Quarante ans après la création de la Communauté européenne, les dirigeants européens vont lancer officiellement l’euro, la monnaie unique européenne, lors d’un sommet historique le 2 mai à Bruxelles. Mais le blocage persistant sur le nom du premier président de la Banque centrale européenne (BCE), qui a son siège à Francfort, jette de sérieux doutes sur le succès de ce sommet et préoccupe chaque jour davantage les milieux européens. La BCE, qui entre en fonction le 1er juillet prochain, aura la tâche capitale de gérer l’euro au jour le jour, après son lancement le 1er janvier 1999 et de veiller en permanence à la stabilité des prix, garant d’un euro stable. A la veille du sommet, aucun compromis sur le nom du premier président de la BCE n’est en vue. «La situation apparaît totalement bloquée avec la menace d’un double veto de la part des Pays-Bas et de la France pour leurs candidats respectifs Wim Duisenberg et Jean-Claude Trichet» indique un diplomate européen. L’Allemagne estime que l’actuel président de l’Institut monétaire européen (IME), le Néerlandais Wim Duisenberg, 62 ans, soutenu par les pays du Benelux et Bonn, doit devenir le premier président de la BCE pour huit ans, à partir du 1er juillet prochain. L’autre candidat déclaré, soutenu par la France, est Jean-Claude Trichet, 55 ans, l’actuel gouverneur de la Banque de France. Paris souhaite un partage du mandat entre les deux candidats, M. Trichet succédant, au bout de trois à quatre ans, à Wim Duisenberg. «Il est évident qu’un déballage des divergences sur la place publique, lors du sommet du 2 mai, devant près de 4.000 journalistes nuirait fortement à la crédibilité de l’euro» a estimé un haut responsable de la Commission. Un report de la décision sur le président de la BCE n’est donc plus exclu même par La Haye pour ménager les Pays-Bas qui ont des élections législatives le 6 mai. Pour le reste, le scénario de ces journées historiques de Bruxelles est réglé d’avance: le 1er mai au soir, les ministres européens des Finances vont recommander officiellement la qualification de onze pays de l’UE pour lancer l’euro le 1er janvier 1999. Monnaie refuge L’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, l’Espagne, le Finlande, la France, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas et le Portugal ont été sélectionnés le 25 mars par la Commission européenne, car ces onze pays satisfont aux critères économiques de Maastricht pour passer à la monnaie unique. Parmi les quatre pays de l’UE non sélectionnés par la Commission, la Grande-Bretagne et le Danemark ont fait savoir qu’ils ne voulaient pas participer à l’euro dès 1999, tandis que la Suède ne respecte pas le critère de l’appartenance pendant deux ans au Système monétaire européen (SME) et ne veut pas participer pour l’instant à la monnaie unique. La Grèce ne remplit pas encore plusieurs critères, dont celui du déficit public (limité à 3% du produit intérieur brut) et de l’inflation. Athènes a annoncé son intention de rejoindre l’euro à partir de 2001. La zone euro, qui rassemblera 290 millions de personnes dans onze pays européens, représentera 19,4% de la production mondiale — un tout petit peu moins que la part des Etats-Unis — et 18,6% du commercial mondial global. Samedi 2 mai, les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE, réunis lors d’un sommet exceptionnel porteront solennellement l’euro sur les fonts baptismaux. Ils annonceront officiellement que onze pays européens démarreront la monnaie unique, le 1er janvier 1999. Samedi soir, les ministres européens des Finances fixeront par anticipation les taux de changes bilatéraux entre les monnaies de la zone euro qui seront appliqués à partir du 1er janvier 1999. Ils retiendront probablement les actuels taux centraux de ces monnaies dans le SME. En revanche, il faudra attendre le 31 décembre 1998 au soir pour connaître la valeur des différentes monnaies par rapport à l’euro. A partir du 1er janvier 1999, les taux de change bilatéraux et la valeur des monnaies nationales par rapport à l’euro seront donc irrévocablement fixés et ne pourront plus être modifiés. L’euro sera alors coté quotidiennement par rapport au dollar et au yen, les deux autres grandes monnaies mondiales, et au franc suisse, la monnaie-refuge. (AFP)