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Actualités - ANALYSE

Les projets de Baabda laissés au régime suivant ...

Il a été décidé au sommet de Lattaquié de ranger dans le placard tous les sujets de discorde. Partant de quoi, le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, annonce qu’il laisse à son successeur le soin de mener à bien le projet de mariage civil, ayant pour sa part «semé le grain» qu’un jour il verrait bourgeonner. Dans le même sens, pour respecter les engagements conciliatoires pris à Lattaquié, il précise qu’il laisse de côté les réformes constitutionnelles qu’il réclame, bien que l’expérience lui en ait amplement démontré la nécessité. Il n’empêche que, sans s’arrêter à la contradiction, M. Hraoui va encore plus loin, beaucoup plus loin même, sur la voie de la contestation institutionnelle, en proposant l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel, ce qui révolutionnerait complètement le système et en ferait un régime présidentiel. Sur le plan pratique, cependant, et sans même tenir compte du rejet de cette idée par la majorité des instances politiques du pays, il est évident qu’on ne saurait l’appliquer dès la prochaine échéance présidentielle qui intervient dans six petits mois. Un autre projet laissé donc aux bons soins du successeur, M. Hraoui pouvant ensuite, à partir de l’influence dont il continuerait à jouir, mener campagne activement pour ses thèses. Il se dit convaincu quant à lui que le maintien des trois présidences aux maronites, aux chiites et aux sunnites empêche la création d’un Etat central fort et qu’il faut plutôt faire abstraction de l’élément confessionnel pour confier les rênes aux éléments les plus capables, les plus compétents du pays. Indépendamment du legs hraouiste—qui entrera ou non en ligne de compte, tout dépendant de l’héritier—, le prochain régime va se retrouver avec une liste accablante de problèmes: — Pour commencer…l’application de Taëf! En effet, neuf ans après sa conclusion, cet accord-clé reste lettre morte sur beaucoup de points essentiels comme le redéploiement syrien, l’abolition du confessionnalisme politique, la mise sur pied d’un Conseil économique et social, la refonte du manuel scolaire, le retour des réfugiés, la décentralisation administrative, la création d’un siège spécial pour le Conseil des ministres… — Pour continuer…,la correction de Taëf! A la pratique, trop de failles, également essentielles, sont en effet apparues. Il s’agira dans ce cadre d’instituer d’abord une loi électorale qui soit la même pour tous et qui assure aux Libanais une saine représentation législative. Il faudra ensuite rectifier des dérapages comme la question des délais imposés à la présidence de la République et non aux ministres; ou encore pallier de graves omissions comme le fait que la Constitution ne dit pas ce qu’il faut faire quand le chef de l’Etat et le premier ministre pressenti ne tombent pas d’accord sur la formation d’un nouveau gouvernement… Les partis — Il y aurait ensuite à élaborer un nouveau code des partis en vue de renforcer la coexistence et de promouvoir la déconfessionnalisation politique en favorisant les partis à vocation nationale aux dépens des partis à caractère communautaire. — On devrait par ailleurs fabriquer une nouvelle loi des naturalisations en tentant de corriger là aussi les méfaits flagrants du décret discriminatoire de 1994. — Sur le plan du développement économique et social, il faudrait justement établir un plan d’ensemble basé sur des études sérieuses, assurant l’essor harmonieux des régions. — On aurait d’autre part, après l’éventuel retrait israélien, à assurer la dissolution des milices qui subsistent encore. — Dès la mise sur pied du premier gouvernement du nouveau régime, on devrait veiller à refusionner les ministères que la présente République a multipliés d’une façon visiblement inutile et onéreuse. Même procédure à suivre pour les services de sécurité qui ont été créés ces dernières années et qui ne se sont illustrés que par leurs bévues comme l’affaire de l’Armée rouge japonaise ou l’exécution d’un inculpé dans le scandale des timbres fiscaux. — Le sujet le plus complexe et le plus vital à traiter serait celui de la crise socio-économico-financière. Cela implique tout d’abord l’épuration et la réhabilitation de l’Administration, la lutte également contre la corruption des mœurs politiques, puis l’élaboration d’une stratégie assainissant les finances publiques tout en permettant aux Libanais de profiter de la croissance, en veillant notamment à les protéger de la concurrence étrangère, etc. Le prochain régime aura donc du pain sur la planche. Et il sera peut-être nécessaire, pour pouvoir traiter l’ensemble des problèmes, de changer de système, comme le recommande M. Hraoui, mais peut-être pas en adoptant l’élection du président de la République au suffrage universel. On note, en effet, que si des personnalités comme les présidents Nabih Berry et Sélim Hoss se disent également favorables à un système unicéphale, beaucoup pensent que les rênes devraient être tenus par le président du Conseil et par nul autre. Le débat paraît en tout cas prématuré. Et c’est ce que relève notamment le vice-président de la Chambre, M. Elie Ferzli, pour qui, dans l’état actuel des choses et des mentalités, «réclamer l’abolition du confessionnalisme politique serait dangereux car cela reviendrait à vouloir frapper la formule libanaise», sous-entendu, de coexistence pacifique. M. Ferzli ajoute: «Le souffle confessionnel qui règne encore n’autorise pas la suppression du système politique. Abolition qui en pratique d’ailleurs ne ferait que substituer l’hégémonie d’une communauté par la domination d’une autre». Il ajoute en substance que, personnellement, il est contre toute tentative d’attribuer la présidence de la République à un autre qu’à un maronite «pour deux raisons: — D’abord parce que le but, tout à fait tactique, de la prétendue abolition du confessionnalisme serait uniquement de permettre à un non-maronite d’accéder à la présidence, ce qui mettrait la communauté maronite en état de légitime défense face à une manœuvre qui n’a rien d’innocent. — Ensuite parce que le pays n’y trouverait pas son intérêt. En effet, celui-ci serait effectivement que l’on porte les communautés à servir la nation et non l’inverse. Ce qui signifie qu’il faut promouvoir la coexistence dans ses apports positifs pour tous. Or il est évident que le rôle de trait d’union entre l’Orient et l’ Occident, si nécessaire pour le Liban et si profitable à toutes les parties, ne peut être assumé que par la présence chrétienne, la présence à la tête de l’Etat d’un visage maronite. Ce n’est que lorsque les Libanais auront jeté aux orties leurs attachements confessionnels au profit du seul intérêt de l’Etat-nation que l’on pourra abolir le confessionnalisme politique», estime, toujours en substance, M. Ferzli.
Il a été décidé au sommet de Lattaquié de ranger dans le placard tous les sujets de discorde. Partant de quoi, le chef de l’Etat, M. Elias Hraoui, annonce qu’il laisse à son successeur le soin de mener à bien le projet de mariage civil, ayant pour sa part «semé le grain» qu’un jour il verrait bourgeonner. Dans le même sens, pour respecter les engagements...