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Actualités - REPORTAGE

Tribunaux - Reprise hier du procès Karamé après trois mois d'interruption Un témoin évasif et une confrontation, mais pas de résultats concluants (photos)

Les présidents passent, les magistrats aussi, et Samir Geagea est toujours dans le box des accusés. Ses crimes sont-ils donc si nombreux pour qu’à la cinquième rentrée judiciaire consécutive, il est encore le principal inculpé comparaissant devant la cour de justice? Après une interruption due au passage à la retraite d’un des cinq membres de la cour, le procès de l’assassinat du premier ministre Rachid Karamé, le 1er juin 1987, a repris hier dans une atmosphère plutôt survoltée. Chacun guettait sur le visage émacié du chef des FL dissoutes sa réaction à l’élection du général Émile Lahoud à la présidence de la République. L’assistance en a presque oublié de suivre l’audition des trois témoins du parquet. Mais le président de la cour, M. Mounir Honein, ainsi que le magistrat Ralph Riachi et le procureur Adnane Addoum sont restés vigilants, traquant la moindre contradiction et posant mille questions pour essayer de connaître la vérité. Si les soldats de la moukafaha, chargés de la sécurité des procès devant la cour de justice sont heureux de l’élection du général, ils n’en laissent rien paraître. Depuis le temps qu’ils assurent le bon déroulement des audiences, ils ont pris des allures de juges, imperturbables et sévères Les magistrats sont toutefois plus détendus, faisant preuve d’une infinie patience lorsque les témoins, volontairement ou non, répondent évasivement. Et Samir Geagea? il a perdu cette petite lumière qui brillait dans ses yeux, lors de la dernière audience en juin dernier, lorsqu’il croyait encore que le procès serait accéléré et qu’il pourrait bénéficier rapidement d’une grâce présidentielle. Lahoud ou un autre, il semble ne plus rien attendre dans l’immédiat et se contente de suivre attentivement le déroulement du procès, tout en profitant de certains privilèges par rapport aux autres inculpés: il boit de l’eau dans un verre alors que les autres utilisent la bouteille et est traité avec égard par les responsables de la prison. Chez lui, l’élément nouveau est sa toute nouvelle coopération avec la cour, puisqu’il répond par l’affirmative au président Honein qui lui demande s’il connaît le témoin Amale Abboud. Hormis Keitel Hayeck qui semble avoir pris un coup de soleil (souffrant d’un début de tuberculose, il doit sortir régulièrement à l’air libre), les inculpés sont plutôt pâles, mais aucun d’eux n’a véritablement changé. Confrontation Abboud-Bakhos Après une interruption de plusieurs mois, le procès redémarre donc là où il s’était arrêté, grâce à une décision de la cour, avec une confrontation entre deux témoins du parquet: Amale Abboud, ancienne secrétaire de Ghassan Touma, et José Bakhos, responsable de l’escorte du même Touma. Tous deux témoins à charge, ils avaient fait des révélations accablantes pour les FL et leur chef, ainsi que pour le brigadier Matar, racontant notamment comment celui-ci recevait plus ou moins régulièrement des sommes d’argent de Touma, dans des enveloppes qui lui étaient remises par Bakhos. La cour ayant décelé des contradictions entre les propos des deux jeunes gens, elle a décidé de procéder à une confrontation entre eux. Mais Bakhos et Abboud maintiennent leurs positions précédentes et la confrontation ne donne pas de résultat concluant. Le seul élément nouveau est une certaine confusion dans les propos de Abboud alors que Bakhos s’en tient aux mêmes déclarations depuis le début de son audition par la cour, en avril dernier. Les questions portent donc essentiellement sur l’identité de la personne qui mettait l’argent dans les enveloppes livrées par Bakhos et sur la monnaie utilisée: des devises américaines ou des livres libanaises. Finalement, à une question du magistrat Riachi, Amale Abboud a précisé qu’en passant devant son bureau, Bakhos a pu voir des dollars et des livres libanaises, puisqu’elle était chargée des enveloppes (en dollars) mais aussi de la caisse réservée aux dépenses du bureau (en livres)…C’est toutefois le brigadier Matar qui crée l’événement, clamant une fois de plus son innocence et traitant les témoins de «menteurs». Il donne sa version de la prétendue soirée passée par Touma chez lui à la veille de l’exode chrétien des villages à l’est de Saïda. Bakhos avait raconté cela à la cour, mais Matar nie totalement les faits, précisant que ce soir-là, il est resté au commandement de l’armée jusqu’après minuit, pour préparer une opération le lendemain, destinée à ramener les dépouilles de deux soldats, tombés dans la région à l’est de Saïda. Il affirme même que plusieurs témoins peuvent corroborer ses dires et le président Honein promet de les entendre. Confusion Le troisième témoin est Chéhadé Chawah, ancien responsable de la chambre d’opérations du service de sécurité des FL et condamné à 5 ans de prison pour tentative d’assassinat du président Hraoui en 1991, à l’instigation de son chef Ghassan Touma. Il a toutefois bénéficié d’une grâce présidentielle dans cette affaire et il précise à la cour que dans son verdict, le tribunal avait estimé que Touma avait agi sans en référer à Geagea. Avec Chéhadé Chawah, la confusion commence dès les premières minutes de son audition lorsqu’il donne son adresse et elle s’accentue au fil des questions. Le procureur Addoum s’emploiera d’ailleurs à montrer qu’il ment sciemment, en testant sa mémoire. Le témoin se souvient ainsi d’avoir pris son bain avant de se rendre à son bureau, le 1er juin 1987, venant de Tannourine, mais a oublié s’il a vu Samir Geagea, ce même jour, dans la cour du bâtiment du service de sécurité. José Bakhos avait précisé que ce même jour, après avoir accompli sa mission de protection de Aziz Saleh, il avait contacté, à la demande de Touma, la chambre des opérations pour obtenir de nouvelles instructions, mais selon Chawah, la fonction de cette chambre se limitait à recevoir des dépêches urgentes avant de les remettre à qui de droit. Chawah confirme toutefois que les responsables des FL considéraient Rachid Karamé comme un ennemi, tout comme il confirme l’existence de banderoles dans les régions Est, réclamant la démission du Premier ministre de l’époque. Soit traumatisé par sa première comparution devant un tribunal, soit soucieux de protéger ses compagnons, le témoin est donc resté dans le vague, se rétractant par rapport à ses déclarations au cours de l’enquête préliminaire. Vendredi prochain, la cour l’entendra de nouveau, ainsi que Nader Succar et Robert Abi Saab.
Les présidents passent, les magistrats aussi, et Samir Geagea est toujours dans le box des accusés. Ses crimes sont-ils donc si nombreux pour qu’à la cinquième rentrée judiciaire consécutive, il est encore le principal inculpé comparaissant devant la cour de justice? Après une interruption due au passage à la retraite d’un des cinq membres de la cour, le procès de...