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Actualités - CHRONOLOGIE

Tabbarah passe la main à Chaoul De l'autosuffisance à l'indépendance, la route est encore longue pour la magistrature

Si les six dernières années ont été consacrées à améliorer les conditions de vie des magistrats, la nouvelle ère qui a commencé hier est placée sous le signe de la consolidation de leur indépendance. C’est du moins ainsi qu’a défini sa mission le nouveau ministre de la Justice Joseph Chaoul. Et l’homme qui est depuis huit ans le président du Conseil d’État, représentant souvent pour les fonctionnaires injustement traités et pour les citoyens en général l’ultime rempart du droit et de la justice, sait de quoi il parle. Magistrat de carrière, il connaît les problèmes de ce pouvoir reconnu par la Constitution, mais non par tous les responsables politiques. «La route est encore longue», déclare toutefois le nouveau ministre en rendant hommage à son prédécesseur Bahige Tabbarah, qui, à défaut de sceaux, lui remet les clés du ministère. Courtois et digne jusqu’au bout, Bahige Tabbarah a quitté hier les bureaux du ministère de la Justice qu’il a occupés pendant six ans, en compagnie des deux seuls conseillers qu’il avait nommés. Par discrétion, il réduit au minimum son discours d’adieu, renonçant à énumérer les réalisations de son mandat. C’est donc son successeur, Joseph Chaoul, qui le fait, rappelant que grâce aux efforts de Tabbarah, la situation matérielle des magistrats est devenue décente, à travers une échelle des salaires, indépendante de celle des autres fonctionnaires, une mutuelle active et des crédits d’habitat assez importants. Tabbarah précise toutefois que lorsqu’il s’est installé dans le bureau du ministre de la Justice, le toit était une passoire et les sièges branlants. «C’est dire le désenchantement et le laisser-aller qui régnaient au sein de la magistrature» dit-il. Marginalisée, oubliée, ses locaux détruits ou occupés, celle-ci n’avait rien à voir avec ce troisième pouvoir reconnu par la Constitution. Aujourd’hui, les palais de justice ont été réaménagés sur l’ensemble du territoire et les tribunaux fonctionnent à plein rendement même s’ils ne répondent pas encore aux besoins de la population en raison du manque de magistrats. Respectueuse de la liberté d’opinion En dépit de toutes ces réalisations, Tabbarah s’en va avec un certain regret, car il n’a pas pu régler deux problèmes qui lui tiennent à cœur : réglementer l’action de la police judiciaire et réorganiser la direction des prisons au sein du ministère de la Justice, en prélude à la prise en charge de l’administration des prisons par une autorité spécialisée. C’est donc un vif souhait qu’il transmet à son successeur. Le regard perçant derrière ses sourcils broussailleux, Joseph Chaoul écoute attentivement. Il connaît bien Tabbarah qui a été son professeur à la Faculté de droit de l’USJ, puis ministre de la Justice alors qu’il était président du Conseil d’État. À cause de leurs charges respectives, les deux hommes se rencontraient régulièrement et s’ils n’étaient pas toujours d’accord, leurs conflits ne faisaient jamais la une des journaux, tous deux étant discrets et respectueux de la liberté d’opinion. Homme intègre à la limite de l’intransigeance, Joseph Chaoul n’a jamais écouté que sa conscience et les arrêts du Conseil d’État sous son mandat reflètent sa personnalité. On se souvient de son arrêt condamnant la décision du Conseil des ministres d’imposer une censure préalable sur les médias audiovisuels. On se souvient aussi de cet autre arrêt dans lequel il a considéré illégale la décision de l’ancien président du Conseil, Rafic Hariri de bloquer la promotion du brigadier Jamil Sayed. Chaoul s’est pratiquement opposé à tous les abus d’un pouvoir exécutif souvent tentaculaire, que ce soit dans les épurations administratives injustifiées, ramenant ainsi à leurs fonctions de nombreux fonctionnaires abusivement licenciés, ou dans les élections municipales où il a invalidé l’élection de nombreux membres des conseils municipaux ou encore dans la nomination de directeurs ou de conseillers sans respect des règles en vigueur. Bref, dans la justice administrative, Chaoul s’était imposé comme une garantie du respect de la loi et des droits des individus. Aujourd’hui, c’est à lui que revient la mission de faire de la justice un véritable pouvoir. «Le magistrat n’est pas un fonctionnaire», dit-il dans sa brève allocution. Et comme il parle peu, chaque mot a sa signification. Devant les fonctionnaires du ministère et certains magistrats, il ne fait pas de promesses extraordinaires et n’utilise pas des slogans ronflants. «J’entends rendre la magistrature indépendante», déclare-t-il simplement. Et pour la première fois depuis très longtemps, on a l’impression que cela pourrait devenir une réalité.
Si les six dernières années ont été consacrées à améliorer les conditions de vie des magistrats, la nouvelle ère qui a commencé hier est placée sous le signe de la consolidation de leur indépendance. C’est du moins ainsi qu’a défini sa mission le nouveau ministre de la Justice Joseph Chaoul. Et l’homme qui est depuis huit ans le président du Conseil d’État,...