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Actualités - CHRONOLOGIE

Le projet de mariage civil ignoré et la nouvelle échelle des salaires différée Les dossiers chauds éludés par le conseil des ministres Coup d'envoi des municipales le 24 mai, décide le cabinet (photo)

C’est en définitive une «entente» et une réconciliation de pure forme qui ont semble-t-il été scellées hier soir au cours du Conseil des ministres ordinaire qui s’est tenu comme prévu, au palais de Baabda. Comme il fallait sans doute s’y attendre, les problèmes de fond demeurent, en effet, entiers, comme le démontre l’incapacité dans laquelle s’est trouvé hier le gouvernement de jeter les bases d’une solution aux deux dossiers brûlants qui continuent d’envenimer les rapports entre les pôles de la troïka, à savoir le projet de mariage civil facultatif et la nouvelle échelle des salaires dans le secteur public. Autre question qui aurait dû être examinée et qui a été éludée par le Conseil des ministres: les conditions de détention à la prison de Roumié et les doléances qui ont été soulevées par les détenus lors de leur mutinerie il y a près d’une semaine. Si le gouvernement a ainsi évité de s’attaquer à des sujets sensibles, il a par contre donné officiellement le coup d’envoi aux élections municipales en fixant au 24 mai prochain la date de la première phase du scrutin. Le gouvernement a débloqué, en outre, un montant de près de 1,5 million de dollars à Télé-Liban pour lui permettre de faire face à certaines échéances financières urgentes, de même qu’il a approuvé une série de projets d’adduction d’eau et de construction de réseaux d’égouts dans la Békaa, préconisés par le CDR. C’est donc contre toute attente que l’affaire du mariage civil n’a pas été soulevée lors de la séance du cabinet. Il avait été convenu, dans le sillage du sommet libano-syrien élargi de lundi dernier à Lattaquié, que le président Elias Hraoui demanderait aujourd’hui aux ministres concernés de soumettre leurs remarques et leurs observations au sujet du mariage civil au ministre de l’Intérieur. Le projet aurait été ainsi renvoyé de facto aux calendes grecques. Jusqu’en début d’après-midi, hier, cette échappatoire était pratiquement acquise et les diverses sources loyalistes (proches de MM. Nabih Berry et Rafic Hariri) confirmaient que cette solution devait être avalisée en Conseil des ministres. Le climat a cependant subitement changé sur ce plan peu avant la séance du cabinet, à la suite d’un court entretien entre le président Hraoui et le ministre de l’Intérieur Michel Murr. Annonçant sans doute la couleur, ce dernier a en effet indiqué aux journalistes que l’affaire du mariage civil pourrait ne pas être évoquée, ni de près ni de loin, par le Conseil des ministres, si la solution préconisée n’était pas avalisée définitivement au cours de la réunion que les présidents Hraoui et Hariri devaient tenir au préalable. Cette entrevue entre le chef de l’Etat et M. Hariri a sans doute buté sur un obstacle inattendu puisque le dossier n’a nullement été abordé par le président Hraoui au début de la séance du cabinet, comme convenu. Sauf nouveau revirement, cela signifie que nous nous retrouvons devant l’anomalie suivante: le premier ministre s’abstient toujours de signer un projet approuvé en Conseil des ministres à une majorité des deux tiers, et aucune disposition constitutionnelle ne le contraint à le faire dans un délai déterminé. La solution qui avait été envisagée (transmettre le projet au ministre de l’Intérieur pour qu’il tienne compte des remarques formulées par certains ministres) avait pour avantage de contourner ce grave précédent qui met en relief les failles constitutionnelles souvent soulevées par le chef de l’Etat. En définitive, le fait que le projet n’ait pas été transmis au ministre de l’Intérieur (ce qui aurait signifié un gel de facto) apporte de l’eau au moulin du président Hraoui dans la mesure où la situation ainsi créée met M. Hariri dans l’embarras puisque par son attitude il crée le précédent de faire obstruction à un projet approuvé en Conseil des ministres. Ce problème a d’ailleurs été relevé en soirée par les sources proches de M. Berry qui se sont déclarées «surprises» par le fait que la solution attendue n’ait pas été avalisée par le gouvernement. Les sources en question ont souligné sur ce plan qu’il n’était pas concevable qu’un projet de cette importance soit suspendu du fait de l’attitude du premier ministre. Atmosphère crispée Il apparaît