ANALYSE

La micro-politique l'emporte ...

A première vue, ces municipales sont un véritable casse-tête chinois n’obéissant à aucun fil conducteur. La grande politique, si jamais il y en eut dans ce pays, en est totalement absente, remplacée par la micro-politique du hameau, du village, du quartier. Autrement dit par la cuisine des familles et parfois, plus rarement, des confessions là où la population est panachée. Une miniaturisation qui prend corps au grand dam, il faut le dire, d’une opposition radicale qui rêvait de faire de ce scrutin un match avec le pouvoir et qui en est pour ses frais. D’autant que pour l’occasion les leaderships résidents ou expatriés s’étaient résolus sinon à reconnaître Taëf, qu’ils contestent, du moins à s’impliquer dans les mécanismes que le système met lui-même en place. Autrement dit, après avoir boycotté les législatives en 92 puis en 98, les radicaux avaient décidé de ne pas bouder les municipales. Ils y voyaient l’occasion d’effectuer une démonstration de force sans trop craindre une fraude ou des pressions abusives bien plus difficiles à huis clos que dans les élections de députés. Et ils s’aperçoivent mais un peu tard que sauf dans quelques localités, les gens ne suivent pas des mots d’ordre «idéologiques» et se soucient peu de savoir si tel candidat est loyaliste ou opposant, pour n’écouter que la voix du clan, de la famille ou de l’intérêt particulier le plus prosaïque et le plus immédiat. On votera pour le frère, pour l’ami personnel ou pour celui qui promet de faire passer un chemin juste derrière la maison… Bien entendu, les loyalistes en sont fort aises pour leur part. «Notre première victoire, dit un ministre, c’est que les boycotteurs regagnent le giron de la République en faisant pratiquement allégeance à l’ordre établi. Participer aux municipales c’est faire acte de citoyenneté. Ce qui signifie en clair qu’on reconnaît la légitimité autant que la légalité du pouvoir en place et de toutes les institutions, Chambre comprise. Désormais les radicaux, s’ils veulent être conséquents avec eux-mêmes, ne peuvent plus dire que les députés ne représentent que leur personne, du moment qu’eux-mêmes vont élire des édiles, se soumettre donc au verdict des urnes de notre Etat et à sa Constitution». C’est aller vite en besogne et, faible compensation pour son désappointement, le caractère finalement apolitique des municipales exempte par lui-même l’opposition de l’obligation de boycottage ou d’admettre reconnaître le système. Il n’empêche qu’elle se sera lancée dans la bataille pratiquement pour rien car ce n’est pas sur le plan qu’elle souhaitait que s’engage la lutte. Sa décision de participation reste cependant une bonne chose, dans la mesure où elle offre aux administrés un plus large choix d’édiles et de compétences pour une éventuelle saine gestion des agglomérations. «C’est bien pourquoi, indique un opposant, on peut voir que finalement nous n’avons pas dressé de listes composées uniquement des nôtres et que nous côtoyons volontiers des indépendants ou même des loyalistes. Car nous devons reconnaître que le premier but des municipales n’est pas de servir un quelconque idéal politique, mais le quotidien pratique des gens et le développement des cités. Il faut donc dans les conseils municipaux des techniciens, des gestionnaires avertis plutôt que des Machiavel». On se justifie comme on peut, à la manière du renard de la fable qui disait des raisins qu’il ne pouvait atteindre «ils sont trop verts»… En réalité, dans beaucoup de cas, les tentatives de coordination et d’unification des listes effectuées par les partis radicaux de l’Est ont achoppé sur les spécificités locales, les rivalités de clans ou de familles, les innombrables ou contre-veto individuels. A tel point que lorsque, découragés, certains opposants ont voulu favoriser des ententes avec des pôles soutenus par M. Rafic Hariri, cela leur a été impossible parce qu’on leur reprochait de tourner casaque! Par contre, les Kataëb officiels n’ont pas eu de mal à s’entendre dans certains villages avec les communistes ou même avec le PPS, qu’on appelle maintenant PSNS, leurs ennemis héréditaires. Ils se sont alliés dans le Metn contre le courant Murr. Un autre épiphénomène, qui explique en partie le rush, est que beaucoup de trentenaires ou de quadragénaires, qui n’ont pas connu les élections de 1963, cherchent à accéder à la notabilité en décrochant un siège d’édile. Mais ainsi gonflée de candidats et réduite à la dimension des mini-collectivités, la compétition n’en est que plus tendue et complexe. Des bras de fer inexorables semblent devoir s’engager dans nombre de contrées, souvent entre cousins. Les gens, comme le souligne le député Chaker Abousleiman, sont mobilisés à fond. Il reste à savoir s’il n’y a pas, par endroits, des frictions à craindre sur le terrain…
A première vue, ces municipales sont un véritable casse-tête chinois n’obéissant à aucun fil conducteur. La grande politique, si jamais il y en eut dans ce pays, en est totalement absente, remplacée par la micro-politique du hameau, du village, du quartier. Autrement dit par la cuisine des familles et parfois, plus rarement, des confessions là où la population est panachée....