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Actualités - ANALYSE

Au risque de froisser le sortant Les flatteurs professionnels montent à l'assaut du nouveau régime

Un concert de louanges sans précédent. Un peu étonnant pour un président en puissance qui n’a pas encore eu l’occasion de démontrer ses talents de chef d’État. Mais assez compréhensible quand on songe à sa réussite à la tête de l’armée. Il reste que, comme toujours en ce bas monde, pour un compliment sincère, on en dénombrerait facilement dix de pure flagornerie. Un salmigondis qui ne va pas sans multiples arrière-pensées. Outre le réflexe classique de vouloir protéger ses arrières, les politiciens de carrière, qui ne sont pas nés de la dernière pluie, mêlent habilement à leurs éloges des recommandations piégées, à coup de «il-faut-ceci» ou «il-faut-cela»… Sans paraître un moment penser que, malgré la haute idée qu’ils affirment s’en faire, le prochain président pourrait avoir son propre avis sur les problèmes de l’heure, ils tranchent impérativement pour lui et pour le futur gouvernement. Ils veulent tout à la fois: assainir les finances publiques, réduire la dette du même nom, équilibrer le budget, consolider la sécurité, chasser l’occupant sioniste, recomposer le paysage politique de fond en comble, récupérer la souveraineté… Éradiquer enfin la corruption en faisant nettoyer les écuries d’Augias, par une épuration radicale, tant au plan de l’Administration qu’à celui de la caste politique qui, du reste, a le privilège de les compter eux-mêmes parmi ses membres. Tout cela laisse entendre que le régime sortant a été pour ainsi dire au-dessous de tout, qu’il a échoué partout, voire qu’il a contribué à la décadence, ce qui n’est pas gentil-gentil ni du reste objectivement exact car on ne peut lui dénier des réalisations essentielles ainsi qu’une bonne volonté à toute épreuve. Et en même temps, ce bruitage – fielleux d’un côté, mielleux de l’autre – constitue un défi pour le nouveau régime, auquel on demande d’avance, vu les circonstances et les textes constitutionnels, beaucoup plus qu’il ne peut objectivement donner. Hypocrite dévotion Un député lahoudiste se dit «choqué par ces flots d’hypocrite dévotion qui tendent insidieusement au général le piège-tentation d’un culte de la personnalité, comme s’il était un Michel Aoun. On veut peut-être le griser à coups d’encensoir pour l’empêcher d’y voir clair. Il est très peu probable qu’il se laisse duper. Car on ne doit pas oublier que, s’il n’est pas familier des combines politiciennes, les politiciens, il les connaît bien, et de longue date. En effet, quand il était chef de cabinet du général Iskandar Ghanem, commandant en chef dans les années soixante-dix, il avait notamment pour mission de traiter avec les politiciens, qui matraquaient sans cesse l’état-major de sollicitations, d’astuces et de pressions variées, qu’il a appris à neutraliser…» Par ailleurs, relève ce parlementaire, en critiquant à outrance le régime sortant, au point que cela confine parfois à la diffamation et en exagérant l’emphase apologétique à l’égard du nouveau régime, on tente de les placer l’un vis-à-vis de l’autre en situation conflictuelle. Ce qui est tout simplement une nouvelle façon d’affaiblir le camp auquel tous deux appartiennent. C’est-à-dire au légalisme taëfiste chrétien qui, à l’occasion de la présente mutation, devrait assez facilement mordre sur la rue à l’Est, où jusqu’à présent il ne tenait pas le haut du pavé». Pour cette personnalité, «il faut éviter, dans la phase difficile que connaît le pays, de retomber dans l’aberration troïkiste des faux problèmes et des sordides querelles intestines. Il ne faut pas que, même en tant qu’arbitre, le régime de Lahoud soit distrait de ses objectifs essentiels par de telles disputes, polémiques ou controverses. Sa visibilité ne doit pas être brouillée par des écrans de fumée, même s’ils proviennent de l’encensoir zélé de ses prétendus admirateurs de la dernière heure. Du reste, à notre connaissance, le général n’apprécie ni les flatteries excessives ni les bonshommes qui changent trop vite leur fusil d’épaule, même si cela se fait apparemment en sa faveur. Il a plutôt tendance à s’en méfier, et on le comprend…» — Pour sa part un ministre «inamovible», connu pour n’avoir jamais beaucoup fraternisé avec les hraouistes, s’indigne qu’on puisse «se déchaîner de la sorte contre le régime sortant, en oubliant que les Libanais lui doivent après tout la paix civile dont ils jouissent depuis neuf ans. C’est lui personnellement qui a mis fin à la déchirure en liquidant la dissidence Aoun et c’est à sa vigilante insistance que l’on doit la dissolution des milices, sans quoi il aurait été sans doute infiniment plus difficile de rebâtir un État unifié…» — Autre témoignage en faveur du président Hraoui: un homme d’affaires influent, qui annonce que les organismes économiques vont prendre l’initiative d’une sorte de livre blanc pour prendre la défense du président sortant. Et qui affirme que, sur le plan socio-économique, la récession est imputable non pas au chef de l’État, mais à la politique suivie par le gouvernement…
Un concert de louanges sans précédent. Un peu étonnant pour un président en puissance qui n’a pas encore eu l’occasion de démontrer ses talents de chef d’État. Mais assez compréhensible quand on songe à sa réussite à la tête de l’armée. Il reste que, comme toujours en ce bas monde, pour un compliment sincère, on en dénombrerait facilement dix de pure flagornerie....