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Actualités - CHRONOLOGIE

Mariage civil : le projet Hraoui approuvé en conseil des ministres par 21 voix Le chef du législatif invité à s'attaquer au dossier de la suppression du confessionnalisme politique

Par vingt et une voix contre six et une abstention, le Conseil des ministres a approuvé hier le projet de loi sur le mariage civil facultatif qui pourrait paver la voie à une modernisation du système libanais ou, au contraire, provoquer une nouvelle crise politique dans le pays sur fond de tiraillements confessionnels. Le vote inattendu de ce projet a été précédé d’un débat animé, dans un climat parfois tendu, et ouvre la porte devant une grande question: et après? Pour le président de la République, M. Elias Hraoui, père de ce projet controversé et pour plusieurs ministres, le mariage civil optionnel constitue la première étape du processus de suppression du confessionnalisme politique. Le chef de l’Etat a décidé, comme l’y autorise la Constitution, d’adresser un message à la présidence de la Chambre lui demandant de former le plus rapidement possible la commission nationale chargée d’examiner les moyens susceptibles d’abolir le confessionnalisme politique conformément aux dispositions de l’article 95 de la loi fondamentale. Si les projets de nature économique n’ont pas été examinés hier après la décision de M. Hariri de les retirer de l’ordre du jour à l’issue de l’opposition de MM. Hraoui et Berry à la taxe de 1% sur le chiffre d’affaires, la situation au Liban-Sud, à la lumière de la dernière proposition israélienne de retrait conditionnel, a été passée en revue. Les membres du gouvernement ont notamment mis l’accent sur la nécessité de prendre les mesures adéquates sur le terrain pour éviter que l’Etat hébreu ne provoque, après une évacuation subite de ses troupes, des événements tragiques similaires à ceux qui se sont produits au milieu des années 80 dans le Chouf et à l’est de Saïda. Le projet du mariage civil facultatif a donc fait l’objet d’une discussion animée qui s’est poursuivie pendant près d’une heure et demie .La réunion du Conseil avait d’ailleurs commencé en retard de deux heures en raison de la visite du secrétaire au Foreign Office à Beyrouth et n’a pas été précédée, comme à l’accoutumée, d’un tête-à-tête entre MM. Hraoui et Hariri. Au début de la séance, le chef de l’Etat a pris la parole pour réaffirmer sa détermination à soumettre le projet d’amendement du statut personnel de manière à instaurer le mariage civil facultatif. «Je me suis permis de soumettre à nouveau ce projet en dehors de l’ordre du jour, a-t-il dit, à lumière des manifestations sectaires qui se sont multipliées récemment et qui se sont même transposées sur les terrains de sport. J’ai suivi ces dernières semaines les réactions des personnalités spirituelles et autres à ce projet et je n’ai répondu à aucune d’elles (...). J’ai prêté serment pour appliquer la Constitution et le document de Taëf qui prévoient la suppression du confessionnalisme politique. Je souhaiterais que le projet du mariage civil constitue la première étape de ce processus. Et à la veille de mon départ de la première magistrature, si le Conseil des ministres approuve le projet, je vais adresser un message au président du Parlement lui demandant de former la commission nationale chargée de supprimer le confessionnalisme politique. Si le texte est rejeté, je n’adresserai pas ce message». Hraoui intransigeant Prenant à son tour la parole, M. Hariri a estimé que le Conseil des ministres doit éviter à tout prix «d’adopter dans cette période délicate des projets susceptibles d’affaiblir l’unité des rangs ou de provoquer des dissensions à l’intérieur ou à l’extérieur du gouvernement. Rien n’est plus important que l’entente nationale en cette période, a-t-il ajouté. Et lorsque j’ai vu que certains points inscrits à l’ordre du jour risquaient de provoquer