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Actualités - REPORTAGE

Archéologie - Des dizaines de strates à Kamed El-Loz La longue histoire de Kumidi(photos)

Kamed el-Loz. Békaa ouest, contre le flanc du Mont Hermon (Jabal el-Cheikh). En pleine plaine. Voie de passage obligée, du Nord au Sud, pour les légions romaines. Mais, bien avant, dans l’autre sens, pour les armées pharaoniques. C’est d’ailleurs là que l’on retrouve des traces concrètes de la présence des Égyptiens au Liban. Les vestiges de cette Kumidi dont parlent les lettres des archives d’Aménophis IV à Amarna d’Égypte. Kamed el-Loz est devenu un tell. C’est-à-dire un tumulus. Une colline artificielle qui sert de mausolée. Pour un roi. Ou pour toute une cité. Comme c’est le cas. Les Allemands, grands archéologues devant l’Éternel – Troie et… Baalbeck en témoignent – se sont précipités sur le site. Dès 1963. Ils y étaient encore récemment. Non sans interruptions, guerre oblige. Tout d’abord sous la direction de A. Kuschke. Ensuite sous celle de Rolf Hachmann de l’université de Saarland qui, en 1966, reçoit de la Direction générale des antiquités (DGA) l’autorisation d’entreprendre l’exploration du site, sur 6 000 mètres carrés. Il y travaillera jusqu’en 1982, date à laquelle les fouilles seront interrompues. Elles seront reprises en 1996, par le Pr Marlies Heins qui dirige la mission allemande de l’université de Fribourg. Il découvre alors un site mis sens dessus dessous par les fouilleurs clandestins. «Entreprendre la prospection des lieux» et «étudier ce qui peut être sauvé» seront les «objectifs immédiats des travaux de M. Heins et de la Direction générale des antiquités», indique Tania Zaven, déléguée de la DGA auprès de la mission allemande. En 1997, la mission établit un plan de travail pour cinq semaines: «nettoyage des remblais; dégagement des couches archéologiques pour retrouver les points cardinaux de Rolf Hachmann, qui avait fouillé la période romaine et était arrivé aux couches de l’Âge du bronze», signale Mlle Zaven. Elle ajoute qu’en septembre dernier, Marlies Heins et son équipe ont étudié la poterie, «nécessaire pour reconstituer l’histoire du site. Mais aucun rapport n’a été encore publié à ce sujet», dit-elle. Les nombreuses explorations menées de 1963 à nos jours ont fait le point sur les différentes phases de peuplement du tell. En gros, les fouilles de Kamed el-Loz ont dégagé sous un cimetière moderne des couches d’habitations des époques hellénistique, romaine et byzantine. Autour de ces habitations, se trouvaient des nécropoles des périodes byzantine, romaine, hellénistique et perse. À 3 kilomètres à l’ouest du tell, sur les pentes d’un rocher nommé «el-Jebéli», les excavations ont mis au jour le cimetière de la ville de l’Âge du bronze ancien. L’emplacement des tombes de l’Âge du fer ancien reste inconnu. Certaines sources signalent «des trouvailles datant du Chalcolithique». Mais aussi, «des vestiges d’un habitat néolithique» retrouvés sur le tell voisin d’«el-Kroum». Un temple de 600 mètres carrés La ville du Bronze moyen comprenait un palais et un temple. Entourée d’un mur de fortifications, elle se distingue par l’étendue et la qualité de ses constructions. Les matériaux utilisés sont les pierres de taille, les briques d’argile et le pisé. On y note l’emploi du bois de chêne et de cèdre pour les revêtements muraux. Le palais, endommagé par les bâtiments postérieurs, se situe directement au-dessous de celui du Bronze récent. Témoignant ainsi de la continuité de l’occupation. Au nord du palais, le temple du Bronze moyen a été découvert sous une succession de temples du Bronze récent. Il occupe une superficie de plus de 600 mètres carrés. Il a été également détruit, et les liaisons entre le saint des saints et les pièces qui l’entourent ne sont pas encore clairement établies. Tombeau royal Le temple du Bronze récent a la vedette. Il se composait de deux cours adjacentes, dallées de briques crues et entourées de pièces plus petites. Un autel et trois bassins de sacrifice en briques crépies à la chaux occupaient la cour ouest. Appuyé contre