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Actualités - REPORTAGE

La Cour entend trois témoins du Parquet dans l'affaire Karamé Pas de révélations fracassantes mais chaque partie campe sur ses positions (photos)

Pour la quatrième fois, les avocats de la défense ont mis le témoin à charge, José Bakhos , sur la sellette, dans le procès de l’affaire Karamé. Et l’ancien responsable de l’escorte de Ghassan Touma (chef du service de sécurité des FL dissoutes) n’en a pas encore fini. Il est convoqué pour l’audience du vendredi 24 avril, afin que la Cour de justice puisse organiser, selon le souhait du procureur Addoum, une confrontation entre lui et Amale Abboud, ancienne secrétaire de Touma. Hier, toutefois, c’est Me Issam Karam — qui défend Samir Geagea — qui a pratiquement monopolisé la scène, posant des questions très longues et souvent déjà formulées, dans le but de pousser le témoin à se contredire et de jeter ainsi le discrédit sur ses «révélations». C’est que, lors de sa première comparution devant la cour, il y a près de deux mois, José Bakhos avait accusé les FL d’être derrière l’assassinat du premier ministre Rachid Karamé, insistant sur le fait que Ghassan Touma n’aurait pu entreprendre une telle action sans le feu vert de Samir Geagea, mais aussi sur le rôle de l’inculpé Aziz Saleh, ancien membre du service de sécurité des FL et sur celui du brigadier Matar, qui, selon lui, aurait participé aux préparatifs de l’assassinat. Depuis, les avocats de la défense ont essayé de prouver qu’il ment, relevant la moindre contradiction entre ses propos ou entre ses déclarations et celles de l’inculpé Antoine Chidiac qui travaillait sous ses ordres, au sein de l’escorte de Touma. Pourtant, en dépit du zèle des avocats, ce sont les inculpés mis en cause qui ont été les plus acharnés à «piéger» José Bakhos. Hier, le brigadier Khalil Matar a même eu , à l’adresse du président Honein, ce cri du cœur: «Ah si seulement monsieur le président, vous me laissiez répondre à tous ces mensonges». Il a ensuite raconté que le soir de l’assassinat du premier ministre Karamé, c’est-à-dire le 31 mai 1987, il dînait en compagnie de deux couples amis, les Dagher et les Achkar, dans un restaurant à Breij, sur la route de Annaya, alors que José Bakhos avait affirmé l’avoir vu vers 21h, dans le bureau de Ghassan Touma, prenant un colis des mains de Ghassan Menassa. Au procureur Addoum qui lui demandait pourquoi il ne s’est souvenu que maintenant de ce fait, le brigadier a répondu: «J’avais demandé à plusieurs reprises la parole, mais le président ne me l’a pas donnée. Tout ce que cet homme a dit sur moi est faux..». Avec son style un peu particulier, bourré de digressions et de remarques intimidantes à l’égard du témoin — qu’il aurait bien voulu, selon ses propres dires, voir dans le box des accusés — Me Karam tente donc de démonter la version de José Bakhos, commençant chacune de ses questions par de longues introductions. Ce qui ne manque pas de soulever les objections du procureur Addoum et celles des avocats de la partie civile, notamment MM. Dayé, Haraké et Assir, tous les quatre accusant Me Karam de présenter des plaidoiries, avec chaque question. Le président de la cour, M. Mounir Honein, intervient d’ailleurs à plusieurs reprises pour rétablir le calme. Et Me Karam reprend avec véhémence son interrogatoire. Le président rejette un grand nombre de ses questions arguant du fait qu’elles ont été déjà posées. A plusieurs reprises, il y répond lui-même , pour bien montrer que les réponses sont connues, tant les questions ont été posées. Et à un avocat de la partie civile qui lui demande de mettre un terme à ces répétitions, Me Honein déclare: «Nous laissons Me Karam poser les questions, pour ne pas être accusés de brimer la défense..». Le président fait allusion à des remarques de certains avocats de la défense, au cours de l’audience précédente... La stratégie de Me Karam n’a donc pas pu faire réellement ses preuves car, soit la question n’était pas posée, soit le témoin répondait qu’il ne se souvenait pas des détails. Un des avocats de la partie civile fait d’ailleurs remarquer à cet égard, que l’affaire remonte à près de 11 ans, et qu’il est difficile de se souvenir des détails d’un événement aussi important soit-il, au bout d’une telle période. Mais Me Karam, qui a réponse à tout, riposte: «Il a quand même donné beaucoup de détails devant le juge d’instruction en 1996». Me Karam réussit à montrer quelques décalages dans les horaires et des divergences entre Bakhos et Antoine Chidiac sur le nombre des missions de reconnaissance maritime, etc. Ce qui fait dire au procureur Addoum que «ces divergences ne portent pas sur l’essentiel et sont rassurantes, parce que normales». C’est lorsque les versions sont totalement concordantes que l’on peut penser à un dossier