des différends, j’ai estimé qu’il était nécessaire de les retirer pour pouvoir discuter de tout ce qui peut rassembler et s’éloigner de tout ce qui peut diviser». M. Hariri a ensuite prié le chef de l’Etat de ne pas soumettre le projet, non pas par opposition au principe du mariage civil optionnel, mais par souci de préserver le climat politique. Il a estimé que le report de l’examen du texte est à même de servir l’intérêt national. «Nous ne souhaitons pas prendre part à un vote au sujet d’une question source de litige dans le pays. Nous préférons de plus amples concertations. Tout ce que nous demandons est d’aboutir à un consensus permettant d’examiner le projet au moment opportun. D’habitude, nous nous concertons sur des questions bien moins importantes», a-t-il dit. Rien à faire. L’intervention de M. Hariri n’a pas convaincu M. Hraoui qui a déclaré que son projet «rassemble et ne divise pas». «C’est le climat confessionnel dans le pays qui m’a encouragé à soumettre le projet», a-t-il laconiquement répondu. Quatorze ministres ont ensuite pris la parole. M. Farès Boueiz a estimé que le mariage civil est l’un des deux plus importantes décisions du mandat Hraoui, la première étant la dissolution des milices en 1991. MM. Ghazi Seifeddine (Baas), Assaad Hardane (PSNS) et Jean Obeid ont également défendu le projet, indiquant qu’il s’agissait du premier pas vers la suppression du confessionnalisme politique. MM. Bahige Tabbarah, Fouad Siniora, Béchara Merhej et Omar Meskaoui ont pour leur part déclaré que cette question nécessite un «consensus national et de plus amples concertations». Soumis au vote, le projet a finalement obtenu 21 voix contre six (MM. Rafic Hariri, Bahige Tabbarah, Fouad Siniora, Omar Meskaoui, Béchara Merhej et Bassem el-Sabeh) et une abstention, M. Sleimane Frangié. Ce dernier, tout en affirmant être partisan du mariage civil, a souligné que le moment n’était pas opportun pour approuver un tel projet qui risque de créer des tensions politiques dans le pays. Plusieurs ministres ont en outre déclaré au président Hraoui que ses prérogatives lui permettent d’adresser des messages au président du Parlement sans informer nécessairement les ministres de leur teneur. C’est ainsi que les membres du gouvernement n’ont pas été mis dans la confidence du contenu du message qu’il va envoyer à M. Berry lui demandant de former la commission nationale chargée d’abolir le confessionnalisme politique. Confusion Le gouvernement a donc approuvé «le principe du projet», comme l’a indiqué M. Sabeh aux journalistes. Les ministres qui le désirent pourront transmettre leurs remarques au secrétariat général du Conseil des ministres. Cette phrase a créé une certaine confusion. Le projet a-t-il ou n’a-t-il pas été voté? Interrogés par «L’Orient-Le Jour», plusieurs ministres ont indiqué que le texte a effectivement été approuvé. Mais c’est parce qu’il n’a pas été examiné article par article que les membres du gouvernement pourront formuler des remarques écrites. Et c’est à MM. Hraoui et Hariri que revient la décision de transmettre le texte au Parlement. Mais M. Hariri acceptera-t-il de signer ce projet? Personne n’est en mesure de répondre. En tout cas, après l’opération de vote, le président du Conseil a dit que le texte a besoin d’un examen plus approfondi lors d’une réunion ultérieure. Sur un ton mi-sérieux mi-plaisantin, M. Hraoui lui a répondu: «Je ne serais pas en mesure de présider cette réunion. Il faudra trouver quelqu’un d’autre pour la présider. Une autre personne qui posséderait le profil du prochain président tel que vous l’avez décrit». Par cette petite phrase, M. Hraoui a voulu exprimer son mécontentement à l’égard de la déclaration du chef du gouvernement lundi soir devant les membres de la Ligue maronite. Il avait indiqué que le prochain président devra, entre autre, être accepté par sa communauté. La détermination de M. Hraoui à faire voter le projet du