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Actualités - REPORTAGE

Justice - Pour la seconde fois, la cour entend l'ancien numéro 2 des FL pendant six heures Pakradouni accuse Touma d'avoir assassiné Karamé pour le compte d'Israël

Le procureur général Adnane Addoum et Me Bassam Dayé de la partie civile ont mis les nerfs du témoin Karim Pakradouni à rude épreuve hier. Mais l’ex-numéro 2 des FL et actuel avocat de la défense dans le procès de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rachid Karamé en a vu d’autres. S’il ne s’est pas démonté face aux questions aussi variées que précises, il s’est quand même impatienté à certains moments et à mesure qu’il s’échauffait, ses collègues défenseurs de Samir Geagea retenaient leur souffle. L’ancien chef des FL, qui avait décidé récemment de participer activement aux audiences, a repris pour la circonstance son ancien boycott des questions et l’ancien bâtonnier Issam Karam (lui aussi avocat de Geagea) en a oublié de lancer ses inusables plaisanteries. Karim Pakradouni est-il un témoin, un avocat de la défense ou un inculpé ? À entendre les questions du procureur et celles de la partie civile, ainsi que ses propres réponses, il était difficile de le savoir hier, tant cet homme complexe peut endosser en même temps des rôles différents et lancer une bombe après l’autre comme s’il s’agissait de banalités. Au cours de l’audience précédente, il avait affirmé qu’un rapport établi par les services de sécurité des FL avait accusé les Palestiniens d’être les auteurs de l’assassinat de Rachid Karamé, le 1er juin 1987, après l’abrogation de l’accord du Caire le 21 mai 1987. Il avait aussi affirmé, et il l’a répété, hier, qu’il avait ajouté foi à ce rapport, car il lui «avait paru plausible et donc acceptable». Mais interrogé par la cour, il précise que Rachid Karamé avait démissionné le 4 ou le 5 mai… La cour lui demande ensuite si les Palestiniens avaient accès à la région de Halate pour pouvoir actionner le dispositif ou même pour placer la charge dans l’hélicoptère à bord duquel se trouvait Karamé. Pakradouni répond qu’à l’époque, certains rapports disaient que l’hélicoptère avait été piégé à Tripoli, la charge ayant été placée dans les bagages du Premier ministre. Addoum et Dayé se chargent alors de lui rappeler qu’il a été établi que la charge explosive a été placée dans le dossier du siège de Karamé, à Adma. Me Pakradouni rétorque que rien de tel n’est définitivement établi avant le jugement final de la cour et qu’il développera ce point dans sa plaidoirie. Il ajoute qu’il n’y avait certainement pas de Palestiniens à Halate à l’époque. «S’ils y étaient, ç’aurait été à la suite d’une opération d’infiltration ou d’une action secrète des services de renseignements». Le procureur lui demande si l’hélicoptère tout entier n’aurait pas sauté au cas où l’explosif aurait été placé avec les bagages, et Pakradouni rappelle qu’à l’époque, les journaux avaient dit que seul un miracle avait sauvé le Puma et ses autres passagers. Geagea ne doutait pas de Touma Comment les FL ont pu établir ce rapport, alors qu’elles n’ont pas mené, selon lui, une enquête sur l’attentat ? demande le procureur. Le témoin répond que les FL n’ont pas mené une enquête au sens judiciaire «mais cela ne les a pas empêchées de rassembler des informations sur l’affaire». Pakradouni lance ensuite sa nouvelle bombe. Il «n’écarte pas la possibilité que ce soit Ghassan Touma (ancien responsable du service de sécurité des FL et instigateur présumé de l’assassinat) qui ait planifié l’attentat, parce qu’il aurait été enrôlé par les Israéliens». Le procureur lui rappelle que selon ses propres dires, Touma faisait partie du groupe de Kattara qui vouait une allégeance totale à Geagea. Le témoin lance alors une phrase qui fera longtemps rire Geagea: »Parmi les apôtres du Christ, il y avait bien Judas.». Selon lui, Geagea n’aurait donc eu aucun soupçon à l’égard de Touma. Et pour corroborer ses dires, il rappelle la tentative d’assassinat du président Hraoui, qui selon la décision du tribunal, aurait été planifiée par Touma, à l’insu de Geagea. Il rappelle aussi le jugement de la cour de justice dans l’affaire de l’attentat contre l’église de Zouk et qui avait aussi accusé une cellule des FL d’avoir agi de son propre chef. Il rappelle enfin qu’il avait fait une déposition en ce sens devant la cour de justice, dans l’affaire de la double tentative d’assassinat du ministre Murr. Pakradouni affirme ensuite que si les FL avaient joué un rôle dans