fabriqué, commente un avocat... Bakhos quitte la salle, pour y revenir vendredi, mais un autre témoin lui succède. Maurice Joffre Khoury est le frère du compagnon de Keitel Hayeck, Naji Khoury. En entendant son nom, Me Karim Pakradouni avait même eu cette boutade: «Entre Keitel et Joffre, on se croirait en pleines guerres mondiales...». Selon le commandant Keitel Hayeck et le sergent Camille Rami (qui travaillait sous ses ordres), Naji Khoury leur fournissait des explosifs et avait été enlevé par les FL, peu après l’assassinat du premier ministre Rachid Karamé. Rami avait même dit avoir entendu qu’il avait été «dévoré par les poissons». Devant la cour, son frère Maurice précise qu’il est bien vivant et se déplace entre Chypre et les Etats-Unis. Beaucoup de points demeurent obscurs dans son histoire et le commandant Hayeck, qui tout au long de l’audience est resté détendu et souriant, commence à donner des signes de fatigue dès la comparution de Maurice Khoury. Il demande même au témoin s’il sait combien de fois son frère a été enlevé par les FL et l’autre répond deux fois. Le commandant Hayeck rétorque alors: «Je sais qu’il a été enlevé trois ou quatre fois. Il entrait et sortait de la prison des FL, mais sans jamais connaître les raisons de ces arrestations. Je crois qu’il y avait plusieurs services rivaux au sein des FL». Naji et son frère Maurice ont commencé par adhérer au Bloc National. En 1975, ils ont intégré le Tanzim et ont combattu sur le front de Kahalé, en même temps que Keitel Hayeck, alors élève officier. Des incidents éclatent entre le Tanzim et le parti Kataëb à Wadi Chahrour (où ils habitent) et leur maison est dynamitée. En 1981, la famille se réfugie au Nord , à Batroun, et les deux frères se rallient aux Maradas. Mais en 1985, Naji quitte le Nord, déclarant à sa famille qu’il se rend à Chypre. En fait, il revient à Haret Sitt (près de Wadi Chahrour) sous la protection de Habib Rahmé, ancien responsable de l’escorte de Samir Geagea. Il est donc proche des FL dirigées par Geagea qui venait de mener son intifada contre le parti Kataëb. Le commandant Hayeck — qui a nié tout lien avec les FL — avait déclaré que Naji a travaillé avec lui, dans sa cellule de lutte contre les troupes syriennes, à partir de 85, et qu’il lui fournissait des explosifs. Selon son frère — qui est resté très avare en détails, affirmant qu’il n’était pas très proche de Naji depuis que ce dernier est revenu dans les régions Est, le mettant dans une position difficile vis-à-vis des Maradas et des Syriens — il a été enlevé par les FL le 19 juillet 1987, «en compagnie d’un certain Michel Salloum ou Féghali», à la suite d’un coup de fil d’un membre des FL, Emile Dagher. Il a été libéré trois ans et 40 jours plus tard. Le jour de sa remise en liberté, les FL ont exigé qu’il quitte le pays et l’ont escorté jusqu’au bateau , au port de Jounieh. Addoum fait remarquer que son arrestation est intervenue quelques jours après le quarantième du décès du premier ministre Karamé (dans l’acte d’accusation, Keitel Hayeck et Camille Rami sont accusés d’avoir lancé un explosif sur la tombe de Karamé, à la veille de la cérémonie du quarantième et Hayeck avait laissé entendre devant la cour que les explosifs étaient fournis par Naji Khoury), mais le témoin précise ne pas avoir fait le rapprochement, puisqu’il ignorait la date de l’assassinat. Maurice Khoury déclare aussi ne pas savoir si Keitel Hayeck est intervenu pour obtenir la libération de son frère. Bref, le témoignage de Maurice Khoury confirme certains faits, mais attire l’attention de la cour sur l’étrange histoire de Naji Khoury et sur ses relations troubles avec Keitel Hayeck. Le dernier témoin entendu hier est l’ancien concierge de l’immeuble où résidait Touma à Fatka, Khalil Chahine. Effrayé, l’homme ne dit pas grand-chose, se contentant de reconnaître Antoine Chidiac et le brigadier Matar. Me Abou Dib lui montre une photo prise récemment de l’immeuble et de son entrée. Khalil Chahine la commente , mais Antoine Chidiac veut aussi voir. Le président l’autorise à s’approcher et il explique que le conteneur des gardes a changé de place et de la fenêtre on peut voir l’entrée de l’immeuble, mais pas l’ascenseur. Khalil Chahine nie avoir eu vent d’un assassinat dans l’ascenseur, comme le prétendent les avocats de Aziz Saleh qui accusent José Bakhos d’avoir tué ainsi un autre membre des FL Alec Elia. Vendredi prochain, la cour entendra José Bakhos, Chéhadé Chawal et Amale Abboud.
Pour la quatrième fois, les avocats de la défense ont mis le témoin à charge, José Bakhos , sur la sellette, dans le procès de l’affaire Karamé. Et l’ancien responsable de l’escorte de Ghassan Touma (chef du service de sécurité des FL dissoutes) n’en a pas encore fini. Il est convoqué pour l’audience du vendredi 24 avril, afin que la Cour de justice puisse...