ainsi que les différends entre les pôles de la troïka sont loin d’avoir été surmontés. Cela explique le climat quelque peu crispé qui a marqué la séance du cabinet hier, selon une source ministérielle. Ce climat peu détendu a sans doute été accentué par le court entretien que le chef de l’Etat et M. Hariri ont eu avant le Conseil des ministres. Au début de la réunion ministérielle, le président Hraoui a commencé par demander aux membres du gouvernement de ne plus évoquer publiquement le problème de la 425, dans l’attente de l’action conjointe que Beyrouth et Damas se proposent de mener sous peu afin de contrer l’initiative israélienne de retrait conditionnel du Liban-Sud. Le chef de l’Etat a précisé sur ce plan que M. Hariri et le ministre des Affaires étrangères Farès Boueiz se rendront, ensemble, aujourd’hui à Damas pour préparer avec les dirigeants syriens un document de travail commun que les deux pays soumettront aux membres permanents du Conseil de Sécurité et à certains pays arabes. Selon une source ministérielle, M. Boueiz n’a pas exposé hier aux membres du gouvernement, contre toute attente, le résultat de l’entretien qu’il a eu mardi à Paris avec le chef du Quai d’Orsay, M. Hubert Védrine. La teneur de cette entrevue ne semble pas avoir suscité l’enthousiasme des responsables libanais dans la mesure où le chef de la diplomatie française aurait conseillé au pouvoir libanais d’adopter une attitude constructive à l’égard de la proposition israélienne sur la 425, tout en restant ferme sur les principes (ce dossier et la position de la communauté internationale à ce sujet seront au centre de la visite que M. Hariri effectuera, seul, mardi prochain au Caire où il doit conférer avec le président Hosni Moubarak). Autre dossier particulièrement délicat éclipsé hier par le gouvernement: la nouvelle échelle des salaires dans le secteur public. A son arrivée hier après-midi au Palais de Baabda, le ministre d’Etat chargé des Affaires financières, M. Fouad Siniora, devait souligner devant les journalistes qu’il ne fallait pas faire preuve de précipitation au sujet de ce projet et qu’il était nécessaire, au préalable, de trouver les sources de financement pour couvrir la nouvelle échelle des salaires. De fait, le Conseil des ministres a décidé de reporter à la semaine prochaine (au 24 avril) l’examen du projet, dans l’attente que les trois présidents s’entendent sur les moyens de financer le réajustement des salaires des fonctionnaires. Ce nouveau report du projet risque d’irriter M. Berry qui a rappelé hier à M. Hariri que le gouvernement s’était engagé il y a cinq semaines à transmettre au Parlement la nouvelle échelle des salaires. (VOIR PAGE 3). Or le dernier délai que s’était fixé le Cabinet à ce propos expire aujourd’hui, jeudi. Le chef du Législatif souhaitait que le Conseil des ministres tranche la question et transmette dès hier le projet à la Chambre. Mais force est de constater que le problème des sources de financement n’est toujours pas réglé, ce qui a poussé l’Exécutif à s’octroyer un nouveau délai, au risque de provoquer le courroux de M. Berry. Celui-ci accuse en effet le gouvernement de vouloir reporter l’approbation de ce projet jusqu’à la prochaine élection présidentielle. Dans le but de placer l’Exécutif au pied du mur à ce sujet, M. Berry a remis sur le tapis, la proposition d’imposer une taxe de 1 pour cent sur le chiffre d’affaires des sociétés (cette suggestion a été rejetée une nouvelle fois, hier, par l’association des commerçants, au cours d’une réunion élargie tenue à l’initiative du président de l’Association des commerçants de Beyrouth, M. Nadim Assi). Le blanc-seing à Assad Entre le mariage civil facultatif, le problème de la nouvelle échelle des salaires, et la recherche de nouvelles sources de revenus pour le Trésor, les sujets de discorde entre les pôles de la troïka ne manquent donc pas. Ces causes de tension sont, de surcroît, autant de possibilités de manœuvre dans la perspective des prochaines élections présidentielles, prévues pour octobre prochain. Dans le but, sans doute, d’atténuer quelque peu les tiraillements internes à ce propos, il aurait été convenu lors du sommet de Lattaquié de reporter jusqu’à octobre prochain l’ensemble du dossier de l’élection présidentielle (ce qui laisse la porte ouverte sur ce plan à toutes les éventualités). Les trois présidents auraient même été jusqu’à donner au chef de l’Etat syrien Hafez el-Assad un blanc-seing au sujet de l’échéance présidentielle, lui