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Actualités - CHRONOLOGIE

La commission parlementaire des droits de l'homme presse le gouvernement de s'attaquer au dossier des prisons

Des mesures urgentes doivent être prises, sinon pour réformer le système pénitentiaire au Liban, du moins pour améliorer autant que possible les conditions de vie des détenus: la commission parlementaire des droits de l’homme en est consciente, mais faute de pouvoir prendre elle-même ce genre de mesures, elle en a proposé l’adoption au Conseil des ministres. La commission, que préside le député Michel Moussa, a voté hier, après un débat auquel ont également pris part M. Georges Assaf, représentant l’ordre des avocats, et M. Ibrahim Abdallah, une série de recommandations reprenant presque intégralement les propositions du ministre de l’Intérieur, M. Michel Murr, sur l’amélioration des conditions de détention dans les geôles libanaises. Les six points qu’elle propose sont de nature à assurer un règlement provisoire du problème d’organisation des centres pénitenciers en attendant une solution radicale ou plutôt une réforme générale. Pour la commission, l’important n’est pas de savoir de quel département étatique dépendra la réaménagement et la gestion des prisons libanaises, mais de rendre les centres de détention simplement vivables, même pour des criminels. Elle réalise que le principal obstacle à une réforme du système pénitencier est d’ordre financer: M. Murr qui a d’ailleurs assisté à la réunion s’est chargé d’exposer dans le détail aux députés les multiples aspects du problème des prisons, qui, selon lui, peut être résolu dès que les fonds nécessaires pour cela seront assurés. Mais le problème est que l’Etat n’a pas d’argent. Et si certaines recommandations de la commission ne coûteront pas un sou à l’Etat, d’autres, par contre, devront l’obliger à délier sa bourse. Ce que les parlementaires réunis souhaitent, c’est que l’article 108 de la loi sur les prisons soit mis en vigueur. Le texte en question stipule que les responsables d’un centre pénitencier peuvent, le 15 juin et le 15 décembre de chaque année, proposer qu’un prisonnier soit relâché ou que sa peine soit réduite après avoir attesté de sa bonne conduite. Les parlementaires réclament aussi qu’une année de prison soit de 9 et non pas de 12 mois, ce qui est le cas en Occident. Ils expriment le souhait que les procureurs généraux et les juges d’instruction se dépêchent de clore les dossiers des personnes aux arrêts et demandent qu’on s’occupe de l’état de santé et des problèmes sociaux des détenus. Pour cela, ils réclament qu’une somme d’argent soit déboursée en vue d’un réaménagement «rapide» des prisons et demandent que des sessions de formation soient régulièrement organisées pour les geôliers. Les députés souhaitent aussi une dynamisation de l’inspection. «Pour une solution radicale» En vue d’un règlement radical, ils préconisent le vote de la loi-programme élaborée par M. Murr pour le réaménagement des prisons, ainsi que la formation pour la gestion des prisons d’un organisme indépendant qui sera présidé par un juge. Cet organisme devra être formé de représentants des FSI, de l’armée, des ministères de la Santé, des Affaires sociales, de l’Enseignement technique et professionnel, de l’Education, des ONG et de l’ordre des avocats. M. Moussa, qui a annoncé les recommandations adoptées, a précisé que cet organisme, qui ne dépendra donc ni du ministère de l’Intérieur ni de celui de la Justice, pourra solliciter l’aide de spécialistes occidentaux, notamment pour élaborer un projet de loi sur la gestion des prisons et pour déterminer la phase de transition entre l’ancienne et la nouvelle direction. La commission a ainsi repris à son compte les propositions de M. Murr au gouvernement. Le ministre a distribué aux députés un rapport sur la situation dans les prisons et un autre sur ses propositions en vue d’un règlement rapide quoique provisoire. Au sujet des conditions de détention, M. Murr cite huit défaillances: il met l’accent sur le problème de surpopulation dans des cellules «construites pour accueillir 10 prisonniers chacune et où non moins de 30 détenus sont entassés». M. Murr donne l’exemple de la prison de Roumié, édifiée à la fin des années 60 pour accueillir 1200 prisonniers dans ses deux ailes, à raison de 600 détenus par bâtiment. «Mais les deux ailes destinées l’une aux personnes aux arrêts et l’autre à celles qui ont été jugées abritent aujourd’hui chacune en moyenne 1700 prisonniers», écrit-il en insistant ensuite sur le fait que les soins médicaux ne sont pas régulièrement assurés aux personnes incarcérées. «Roumié possède son propre dispensaire où un généraliste et deux dentistes opèrent durant l’horaire officiel, ce qui fait qu’ils ne peuvent pas soigner ce grand nombre de détenus. Les autres prisons n’ont pas leur propre médecin et se contentent de la visite hebdomadaire d’un médecin des FSI qui soigne les malades sans