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Actualités - ANALYSE

Les municipales : une joyeuse kermesse, n'était la tension ...

De mémoire d’homme — et il en faut car la dernière édition remonte à 1963 —, on n’a vu éclore aux municipales une telle profusion de candidatures, ni régner une telle confusion dans la formation des listes, la gestation des alliances. Une mère n’y retrouverait pas ses petits et, pour le moment, bien malin est celui qui peut distinguer dans ce magma informe un quelconque fil conducteur politique. En effet, opposants et loyalistes se mélangent allègrement dans un melting pot où l’on voit plus souvent un taëfiste se dresser contre un autre prosyrien que contre un irréductible indépendantiste et vice versa… Un trait de dépolitisation encore plus accentué au niveau des «moukhtaryates» où la compétition est de nature strictement individuelle. Sollicitant ses souvenirs, un vétéran relève de la sorte que, «par le passé, l’osmose entre partis, clans, députés et leaderships régionaux était très forte et colorait presque entièrement de politique ce genre de scrutin dans les différents mohafazats. Les résultats faisaient nettement apparaître dans chaque district la victoire d’un courant sur un autre, des contestataires sur les progouvernementaux ou l’inverse. Les frontières étaient en effet bien tracées, la bipolarisation souveraine et chacun devait rejoindre un camp déterminé, les noyautages étant rares. On était Destour ou BN, chamounien ou joumblattiste, Kataëb ou PPS, Assaad ou Zein, Solh ou Salam, Skaff ou Aboukhater et ainsi de suite. Dans chaque concentration urbaine comme dans le moindre hameau, on assistait à un duel simple, non au catch à quatre ou à cinq qu’on nous prépare aujourd’hui. Les formations politiques pouvaient compter sur la discipline de leurs adhérents ou de leurs sympathisants et les «zaamates» locales étaient le plus souvent en mesure d’arbitrer par un compromis les conflits d’intérêt ou de prestige qui pouvaient se déclarer au sein même des familles. Ainsi, les listes restaient politiquement lisibles et homogènes dans tout le pays. Aujourd’hui, elles se forment sur base d’alliances tout à fait hétéroclites, purement conjoncturelles et qui tiennent peu compte des liens antérieurs. D’anciens partenaires deviennent brusquement rivaux et l’on assiste inversement à de surprenants rabibochages entre des adversaires traditionnels. Les couleurs les plus criardes se télescopent et rien ne compte plus que les clivages purement intérieurs entre clans ou au cœur même des familles. C’est la micro-cuisine en plein. Souvent assaisonnée, il faut le dire, d’un confessionnalisme assez primaire». Décadence «On peut en déduire, poursuit cette personnalité, que les guerres domestiques ont bel et bien miné le potentiel des partis et des leaderships dont les forces se sont affaiblies en s’éparpillant, du fait notamment des déplacements de populations. Les nouvelles figures de proue n’ont pas, pour leur part, la même emprise sur les familles car les critères qui ont présidé à leur émergence n’ont évidemment rien à voir avec ceux qui prévalaient jadis et qui se fondaient, si on veut, sur une sorte de notabilité régionale, pour ne pas dire de féodalisme». «Partant de là, note encore cet ancien, on enregistre au Mont-Liban une pléthore de postulants dont très peu se réclament d’une quelconque idéologie, le facteur familial, dans son sens le plus restreint, prenant de toute évidence le pas sur toute autre considération. Il n’y aurait pas eu une telle affluence de candidatures si les partis, les courants ou les caïds avaient gardé assez d’influence pour arbitrer. Et il n’y aurait pas eu ces alliances de bric et de broc malheureusement basées dans plusieurs cas sur des fanatismes exacerbés, claniques ou confessionnels. Ce que l’on observe là, c’est un processus de dislocation, d’éclatement d’une société qui semble oublier que sa nature composite l’oblige au compromis et au consensus. Un phénomène inquiétant à long terme. Et qui pour le moment profite bien plus à un pouvoir qui est en position de canaliser nombre de listes, par le simple jeu des moyens multiples de contrôle ou de séduction dont il dispose, qu’à une opposition qui finalement n’arrive pas à engager vraiment la bataille. Cela , faute de partis bien organisés, dotés de machines électorales à la hauteur et faute aussi de leaders charismatiques bien présents sur la scène». Un point de vue qui fait peu de cas visiblement de la «coordination» ordonnée par les radicaux de l’Est mais qui se justifie par le fait qu’au stade actuel on ne voit pas trop sur les listes les effets d’une telle orientation. Force est en effet de relever les constats suivants: — L’opposition n’a pas constitué, sauf dans de rares zones, de listes unifiées face au pouvoir ou au système. — Nombre de ses membres se retrouvent de la sorte englués dans des listes dites de coalition où ils sont indifféremment en majorité ou en minorité. — Plusieurs partis, prenant acte de l’impossibilité d’aller à la bataille en rangs unis ou voulant éviter des heurts, ont décidé de laisser la liberté de choix à leurs adhérents et de ne pas leur donner de consignes de vote. Une course aussi ouverte ne peut certes qu’être source de tensions multiples. Il faut cependant espérer que tout se passe bien et qu’une fois la fièvre électorale retombée, on constate qu’après tout des municipales sans ferment politique c’est peut-être mieux car les élus devront répondre de leur gestion sans pouvoir s’abriter derrière une quelconque couverture…
De mémoire d’homme — et il en faut car la dernière édition remonte à 1963 —, on n’a vu éclore aux municipales une telle profusion de candidatures, ni régner une telle confusion dans la formation des listes, la gestation des alliances. Une mère n’y retrouverait pas ses petits et, pour le moment, bien malin est celui qui peut distinguer dans ce magma informe un...