confiant le soin de prendre la décision qu’il juge adéquate sur ce plan... Cette position, qui a suscité de vives réactions dans divers milieux locaux, a été confirmée par les milieux proches de M. Berry. Les résolutions du Conseil des ministres Pour en revenir aux résolutions du Conseil des ministres, le ministre de l’Information Bassem el-Sabeh devait donner lecture, à l’issue de la séance du Cabinet, du communiqué suivant: «En début de séance le président de la République a adressé ses félicitations, à l’occasion de la fête de Pâques, aux communautés chrétiennes de rite oriental et a rappelé qu’il l’a déjà fait pour les communautés chrétiennes de rite occidental et pour les communautés musulmanes à l’occasion de la fête de l’Adha» a dit M. Sabeh. «Le président de la République a évoqué le sommet de Lattaquié consacré aux derniers développements dans la région, s’est déclaré heureux de voir l’action commune syro-libanaise pour contrer les manœuvres israéliennes atteindre ce degré de coordination et s’est félicité de la nouvelle rencontre qui aura lieu demain (aujourd’hui) entre le président du Conseil et le ministre des A.E. et les responsables syriens pour préparer un document de travail conjoint à présenter aux instances arabes et internationales pour expliquer la position commune syro-libanaise concernant ces développements» a-t-il poursuivi. «Passant à la question de l’échelle des salaires figurant à l’ordre du jour de la réunion, a ajouté le ministre Sabeh, le président de la République a proposé le renvoi de cette question à une séance spéciale ultérieure afin de pouvoir étudier aussi les sources de financement de ce projet; la proposition a été retenue et cette séance aura lieu au palais de Baabda le vendredi 24 avril à 17h». «Le Conseil des ministres après avoir approuvé la presque totalité des projets figurant à son ordre du jour, a agréé certains autres n’y figurant pas notamment: «— La convocation des électeurs pour les élections municipales (dont la première étape aura lieu le 24 mai); le ministre de l’Intérieur soumettra au Conseil des ministres, lors de sa prochaine réunion, un projet de décret précisant les noms des villages qui ne seront pas concernés par cette convocation. «— Différents projets que le CDR compte exécuter dans la région de Baalbeck-Hermel pour un montant de 68 milliards de L.L: — Le projet de Yammouné pour l’eau potable: 22 milliards — Le projet de Youyoun Ourghouche pour l’eau potable: 16 milliards — Les différents projets d’eau potable à l’est de Baalbeck: 16 milliards — Le projet de conduites d’eau dans le Hermel: 3 milliards — Le projet de conduites d’eau, d’égouts et de canaux d’irrigation pour le village de — Yammouné: 7 milliards — La construction d’un sérail au Hermel: 2,5 milliards — La construction d’un centre médical au village de Laboué: 1,5 milliard». Et M. Sabeh de poursuivre: «Le Conseil des ministres a pris connaissance de l’intention du chef de l’Etat ivoirien d’effectuer une visite au Liban entre les 22 et 24 juin prochain. «Il a été mis au courant de la visite que le président du Conseil effectuera au Caire mardi prochain à l’invitation du président égyptien Mohammad Hosni Moubarak. «Il a été informé des différentes mesures entreprises pour lutter entre les odeurs pestilentielles dans la région de la Quarantaine. «Il a décidé l’octroi d’un million 135 mille dollars à Télé-Liban pour lui permettre de faire face à ses obligations les plus urgentes et ultérieurement, chaque mois, 400 mille dollars seront débloqués pour permettre à la compagnie de régler toutes ses dettes antérieures». En réponse à certaines questions qui lui ont été adressées M. Sabeh a précisé que «la question du mariage civil n’a pas été abordée, parce qu’elle ne figurait pas à l’ordre du jour de la réunion sachant que seul le président de la République est autorisé à proposer des sujets qui n’y sont pas inscrits», a réaffirmé que «la question de l’échelle des salaires sera débattue lors d’une réunion spéciale», et a indiqué que «la survie de Télé-Liban relève d’une volonté politique nonobstant ses difficultés financières».
C’est en définitive une «entente» et une réconciliation de pure forme qui ont semble-t-il été scellées hier soir au cours du Conseil des ministres ordinaire qui s’est tenu comme prévu, au palais de Baabda. Comme il fallait sans doute s’y attendre, les problèmes de fond demeurent, en effet, entiers, comme le démontre l’incapacité dans laquelle s’est trouvé hier le...