s’occuper de prévention», relève le ministre qui met aussi l’accent sur l’insuffisance de l’assistance sociale assurée aux détenus. «Des êtres humains» M. Murr, qui insiste sur le point selon lequel les prisonniers doivent être traités comme des êtres humains, déplore l’absence d’un programme d’enseignement des détenus, ce genre d’activités étant réservé aux délinquants. Il regrette aussi l’absence de bibliothèques, d’ateliers suffisamment équipés, de salles de loisirs et de gymnastique et d’équipements électroniques de contrôle. Dans le même rapport, il explique le système de gestion et de contrôle des prisons, assuré en tout par 1000 agents des FSI dont les salaires et les indemnités annuelles se chiffrent à quelque 12 milliards de livres. Quant aux frais de soins médicaux, d’alimentation et de contrôle des ateliers, ils s’élèvent à 6 milliards de livres, précise-t-il. Pour ce qui est de l’autorité en charge de la gestion des prisons, M. Murr rappelle que la loi de 1990 sur la réorganisation des prisons stipule que les FSI continueront de gérer les centres d’incarcération jusqu’à ce que la direction des prisons relevant du ministère de la Justice prenne le relais. Il fait ensuite remarquer que le projet de décret d’organisation de la direction des prisons présenté par le ministère de la Justice précise notamment qu’il appartient au Conseil des ministres, sur base d’une proposition des ministres de l’Intérieur et de la Justice, de définir les étapes durant lesquelles les prérogatives concernant la gestion des prisons passeront du ministère de l’Intérieur à celui de la Justice. M. Murr relève que le ministère n’a pas déterminé le nombre du personnel qui sera affecté aux prisons mais a prévu 45 employés entre directeur, comptable, rédacteur et huissier. «Pour que, théoriquement, on puisse dire que la gestion des centres de détention est passée au ministère de la Justice, mais en pratique elle restera avec les FSI, donc avec le ministère de l’Intérieur», explique M. Murr. S’il exprime des réserves sur ce point, précise-t-il plus loin, c’est parce que c’est la responsabilité de son département qui sera retenue au cas où un officier commettrait une erreur ou une infraction quelconque. Au terme de la réunion, le ministre, qui a proposé la formation d’un organisme indépendant de gestion, a déclaré à la presse qu’il faut au moins quatre ans pour former un nouveau personnel administratif, en insistant sur le point selon lequel un changement de direction n’est pas suffisant pour résoudre le problème posé. Toujours dans son rapport, il expose ses propositions de solution et le coût de chaque projet: 20 millions de dollars pour la construction de deux ailes supplémentaires de prison à Roumié, l’édification de deux prisons de femmes et de deux maisons de redressement à Zahlé et à Saïda, ainsi que deux prisons ordinaires pouvant accueillir chacune 500 détenus; 10 millions de dollars pour la restauration et le réaménagement de l’ensemble des geôles libanaises; 6 millions de dollars pour la construction d’usines et d’ateliers dans les centres d’incarcération; 10 millions de dollars pour l’équipement des cellules, des cuisines, des salles à manger et des dispensaires; 5 millions de dollars pour les équipements électroniques; 4 millions de dollars pour les équipements pédagogiques et un million de dollars pour le recrutement d’un nombre supplémentaire de médecins, d’assistantes sociales et d’enseignants. Il rappelle qu’après avoir sollicité du gouvernement les fonds nécessaires au réaménagement des prisons, il a soumis le 7 mai dernier au Parlement une loi-programme d’une valeur globale de 80 milliards de livres répartis sur 4 ans, à raison de 20 milliards de livres par an, à compter de 1996. «Mais jusqu’aujourd’hui, ces sommes n’ont pas été assurées et la loi-programme n’a pas été votée», ajoute-t-il. A la presse, M. Murr a déclaré aussi qu’il est possible pour l’heure de diminuer le nombre des détenus à Roumié en rapatriant les 90 étrangers arrêtés pour entrée illicite au Liban. «Il est certain que leur rapatriement à bord d’un bateau nous coûtera moins cher que les frais de leur détention à Roumié», note-t-il, avant d’expliquer que l’article 108 de la loi sur les prisons est en vigueur et ne commande pas l’approbation préalable du Conseil des ministres. «Nous avons déjà adressé des notes aux responsables des prisons pour qu’ils nous envoient avant le 30 mai les dossiers de chaque prisonnier dont la conduite est jugée irréprochable et à notre tour, nous les enverrons avant le 15 juin au ministère de la Justice», a-t-il dit.
Des mesures urgentes doivent être prises, sinon pour réformer le système pénitentiaire au Liban, du moins pour améliorer autant que possible les conditions de vie des détenus: la commission parlementaire des droits de l’homme en est consciente, mais faute de pouvoir prendre elle-même ce genre de mesures, elle en a proposé l’adoption au Conseil des ministres. La commission,...