mariage civil contre vents et marées ne constitue-t-elle pas un des épisodes de la petite guerre que se livrent les trois présidents? Le fait que les ministres proches de M. Berry aient approuvé le texte malgré l’opposition du chef de leur communauté, l’imam Mohammed Mehdi Chamseddine, ne renforce-t-il pas cette hypothèse? Beaucoup de questions viennent à l’esprit, mais les réponses devront attendre la suite des événements. Quoi qu’il en soit, le vote de ce projet va sans doute déclencher une vague de réprobation chez les dignitaires religieux musulmans. Le mufti Mohammed Kabbani, qui rentre aujourd’hui à Beyrouth, devrait évoquer cette question à son arrivée à l’aéroport. Mais déjà, le président du Conseil supérieur chiite (CSC) a estimé hier que cette proposition «ouvre la voie à un nouveau problème dans le pays». Dans une déclaration à la presse, l’imam Chamseddine a indiqué qu’il avait adressé, avec cheikh Kabbani, un message au président Hraoui lui demandant de reporter l’examen du texte. Il a ajouté qu’il allait «examiner cette affaire, calmement et en profondeur, avec le mufti Kabbani pour cristalliser une position musulmane commune». Interrogé par L’Orient-Le Jour, le cheikh Akl druze p.i., cheikh Bahjat Ghaïth, a de son côté déploré le fait que ce dossier ait été soumis au Conseil des ministres dans les circonstances actuelles. Le dignitaire druze, qui s’était dans le passé déclaré favorable au mariage civil, a dit que le vote d’hier «va créer un nouveau problème et provoquer des tensions dont nous pouvons nous passer». Crédits pour l’organisation des élections municipales Selon M. Sabeh, le Conseil des ministres a donné son feu vert pour la préparation d’un décret assurant les crédits nécessaires (9 milliards de livres), pris sur les réserves budgétaires, à l’organisation des élections municipales. Il a autorisé l’armée à mettre à la disposition du ministre de l’Intérieur les forces dont il a besoin pour assurer l’ordre tout au long de cette période électorale. Il a de même autorisé le ministère de l’Intérieur à organiser des sessions de formation aux chefs des bureaux électoraux. D’après le ministre de l’Information, le Conseil des ministres a approuvé le projet de loi, présenté par le ministère de l’Education, régularisant la situation des instituteurs détenant une licence et accordant des indemnités de service, pouvant atteindre 50% de leurs salaires, aux directeurs des écoles publiques. Il a aussi approuvé le projet de loi pénalisant les personnes qui solliciteraient, sous n’importe quelle forme, des faveurs des magistrats, ou qui porteraient atteinte à la dignité et à l’indépendance de l’autorité judiciaire. M. Sabeh a précisé aussi que le Conseil des ministres a approuvé le retrait de son ordre du jour des sujets suivants: — Le projet de loi instituant une taxe de 1% sur le chiffre d’affaires. — L’étude du CDR sur des projets hydrauliques dans la région de Baalbeck-Hermel. — Le projet d’accord pour un prêt entre le Liban et la Caisse koweitienne pour le développement économique arabe pour financer le pont Ouzaï -route de Khaldé-Cocodi. — Le projet de loi autorisant les propriétaires des terrains et des immeubles à augmenter l’indice d’exploitation de leurs propriétés. — Le projet accordant à la Caisse des déplacés les taxes perçues sur les biens-fonds maritimes et fluviaux. M. Sabeh a enfin indiqué que le Conseil des ministres a remis à une prochaine séance l’étude du projet de la nouvelle échelle des salaires ainsi que l’étude du rapport sur la situation de Télé-Liban.
Par vingt et une voix contre six et une abstention, le Conseil des ministres a approuvé hier le projet de loi sur le mariage civil facultatif qui pourrait paver la voie à une modernisation du système libanais ou, au contraire, provoquer une nouvelle crise politique dans le pays sur fond de tiraillements confessionnels. Le vote inattendu de ce projet a été précédé d’un débat...