Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Carnet de route Domesticité, immigrés/émigrés L'Afrique perle

— Et la tienne, elle est quoi? — Sénégalaise… («A.O.F», commente «Jeddo» (1), qui a fait son droit à l’USJ sous le mandat). — Il y a aussi des Sénégalaises! — Oui, enfin la mienne est infirmière, son agent lui avait promis un engagement dans un hôpital séoudien, mais elle s’est habituée à la famille quand elle a compris, en voyant les montagnes, que le piège était sans recours… — Elle accepte de porter un tablier? Parce que la mienne, qui a combattu en Erythrée, refuse même de partager ses repas avec le barbarin, sous prétexte qu’il est animiste. («Pomme de discorde franco-britannique», s’exclame Jeddo…) — Qu’est-ce que tu lis, Jeddo? — Je ne lis pas, je dis: le Soudan, pomme de discorde franco-britannique, ton arrière-grand-père y a fait fortune, à l’époque, avant de se ruiner au Caire pour une femme qui n’était pas ta grand-mère, tu le sais! — Jeddo laisse-nous jouer au «gin» en paix, sinon je te confisque «Playboy». — C’est terrible, le racisme, ma petite-fille Nayla m’a dit que l’esclavage et le racisme c’était la même chose. Heureusement, la mienne adore le chauffeur, qui adore le pitipiti, tu sais, le plat national togolais… — Togolais? Elle est Togolaise? — Oui, ma chère, et que je te frotte l’argenterie, et que je te sorte le ficus, et que j’aide les petits pour leurs devoirs. Comme me dit Abed, «Madame, la battez pas, c’est une «la’ta». Remarque, je déteste battre, mais quand elle est reprise par le vaudou…». («Le vaudou, ce n’est pas en AOF, c’est dans les Antilles, très loin de … Lomé…»). — Jeddo, tu sais bien qu’elle ne s’appelle pas Lomé, notre Angélique, et, tais-toi, sinon, fini «Playboy», bonjour «Le Monde diplomatique»!). — Qu’est-ce que c’est le vaudou? — Je ne sais qu’une chose, c’est que ça fait trembler raide, et… — Grand Gin à pique! («A pique de volaille», comme disait mon ami Sélim, ha ha ha…) — Il m’énerve, si vous saviez, mais d’habitude, c’est l’heure où Léopoldine lui chante l’«Ave Maria» en remuant son boubou. — On pourrait lui faire faire les comptes de la partie, ça l’occuperait, il ne se tromperait pas dans les multiplications à carreaux, comme certaines. Après tout, chez moi, c’est bien Alain qui les fait, les comptes. — Il est adorable Alain, dis-moi, il est bien du Bénin? («Ex Dahomey», hurle Jeddo qui sent arriver les verres de sirop aux mûres). — Oui, et sa femme du Burkina Faso. Moi, les Asiatiques, plus jamais. D’ailleurs elles passent leur temps à se faire violer, vous savez bien! — A propos, tu mêles les cartes, Berthe? («A propos», «à propos», à propos de quoi? — Cette fois Jeddo s’étrangle — «Maintenant on mêle les cartes «à propos de viol». Tout en elle est mal à propos; quand je pense que, malgré sa fortune, elle refuse les domestiques libanaises sous prétexte qu’elles ne parlent pas un mot de français (sic) je crois rêver. Moi qui me suis fait déniaiser par l’adorable Mariam, la cuisinière de la famille, en un arabe savoureux dont je garde encore la nostalgie…) — Il ne peut pas fermer sa g’ande gueule, comme dit Léopoldine. «Pourtant — elle est très intelligente cette fille — nous ne sommes pas dans un Marigot, madame», elle dit. — Chou Marigot, demande Jacqueline? — Ne parle pas, je fais un vœu avant de tirer… C’est quelque chose comme un vin français, tu sais, dans les cent cinquante dollars. Les Philippines seraient incapables de savoir, justement. A qui le tour? (— Un Château Margaux dans un Marigot…, ce serait très drôle si j’avais Sélim à mes côtés. Maintenant il est mort, et le club de l’Union a été détruit pendant la guerre. Je me lève et je dis: — Salut et fraternité. Je ne suis pas compris mais j’entends.) — Il ne guérit pas du mandat. Toutes les domestiques de De Gaulle, de Catroux et du Haut commissariat étaient des montagnardes libanaises. Comment voulez-vous qu’il s’habitue? Comme il dit: «Nous ne recevons plus qu’un volle de gerfo hors du charniez natal». — Quoi? — Ecoutez, Jeddo est Jedddo, le père de ma mère, si vous ne voulez pas le comprendre, moi je m’inscris au club où Zouzou bridge trois fois par semaine quand son Ethiopienne garde les enfants. Le bridge, en plus, c’est plus distingué que le «gin». Silence. — Parle-nous des… Ethiopiennes: on peut les enfermer à la maison selon les contrats? — Oui, mais en laissant la poignée ouvrable et surtout sans leur donner de clés. C’est très bien: en cas d’incendie, on est tranquille. Pas comme autrefois quand on enfermait les Syriennes à double tour du dehors…
— Et la tienne, elle est quoi? — Sénégalaise… («A.O.F», commente «Jeddo» (1), qui a fait son droit à l’USJ sous le mandat). — Il y a aussi des Sénégalaises! — Oui, enfin la mienne est infirmière, son agent lui avait promis un engagement dans un hôpital séoudien, mais elle s’est habituée à la famille quand elle a compris, en voyant les montagnes, que le...