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Actualités - ANALYSE

Un test décisif, la formation du prochain cabinet

La procédure suivie fait certes tiquer mais, pour le fond, la réaction la plus courante est qu’on ne pouvait mieux choisir… Le général Émile Lahoud part, ou plutôt arrive, avec les préjugés favorables de l’opinion locale, notamment de la rue. Son élection n’étant plus qu’une formalité, c’est maintenant sur la formation du prochain gouvernement que l’attention se focalise. Tout le monde y voit en effet un test décisif pour les années à venir, le pouvoir exécutif étant détenu comme on sait non pas par la présidence de la République mais par le Conseil des ministres… Plus exactement, si l’on parvient à corriger l’esprit du système, faussé par la pratique, le chef de l’État peut être l’âme du pouvoir, son inspirateur, mais ne peut évidemment rien faire sans le concours du Cabinet. On n’avancerait pas d’un seul pas, si les qualités de probité, de détermination, de dynamisme du futur président ne trouvaient pas un écho actif chez les ministres. Les Libanais attendent donc de voir quelle équipe gouvernementale va se former, pour pouvoir se faire une idée du style que l’État va suivre. Un premier gouvernement, c’est toujours un signal fort ou plus simplement un indice révélateur. Lors de la prise d’indépendance, le pays s’est articulé sur un Cabinet fort composé de six figures de proue: à la barre Riad Solh et à ses côtés Camille Chamoun, Magid Arslane, Sélim Takla, Adel Osseirane et Habib Abi Chahla. Un sunnite, un maronite, un druze, un grec-catholique, un chiite et un grec-orthodoxe. La force de ce symbole des six principales communautés a longtemps marqué la vie politique intérieure de ce pays composite. – À l’avènement de Camille Chamoun, une formation encore plus compacte: Khaled Chéhab, Moussa Moubarak, Sélim Haïdar, Georges Hakim. Quatre seulement, mais pas vraiment des chefs de toute première grandeur. On pouvait ainsi comprendre dès le départ que Chamoun entendait être le seul maître à bord… Hajj Hussein Sous Fouad Chéhab également, une composition sans les ténors, Rachid Karamé mis à part: Philippe Takla, Charles Hélou, Mohammed Safieddine, Youssef Saouda, Rafic Naja, Farid Trad et Fouad Najjar. Une surprise qui en disait assez long sur les tiraillements à venir et préfigurait très tôt le clivage Helf-Nahj: la rue, sous l’impulsion des Kataëb, s’est dressée à l’est contre cette combinaison de huit. Et ce mouvement de protestation a eu gain de cause: le Cabinet s’est disloqué sans même se présenter devant la Chambre, remplacé par les fameux quatre: Rachid Karamé, Raymond Eddé, Hussein Oueyni et Pierre Gemayel. Mais le 4 mai 1960, prenant prétexte des législatives à organiser, Chéhab s’est octroyé une petite revanche. Il a formé un nouveau gouvernement présidé par Ahmed Daouk et comprenant Gébrane Nahas, Philippe Takla, Fouad Najjar, Amine Beyhum, Edmond Gaspard, Georges Naccache et Hassan Mokdad. – Au début de l’ère Charles Hélou, Hussein Oueyni s’est retrouvé à la tête d’un Cabinet de dix: Gébrane Nahas, Fouad Najjar, Amine Beyhum, Edmond Gaspard, Georges Naccache, Fouad Ammoun, Rida Wahid, Mohammed Knio et Joseph Najjar. Confiance obtenue par 54 voix contre 33 et une abstention… – Tout autre configuration pour le premier Cabinet du mandat Sleiman Frangié: Saëb Salam, Ghassan Tuéni, Henri Eddé, Hassan Moucharrafiyé, Saëb Jaroudi, Edouard Sauma, Jamil Kebbé, Emile Bitar, Elias Saba, Jaafar Charafeddine, Mounir Hamdane et Khalil Abouhamad. Confiance par 76 voix pour ce gouvernement dit «des jeunes» ou encore de «la révolution par le haut»… – Elias Sarkis pour sa part a fait appel pour ses débuts de présidence à Sélim Hoss, Fouad Boutros, Salah Selman, Ibrahim Cheayto, Amine Bizri, Michel Doumit, Assaad Rizk et Farid Rouphayel. Confiance à l’unanimité… – Sous Amine Gemayel, ce fut un Cabinet Chafic Wazzan avec Elie Salem, Roger Chikhani, Pierre el-Khoury, Ibrahim Halawi, Bahaeddine Bsat, Adnan Mroué, Issam Khoury, Georges Ephrem et Adel Hamiyé. Là aussi confiance à l’unanimité, comme quoi on était encore en guerre… – Pour inaugurer Taëf, après l’élection d’Elias Hraoui, il y eut autour de Sélim Hoss, Michel Sassine, Nazih Bizri, Georges Saadé, Edmond Rizk, Ali el-Khalil, Souren Khanamirian, Abdallah Racy, Nabih Berry, Walid Joumblatt, Elias el-Khazen, Albert Mansour, Mohsen Dalloul et Omar Karamé… Un simple regard périscopique permet de constater qu’au fil des décennies les premiers gouvernements sont truffés d’apolitiques, d’extraparlementaires. Dont beaucoup ont pris goût, à travers cette expérience, à la chose publique et sont devenus ensuite de véritables professionnels. Toujours est-il que cette tendance à faire appel à des «gens du dehors» traduit les difficultés qu’il y a ordinairement à réunir sur un même banc des leaders politiques antagonistes, qui préfèrent dès lors se faire représenter. Pour en revenir à l’actualité, il s’agit donc aujourd’hui de savoir quelle va être la nature du prochain Cabinet, le premier de l’ère Lahoud qui s’annonce, et quel volume il accusera. Sera-t-il restreint, moyen ou élargi? Sera-t-il totalement parlementaire, complètement extraparlementaire ou panaché? Comprendra-t-il des ministres de l’actuelle formation ou ne se composera-t-il que de figures neuves? On n’en sait encore rien. Sauf que l’opinion serait effroyablement déçue si le test échouait et s’il en restait l’impression que l’avènement du général Lahoud, prometteur de changement, allait être contré par les forces négatives du vieux système. Toujours est-il que, sur le plan concret, des sources informées croient savoir que des contacts intensifiés sont déjà en cours pour la mise en place du prochain gouvernement, qui se ferait ensuite, après les consultations parlementaires obligatoires que devra entreprendre le président du Conseil désigné, en moins de quarante-huit heures…
La procédure suivie fait certes tiquer mais, pour le fond, la réaction la plus courante est qu’on ne pouvait mieux choisir… Le général Émile Lahoud part, ou plutôt arrive, avec les préjugés favorables de l’opinion locale, notamment de la rue. Son élection n’étant plus qu’une formalité, c’est maintenant sur la formation du prochain gouvernement que l’attention...