Rechercher
Rechercher

Actualités - REPORTAGE

Casse-cou sur deux roues, en liberté dans les rues (photo)

Au péril de leur vie ils sont des milliers, au Liban, à rouler sur leurs deux roues, motos ou mobylettes, en faisant fi du code de la route. Sans casque ni plaque d’immatriculation, ils dévalent les pentes, roulent à gauche, slaloment entre les voitures, font des queues-de-poisson aux camions, pour grignoter quelques mètres et gagner quelques minutes. Mais ces minutes si précieuses, ils les perdent souvent, et beaucoup d’entre eux se retrouvent sous les roues de ces poids lourds qu’ils narguaient quelques instants plus tôt. Un motard, deux motards, trois motards... Ils sont tous sur l’autre voie, celle du retour. Mais que font-ils là à contresens, roulant à toute vitesse? Ils resquillent, tout simplement, pour fuir l’embouteillage monstre qui s’étale sur plusieurs centaines de mètres au carrefour de la Chevrolet. Une fois arrivés au carrefour, ils se faufilent entre les voitures folles et leur coupent carrément la route, sans prêter la moindre attention aux automobilistes exaspérés et prêts à les emboutir. L’agent de faction ne leur accorde guère qu’un coup d’œil discret; il est débordé par le flot déversant des voitures et se désintéresse totalement des deux-roues rebelles. Mais gare à l’automobiliste désobéissant! À Achrafieh où les policiers se font rares depuis l’installation de quelques feux de signalisation, de tous jeunes adolescents en pantoufles sillonnent le quartier sur des mobylettes pétaradantes. Ils font la course en remontant l’avenue de l’Indépendance, sur une seule roue, et à deux sur une mobylette. Les voitures, les passants, les feux rouges, ils n’en ont cure, ils s’éclatent en hurlant des cris de Sioux. Une mère de famille, ameutée par le danger de ce jeu, se risque à leur faire une remarque, mais doit rapidement se résigner. Les motards ne se contentent pas seulement de ricaner, mais une salve de gros mots jaillit de leurs bouches d’enfants. Sur la route de la mer, vers le Sud, c’est toute une famille qui roule, cheveux au vent, sur un vélomoteur de fortune, non immatriculé. Le père, au guidon, a calé son garçonnet de 6 ans debout devant lui. Et derrière, une fillette de 4 ans se cramponne à son père, protégée par une mère, elle-même pas très rassurée. Ils roulent tout doucement, à droite, sans doute conscients du danger d’une telle aventure. Mais puisque les autorités ferment les yeux, pourquoi ne pas la tenter, cette aventure? Car, tant que cela sera permis, les adeptes de la moto en profiteront et se déplaceront comme ils l’entendent, anarchiquement, au risque de se tuer. Tentatives policières Les forces de sécurité établissent bien quelques barrages de temps à autre, histoire de décourager ces fous des deux-roues, et saisissent les engins dont les propriétaires ont violé la loi. Mais ceux-ci ne font le plus souvent que venir grossir les rangs des carcasses à jeter, car personne ne vient les récupérer: l’achat d’une autre mobylette coûte bien moins cher que l’amende et les formalités de régularisation affectant les deux-roues confisqués. A Dora, tous les soirs, vers 21 heures et depuis des années, un motard particulièrement cynique nargue impunément les habitants du quartier. A califourchon sur sa moto gros calibre, tête nue, il roule à grands fracas, sans tuyau d’échappement, et va continuer son tintamarre quelques kilomètres plus loin, à Jal el-Dib, où il se fait un devoir de réveiller tous les habitants du quartier, car il arpente la région à une vitesse folle, jusqu’à minuit trente à peu près. La population de la région, exacerbée, a maintes fois alerté les Forces de sécurité intérieure. Celles-ci se sont dérangées une fois ou deux, sans résultat. Un habitant a même eu, un jour, une altercation plutôt corsée avec le motard en question. Mais ce dernier revient, inlassablement, tous les soirs, comme s’il se faisait une joie d’exaspérer des citoyens qui n’aspirent qu’à un peu de repos. Toutes ces exactions impunies commises par les motards usent les nerfs de l’automobiliste impuissant au volant de sa voiture, qui est, lui, sans cesse harcelé par les agents de la circulation. Et cette irritation, il la manifeste à l’encontre du premier motard venu, même celui qui, pour seul crime, a le tort de se trouver sur son chemin. Rue Hamra, un jeune homme d’une vingtaine d’années juché sur sa moto rouge, mais sans casque évidemment, tente vainement de se faufiler entre deux voitures prises dans un de ces embouteillages quotidiens. Le chauffeur de taxi de derrière s’énerve et coince le motard, histoire de l’embêter un petit peu, mais au risque de le blesser. Tout cela se termine malheureusement par une rixe, parce que le chauffeur de taxi en avait sa claque des motards. Giorgio, jeune ingénieur de 25 ans, a été renversé par une voiture l’hiver passé, alors qu’il en doublait une autre sur sa moto-cross. Le chauffard, lui, doublait en troisième position et n’a aperçu le motard que trop tard. «Oh, le chauffeur ne l’a pas fait exprès, dit-il, il a même failli avoir une crise cardiaque quand il a réalisé qu’il m’avait cassé la jambe». Entre-temps, Giorgio a été immobilisé pendant trois mois et souffre encore des séquelles de son accident... Mais faut-il réellement laisser les conducteurs en arriver à ce point d’exaspération? Faut-il aussi se défouler sur les motards innocents et corrects? Car il y a malgré tout fort heureusement des motards qui respectent le code de la route. Au carrefour Béchara el-Khoury, un seul policier menait la circulation, d’une main de maître, et sagement, deux jeunes gens, chacun sur sa mobylette, casquette à l’envers sur la tête, attendaient la consigne de l’agent pour traverser le carrefour...
Au péril de leur vie ils sont des milliers, au Liban, à rouler sur leurs deux roues, motos ou mobylettes, en faisant fi du code de la route. Sans casque ni plaque d’immatriculation, ils dévalent les pentes, roulent à gauche, slaloment entre les voitures, font des queues-de-poisson aux camions, pour grignoter quelques mètres et gagner quelques minutes. Mais ces minutes si...