le mur ouest se trouvait le saint des saints, un petit bâtiment à deux pièces dont la première servait à enterrer les objets sacrés hors d’usage. Dans la deuxième pièce était placée la statue du culte. Deux colonnes en bois ornaient un autel en brique. Quelques objets découverts dans le temple sont présentés à l’«Institut du monde arabe» (Ima), dans le cadre de l’exposition «Liban, l’autre rive». Parmi ces objets, une superbe statuette en ivoire figurant, peut-être, une divinité. Le palais du Bronze récent, qui ouvrait par un portail monumental, a été modifié plusieurs fois. Composé de nombreux pavillons, le complexe du palais a été diminué vers la fin du Bronze récent. Dans le hall d’entrée, un escalier menait à un étage supérieur où se trouvaient les pièces à fonction administrative… Le tombeau royal a été découvert à l’est du palais. Il comprend deux chambres à «demi-enterrées». Dans la première se trouvaient les traces d’un squelette masculin ayant à ses côtés un enfant. Dans la deuxième pièce, un autre enfant était enseveli. Ces trois personnes ont été inhumées avec un mobilier funéraire luxueux, dont une sélection est présentée à l’Ima, (objets en ivoire, vaisselle en albâtre et en verre…). Les objets précieux, retrouvés dans les temples mais surtout dans la tombe princière, donnent une idée du luxe dans lequel vivaient les élites des petites cités du début du Bronze récent. Céramique mycénienne et chypriote, vases de pierres d’origine ou d’inspiration égyptienne, éléments de mobiliers en ivoire, bijouterie de facture locale d’après des modèles syro-mésopotamiens … Atelier sidérurgique À l’est du palais et du tombeau royal – séparé par un mur – se trouvait une zone d’ateliers où on travaillait les matières vitreuses (verre et fritte) mais aussi le bronze, le cuivre, et l’étain. On y forgeait également le fer. «C’est donc le plus ancien atelier sidérurgique connu». Par ailleurs, les bâtiments du Bronze récent, dégagés sur une superficie de plus de 3 800 mètres carrés, étaient construits en pierres de taille et en briques crues de qualité moindre que celle du Bronze moyen. Les seuils, les poutres ainsi que les chaînages étaient en bois de chêne et de cèdre. Il semble qu’après la destruction de la dernière phase du Bronze récent, le tell de Kamed el-Loz est resté inhabité pendant un certain temps. Il est à signaler, par ailleurs, que l’occupation de l’Âge du fer ancien a commencé vers 1100 avant J.C. et s’est terminé durant le IXe siècle avant J.C. Les constructions de cette période étaient en bois. On utilisait rarement ou en petite quantité les pierres de taille et les briques. L’installation, constituée de maisons de plan rectangulaire à une ou deux pièces, est de caractère rural. Elle n’était certainement pas fortifiée. Quant au mobilier retrouvé, il est stéréotypé et pauvre. Contrairement à l’Âge du bronze, les témoignages attestant des relations culturelles avec l’Égypte, la Palestine et la Syrie sont absents. Les sources Les données sur Kamed el-Loz ont été recueillies auprès de Tania Zaven (DGA) qui a participé aussi aux dernières fouilles. Ainsi que dans les ouvrages suivants: L’archéologie au Liban de Nina Jidéjian ; Les ivoires phéniciennes de Fady Stéphan ; Liban, l’autre rive de l’Ima ; un spécial Liban dans Le monde de la Bible... Les ivoires Une grande quantité d’objets en ivoire a été trouvée à Kamed el-Loz ; des statuettes aux figures humaines, des objets aux formes animalières (bouquetin, sauterelle, canard, tête d’oiseau...), des boîtes, des cuillères, des disques en forme de bouton, des jeux de dame... Ils sont datables du 14e siècle av. J.C. et rivalisent en beauté avec ceux de Meggido ou d’Ugarit qui leur seraient à peu près contemporains.
Kamed el-Loz. Békaa ouest, contre le flanc du Mont Hermon (Jabal el-Cheikh). En pleine plaine. Voie de passage obligée, du Nord au Sud, pour les légions romaines. Mais, bien avant, dans l’autre sens, pour les armées pharaoniques. C’est d’ailleurs là que l’on retrouve des traces concrètes de la présence des Égyptiens au Liban. Les vestiges de cette Kumidi dont parlent...