Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Les amours impossibles

Des «amours impossibles», pourquoi? Serait-ce là le procès d’une vie qu’auraient marquée les choix assumés, ou bien le destin de la femme que trace Myra Prince dans son surprenant recueil de poèmes qui vient de paraître? La lecture de ces poèmes remarquables nous situe, d’emblée, dans un monde clos auquel l’auteur cherche en vain à échapper. Qu’est-ce qui donne, en fait, son sens à la vie et à notre raison de vivre si ce n’est l’émergence d’amours réussies. L’auteur nous livre, d’entrée de jeu, les tourments de l’amour maternel: le plus naturel et le plus profond par le double jeu de l’âme et du corps. Et pourtant, la tendresse même «incessante» «éclate», et la mère a hâte que sa paupière se «repose». Egarée par ce que nécessite cet amour, elle finit par «oublier d’être» et même «d’avoir». Prise dans la dualité de ce sentiment, elle avoue à son enfant: «Ma soif est plus amère de solitude lorsque tes petites mains ne dessinent plus mes joues». Belle image et combien naturelle, mais qui laisse cependant la mère vieille face à ses «déceptions d’adulte» et à l’infirmité d’un monde trompeur et hostile. Les «nostalgies grandies» tout comme les «chagrins intellectuels» n’arrangent guère ces déceptions dès le départ ressenties. Dans toutes ses dimensions l’amour est échec. Par un ultime effort, Myra Prince tente d’ajuster les étrangers fragments d’une perception cosmique pour déblayer «les cailloux» qui entravent sa marche vers la joie, mais en vain. Elle achoppe toujours à je ne sais quelle profonde mélancolie d’être. «A leur bûcher de larmes j’ai fondu mes espoirs», écrit-elle; et de la lutte, il me reste: «Un ciel morose et vide pendu à mes deux mains». Si la magie du verbe facilite au poète l’accès au monde de la rêverie, Myra Prince s’y essaiera rien que pour retrouver dans l’imaginaire quelqu’épave de salut. Mais son exploration faite, elle nous rapporte, là encore, sa déception. «J’accouche de tous les rêves avortés en silence». Puis toute révoltée contre la vanité même du pari engagé au départ, elle s’écrie désespérée: «Pourquoi folie d’amour tu te drapes d’ennui»? C’est par delà ces amours vidées de toute la confiance qu’on y a mise, que surgissent associées, les images de la naissance et de la mort de blanc vêtues. «La vie est un voyage, un fleuve, un arbre, «Un astre migrateur un envol, un cri «Le drap blanc du berceau et celui du linceul «De la nuée d’étoiles à la poudre de riz». Sans doute serait-il injuste de soustraire totalement le monde que Myra Prince construit à toute lueur d’espérance. Dans l’un de ses poèmes intitulé «soeurette», deux vers retiennent l’attention qui chantent la beauté associée à la musique, même si la flûte du joueur fait défaut. Cette musique, ce sens poussé du rythme qui porte parfois l’auteur à titiller l’ampleur de l’alexandrin, confère à son écriture poétique une rare vigueur. Certains vers, rappelle par leur facture Paul Valéry; d’autres et en particulier «Apocalypse Amour» nous situent pleinement dans l’univers visionnaire d’un Rimbaud. En voici quelques vers: «J’ai vu des serpents noirs «Grimper des vagues vertes «Et des cactus sans noms «Fleurir des cathédrales ........................... «Des cieux jaunes et violets «Ramasser des étoiles!» Je suis persuadé, à la lecture de ce premier recueil, qu’un poète de trempe nous est né. Prétendre reconstruire son monde propre c’est peut-être tomber à côté ou le trahir. Mais qu’importe, le lecteur est tenu de décrypter l’œuvre une fois publiée. Ce que j’ai fait. Dans les années quarante, le Professeur Georges Cohen interprétait à la Sorbonne en présence de P. Valéry, le «Cimetière Marin». A la fin de la conférence Valéry remercie vivement le critique littéraire et lui dit: «Georges vous m’avez fait découvrir dans mon poème des choses auxquelles je n’ai jamais pensé, merci !»
Des «amours impossibles», pourquoi? Serait-ce là le procès d’une vie qu’auraient marquée les choix assumés, ou bien le destin de la femme que trace Myra Prince dans son surprenant recueil de poèmes qui vient de paraître? La lecture de ces poèmes remarquables nous situe, d’emblée, dans un monde clos auquel l’auteur cherche en vain à échapper. Qu’est-ce qui donne,...