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Actualités - ANALYSE

Transparence

Les Libanais connaissaient Émile Lahoud le général, homme intègre et discipliné. Hier, ils ont découvert un président qui possède une vision, exprimée clairement. Derrière chaque mot, une idée. Émile Lahoud a visiblement compris que ce n’est pas par le verbiage que l’on construit un pays, mais avec des options bien arrêtées. Et ceux qui attendaient le programme du président avant de se prononcer sont servis; avec un peu de retard, il est vrai. Beaucoup auraient préféré, en effet, connaître à l’avance les orientations d’Émile Lahoud dans des domaines où il n’a pas encore été testé. Car s’il a fait ses preuves en tant que réorganisateur de l’armée, on sait peu de choses de ses convictions économiques et sociales. En l’absence d’un programme électoral public, certains ont essayé, en fouillant son passé familial et en investiguant sur ses neuf années à la tête de la Grande Muette, de deviner ses sensibilités économiques et sociales. Suivra-t-il la voie tracée par son père, surnommé le «général rouge» en raison de ses sympathies pour les ouvriers? Ministre du Travail et des Affaires sociales en 1964, Jamil Lahoud n’avait pas hésité à légaliser un grand nombre de syndicats proches de la gauche – à une époque où la gauche était assimilée à l’Union soviétique – et avait été l’un des initiateurs du projet de la Caisse nationale de sécurité sociale. Émile Lahoud aussi avait placé en tête de ses préoccupations la nécessité d’améliorer la situation économique et sociale des militaires. Couverture médicale, bourses scolaires, caisse spéciale pour les familles les plus démunies, le commandant en chef de l’armée avait compris qu’un soldat affamé ne peut accomplir convenablement son devoir. Réalise-t-il qu’un citoyen dans le besoin est forcément, aussi, un «mauvais» citoyen? On serait tenté de répondre par l’affirmative, au vu du discours d’investiture dans lequel les dimensions économiques et sociales figurent en tête des préoccupations. «Les gens et en particulier les jeunes, dit-il, souhaitent que l’on s’occupe de l’éducation, de la santé et des problèmes socio-économiques et écologiques». D’emblée, le président place son mandat sous le signe de la transparence. Transparence économique dans un pays où la dette publique atteint 17 milliards de dollars. «Les chiffres officiels ne sont pas un secret d’État (…). Les gens ont le droit de savoir comment sont dépensées les recettes des impôts», dit-il. Transparence administrative, dans un État miné par la corruption : «(Les gens) veulent une administration où les services sont achetés par l’impôt et non pas par l’impôt et la corruption». Transparence aussi au niveau de la gestion des biens publics. «(Les gens) ont le droit de savoir comment sont accordées les adjudications et exécutés les projets», souligne le chef de l’État. Il fait part par ailleurs de son intention de soumettre à un contrôle préalable – ce qui n’est pas le cas actuellement – les multiples caisses (Déplacés, Conseil du Sud, CDR…) qui engloutissent des milliards. Émile Lahoud va encore plus loin en insistant sur la nécessité de lutter, par tous les moyens, contre la pauvreté : «Il n’est pas permis que la pauvreté soit un obstacle à l’enseignement (…) et empêche de se faire soigner et d’obtenir un travail». Mais le point le plus important développé par le président demeure sa vision de la politique fiscale, diamétralement opposée à celle de l’équipe au pouvoir depuis six ans. Pour Émile Lahoud, le gros des recettes du Trésor doit provenir de l’impôt sur le revenu, et non pas de l’impôt indirect qui met sur un pied d’égalité les riches et les pauvres. «(Les gens) ont droit à une politique fiscale juste et équilibrée, proportionnelle à la fortune, de sorte que les pauvres ne paient pas à la place des riches», souligne-t-il. Sans le dire explicitement, le président semble être favorable à l’impôt progressif. Transparence, lutte contre la pauvreté, impôts proportionnels à la fortune, ces mesures devraient logiquement redonner espoir à une classe moyenne exsangue et meurtrie, mais qui joue un rôle primordial dans la stabilité de la société. Reste à savoir sur quelles forces politiques et sociales Émile Lahoud compte s’appuyer pour appliquer son programme.
Les Libanais connaissaient Émile Lahoud le général, homme intègre et discipliné. Hier, ils ont découvert un président qui possède une vision, exprimée clairement. Derrière chaque mot, une idée. Émile Lahoud a visiblement compris que ce n’est pas par le verbiage que l’on construit un pays, mais avec des options bien arrêtées. Et ceux qui attendaient le programme du...