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Actualités - REPORTAGE

Consommation - Jouer au détective pour connaître la vérité Que mettons-nous dans notre assiette ? (photos)

Si l’on pose à un Libanais la question suivante: «Que mettez-vous dans votre assiette», il peut répondre sans hésiter: «du colorant, des pesticides, des produits chimiques, des germes…» et il ne se tromperait pas. On n’en est pas encore aux produits transgéniques, au centre d’une polémique en Occident, mais au train où vont les choses, on ne doit pas tarder à y arriver. L’absence d’un contrôle rigoureux au niveau des produits de consommation au Liban ouvre grand la porte devant toutes sortes d’abus. Preuve en est le nombre élevé de plaintes qui parviennent à une organisation non gouvernementale, l’Association de protection du consommateur: une cinquantaine par mois, c’est beaucoup. Les explications du président de cet organisme, le Dr Marcel Abi Nader, sont alarmantes. Ce qui n’est pas compréhensible, dit-il, c’est la légèreté avec laquelle certains peuvent vendre des produits contenant des matières nocives, mettant en danger la santé des gens. des l’été dernier, l’APC avait saisi les ministères de l’Economie et de la Santé d’une plainte concernant l’existence de près de 200 entreprises qui distribuent sur le marché de l’eau qu’ils prétendent être potable alors qu’elle n’est pas propre à la consommation. Parce que les membres de l’APC forment entre eux une sorte de chaîne de solidarité, ils avaient pu analyser à leur frais des échantillons de l’eau ainsi vendue. «Nous avons découvert dans la plupart de ces échantillons, un taux élevé de germes tels que les coliformes et l’E.Coli, ainsi que des matières fécales», déclare le Dr Abi Nader — par ailleurs pédiatre à l’hôpital Abou Jaoudé de Jal el-Dib- en rappelant que le ministère de la Santé avait alors «publiquement reconnu que des entreprises vendent de l’eau soi-disant potable, sans autorisation et leur avait adressé des mises en garde». Le problème est qu’il n’y a pas eu de suites et ces entreprises continuent de distribuer de l’eau polluée dans les foyers. Elles sont pourtant facilement identifiables: on les retrouve particulièrement dans les quartiers populaires, de la banlieue — sud notamment. Dans ce secteur, les entreprises autorisées par le ministère de la Santé n’hésitent pas à montrer le système qu’elles utilisent pour l’épuration de l’eau. Les autres s’abstiennent de toute explication. L’eau des égouts pour l’arrosage L’eau d’arrosage n’est pas toujours meilleure. Dans certains champs, elle est même bien singulière : les légumes et les arbres fruitiers sont parfois arrosés avec des eaux usées «qui montent avec la sève jusqu’à l’écorce du fruit et peuvent parfois atteindre la partie superficielle de la pulpe», indique le Dr Abi Nader qui affirme avoir constaté que des terres plantées à Antélias sont ainsi arrosées. Côté viande, il y a lieu de s’inquiéter aussi: les poulets sont engraissés à la cortisone, fait remarquer le président de l’APC en se félicitant toutefois de ce que le prix de ce médicament a renchéri, «ce qui découragerait peut-être les éleveurs de volailles qui pratiquent cette méthode». Ce médecin pédiatre qui joue pratiquement le détective à ses heures perdues a pu noter que certains commerçants et marchands de poissons établis sur le littoral n’ont pas de scrupules à vendre comme étant de la viande fraîche un produit qui a été décongelé. «Les fruits sont parfois écoulés sur le marché sans que les agriculteurs ne respectent le temps de pose des pesticides, soit 20 jours, poursuit-il, et nous avons découvert que la glace dont nous avions prélevé des échantillons cet été, contenait de la listériose, une bactérie qui vit à des températures froides». La liste est longue. Comment traquer et dévoiler ce genre de fraude? Grâce essentiellement à des analyses et à un contrôle rigoureux au niveau des usines, répond le Dr Abi Nader qui se plaint de la lenteur de la procédure engagée par les services étatiques lorsqu’il s’agit d’enquêter sur la présence d’un produit frelaté sur le marché. «Cela donne souvent au commerçant accusé de fraude le temps de tout faire disparaître». Il se plaint aussi de la corruption: «On peut parfois tout arranger moyennant une poignée de dollars». Mi-figue mi raisin, le médecin note que le Libanais a développé une certaine immunité grâce à ce qu’il a pris l’habitude de consommer. Mais connaîtrons-nous un jour le prix à payer pour cette immunité, les effets secondaires de toutes ces matières que nous ingurgitons?
Si l’on pose à un Libanais la question suivante: «Que mettez-vous dans votre assiette», il peut répondre sans hésiter: «du colorant, des pesticides, des produits chimiques, des germes…» et il ne se tromperait pas. On n’en est pas encore aux produits transgéniques, au centre d’une polémique en Occident, mais au train où vont les choses, on ne doit pas tarder à y...