l’attentat, «en principe, Geagea me l’aurait pas caché». Mais, à la question suivante, il précise que Geagea ne l’informait pas des opérations dites de sécurité réalisées par les services des FL. «Mais si vous dites que Touma est derrière l’attentat, cela signifie-t-il que le rapport accusant les Palestiniens est faux ?», demande le président Honein. «C’est possible, répond Pakradouni. Les coupables peuvent être les Palestiniens, les Israéliens, par le biais des FL ou même les FL». Naturellement, cette phrase ravit les avocats de la partie civile. Chamoun, le seul leader de l’Est Au cours de l’audience précédente, Pakradouni avait affirmé s’être rendu à son bureau après 14h, le jour de l’attentat. Ce qui contredisait les propos de l’inculpé Antoine Chidiac, qui avait déclaré avoir accompagné, ce jour-là, Touma (dont il était le chauffeur) au bureau de Pakradouni vers midi. Interrogé par la cour, Chidiac, toujours fidèle à son langage imagé et gestuel, qui déclenche les rires de la salle, s’écrie : »Je ne porte jamais de montre. Je ne sais pas exactement. Mais je me souviens que le soleil était haut dans le ciel, derrière le palmier dans la cour. Je ne sais pas si Touma a vu Pakradouni, mais j’ai attendu plus d’une demi- heure dans la voiture». Me Dayé interroge longuement le témoin sur son ouvrage Le Piège. Il veut surtout pousser Pakradouni à reconnaître que ses fonctions, au sein des FL, ne se limitaient pas à la politique et touchaient aussi à la sécurité. Il évoque ainsi ses réunions avec Arafat en présence du responsable de la Force 17 palestinienne, Abou Tayyeb, et du responsable des services de renseignements extérieurs des FL, Pierre Rizk. Mais Pakradouni n’en démord pas, ses réunions étaient, affirme-t-il, essentiellement politiques, et Rizk était chargé du suivi. Le témoin continue de nier l’existence d’un projet d’accord, une sorte de Taëf avant l’heure que Camille Chamoun et Rachid Karamé étaient sur le point de signer le jour de l’attentat. Mais Me Dayé exhibe un communiqué du PNL confirmant l’existence de ce projet, ainsi qu’une déclaration de Boutros Harb, faite il y a quelques mois à la télévision, et une interview d’Hussein Husseini . Pakradouni n’en démord toujours pas. Selon lui, un tel projet n’aurait pas pu exister sans que le président Chamoun n’en ait informé les FL. Dayé cite alors une déclaration de Rachid Karamé au Safir, en avril 87, dans laquelle ce dernier affirme que «Chamoun s’est imposé comme le seul leader des régions Est». Pakradouni affirme ne pas être au courant de tels propos et il précise que les forces de l’Est avaient décidé de procéder à une distribution des rôles. Selon lui, il n’y avait donc aucune dissension et c’est dans le cadre de cette même distribution des rôles qu’il place les communiqués des FL critiquant le manque d’empressement du président Amine Gemayel à accepter la démission de Rachid Karamé. Pakradouni affirme aussi avoir été informé des contacts entre Rachid Karamé et Amine Gemayel après la démission du premier. Comme le procureur exhibe une interview du président Gemayel datée du 24/6/87, dans laquelle ce dernier affirme que ces contacts étaient secrets, Pakradouni rétorque : «C’est ce qu’il disait à l’autre partie. Mais il nous informait des moindres détails». Dayé rappelle que deux voitures piégées ont explosé à Zghorta, lorsque le président Gemayel s’y trouvait pour s’entretenir avec le président Frangié, rendant impossible une telle rencontre. Le témoin affirme ne pas s’en souvenir… Enfin, au cours de l’audience précédente, Pakradouni avait affirmé que les FL avaient publié un communiqué stigmatisant l’attentat et il avait même présenté une copie de ce communiqué tel que publié dans le quotidien An Nahar. Dayé lit, à son tour, le communiqué tel qu’il avait été publié par le quotidien As Safir et il demande au témoin s’il s’agit vraiment d’une «condamnation de l’attentat ou d’une mobilisation contre la victime». Pakradouni reconnaît les termes du communiqué lu par Me Dayé, mais il maintient qu’il s’agit d’une stigmatisation de l’attentat. Le calvaire de Pakradouni n’est pourtant pas de nouveau fini, puisqu’il sera encore entendu vendredi.
Le procureur général Adnane Addoum et Me Bassam Dayé de la partie civile ont mis les nerfs du témoin Karim Pakradouni à rude épreuve hier. Mais l’ex-numéro 2 des FL et actuel avocat de la défense dans le procès de l’assassinat de l’ancien Premier ministre Rachid Karamé en a vu d’autres. S’il ne s’est pas démonté face aux questions aussi variées que précises,...